6.1.2.2 Cascades informatives
Cette théorie se concentre sur les inefficiences
liées à l'agrégation d'informations privées, les
actions des investisseurs produisant évidemment un signal sur leurs
informations privées. Si celui-ci est positif, il peut induire un
deuxième signal positif de la part d'un agent. Dans ce cadre, il est
plausible de déboucher sur des situations où les
stratégies d'investissement à retour positif entraînant des
risques de bulles. Elle alimente le processus de s'aligner sur les consensus de
marché.
Dans un marché à formation des prix
endogènes comme le marché des changes, les investisseurs
n'agiront pas si les coUts de transaction sont trop élevés eu
égard au gain escompté grace à des pièces
d'information petites et disparates. Par exemple une succession de petites
mauvaises nouvelles peut ne pas provoquer de transactions expliquant la
présence d'anticipations a priori visqueuses. Seul un signal
public peut les pousser à traiter en dépit du coût de
transaction, telle les réactions en chaîne lors de la crise de
change asiatique en 1997 ou russe en 1998.
Cet effet est toutefois pondéré par le fait
repris par Zemsky et Avery (1996) que si les prix fournissent des signaux sur
l'information privée et si cette dernière est suffisamment riche,
il ne sera pas possible pour le marché d'isoler l'information
privée à partir des prix. On retombe donc dans un environnement
plus enclin à la spéculation mais où l'incertitude est
plus grande donc obligeant les acteurs à restreindre leurs paris pour
une plus grande diversification a priori salvatrice en termes de
protection de performance.
6.1.2.3 Croyances a priori
hétérogènes
Toutes les différences de croyance sont, selon la
finance classique, le résultat de différentes informations :
personne n'a les mêmes. Or selon Milgrom et Stokey (1982), ce n'est pas
la différence d'informations détenues qui incite à la
transaction mais la présence de convictions différentes. Par
exemple en reprenant le modèle dynamique d'Harrison et Kreps (1978)
où les agents sont neutres en risque mais avec des croyances a priori
hétérogènes, aucun actif n'est traité à sa
valeur fondamentale en raison de l'éventualité de pouvoir le
revendre plus cher à un autre agent. Ce que A pense ne correspond pas au
point de vue de B qui peut accepter d'acheter à un prix plus
élevé ou non.
C'est donc tout le processus d'apprentissage par les prix qui
se retrouve potentiellement déstabilisé, en se focalisant sur la
différence de croyance. Tout dépend ensuite de la capacité
des agents à déterminer la nature de ses différences
à partir des changements de prix. Dans la perspective de la construction
de portefeuille appréhendé à l'aune de la théorie
des jeux, c'est la lenteur de cet apprentissage des différences
d'opinion qui induit des prises de risque initialement mineures qui
s'accroîtront au fil de l'eau en fonction de l'interaction
stratégique des agents et des flux d'information privée ou
publique.
Par conséquent, la crainte des mouvements adverses du
marché vient restreindre la spéculation dans sa prise de risque.
Ces événements proviennent plus statiquement de la
présence d'agents incompétents ou, plus dynamiquement de la
capacité des agents à interagir stratégiquement entre eux.
Nous abordons là le paradoxe de la spéculation contrainte de
maximiser son ratio de Sharpe : parier en se soumettant d'une certaine
manière au marché et à son consensus.
Si théoriquement il existe bien une incitation à
spéculer, plus concrètement, sa mise en oeuvre n'est pas
nécessairement viable pour le spéculateur. Est-ce aussi la raison
pour laquelle la spéculation se fait remarquer uniquement sur des
situations de déséquilibre évident ?
Si la notion de croyance d'ordre supérieur abonde dans
le sens d'une crainte du marché par la spéculation, les
modèles opèrent une dichotomie dogmatique entre les groupes qui,
en leur sein, opèrent de manière non identique et
aléatoire. Si ceci explique la diversité du nombre d'agents
irrationnels ou d'opinions hétérogènes, elle ne permet pas
d'élucider les bulles et autres phénomènes de
marché qui invalident une position adverse bien que fondamentalement
saine. Nombreux furent d'ailleurs quelques spéculateurs à crier
dès 1998 à la bulle Internet...
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