6.1.2 Une approche par la théorie des jeux40
Cette approche de la théorie des jeux appliquée
à la finance offre une vision plus dynamique de la construction de
portefeuilles en termes de concrétisation des anticipations en positions
spéculatives. Déformée sous l'appellation de «
réflexivité » par Soros41, ce modèle met
en scène deux agents avec une asymétrie d'information
complète : ils ignorent les anticipations et les contraintes de leurs
congénères. Ils se retrouvent confrontés à un choix
: mettre en place leurs paris les plus risqués ou se contenter de
profiter de l'actif sans risque. Ceci constitue en réalité un jeu
probabiliste mesurant le risque et l'opportunité de chacune des
solutions. Nous sommes dans une configuration d'interaction
stratégique.
Appliquée à la valorisation des actifs financiers
dont les taux de change, quatre phénomènes en ressortent :
- Croyances d'ordre supérieure
- Cascades informatives
- Croyances a priori hétérogènes
6.1.2.1 Croyances d'ordreLsupérieur (Higher order
belief)
La sagesse conventionnelle pose comme postulat que les
participants sur les marchés sont autant intéressés par
les fondamentaux que par les opinions de leurs pairs. Dans le cadre de la
finance classique, cette situation n'est envisagée qu'avec des acteurs
irrationnels. La littérature disponible en matière de
théorie des jeux en revanche révèle qu'en situation de
coordination stratégique semblable au processus de formation des prix
définis par la finance microstructurelle, la présence de
conviction supérieure est cruciale pour les agents pleinement
rationnels.
Chaque joueur envoie un signal sur ses convictions en traitant
sur les marchés. Ce signal est perçu par les autres protagonistes
comme une vision, une compréhension différente sur les autres
fondamentaux que les autres agents analysent en fonction de leur propre vision
sur les fondamentaux. Qui a raison ? Qui a tort ? Se met dès lors en
place une forme de coordination entre les anticipations fondée sur
l'existence d'événements quasi-publics, c'est-à-dire que
chacun croit plausible car vrai, quand bien même il ne se
réaliserait pas.
40 ALLEN F., MORRIS St. «Finance Applications of
Game Theory», Financial Institutions Center, The Wharton School,
Université de Pensylvanie, Numéro 98-23-B
41 SOROS G. op. cit
Ainsi le marché est tenu par une conviction commune
supérieure sur ce qui peut se passer et à partir duquel les
participants révisent rationnellement leurs propres opinions.
Typiquement, certains actifs peuvent être côtés en
dépit de leur non valeur pour la seule et bonne raison que les
intervenants sont communément convaincus que ces actifs peuvent avoir
à terme une utilité positive pour un agent tiers. Ramené
plus concrètement au jeu spéculatif, ceci explique l'effritement
des convictions individuelles au profit d'un scénario maître
induisant une réduction des positions contraires ou divergentes.
Toutefois, ce processus semble plus visible sur les
marchés centralisés que de gré à gré comme
sur le marché des changes. Ces derniers requièrent une
coordination sensible au manque de connaissance intrinsèque à ce
mode de fonctionnement. En revanche, ce système peut se retrouver dans
le marché des changes sur les craintes de crise, des bulles
spéculatives ou des raisonnements non fondamentaux comme la conviction
en 2000-2001 de la supériorité du Dollar américain par
rapport à l'Euro.
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