6.1.1.2 De la crainte du marché
Les arbitrageurs ne peuvent fonctionner que s'ils constituent
le poids majeur des marchés, auquel cas nous retombons dans une autre
forme du paradoxe GrossmanStiglitz. L'agent informé compétent
s'apparente plus à une communauté minoritaire et ne rassemble pas
l'ensemble des intervenants professionnels. Même les market-makers et les
spéculateurs peuvent inclure des faiseurs de bruit potentiel (cf.
résultats disparates). Ce qui induit donc la prise de position est le
phénomène de la moindre incertitude. La spéculation
compétente ne semble donc mettre ses stratégies en place que si
elle est certaine de maîtriser au mieux son risque de marché.
Sinon elle capte une tendance et cherche à sortir de cette
dernière lorsqu'une nouvelle information l'incite à sortir d'un
point de vue microéconomique, tel Jacob Rothschild qui dit être
devenu riche au XVIIIième siècle pour avoir toujours vendu trop
tôt.
Cette crainte du marché est alimentée par trois
phénomènes avérés :
- Le sentiment des investisseurs qui apparaît comme
visqueux. Lent à la réaction, il sous-réagit aux bonnes
nouvelles mais sur-réagit aux mauvaises informations. Il est l'un des
vecteurs de la volatilité.38 Néanmoins ceci peut
représenter une opportunité pour la spéculation dans
l'acquisition d'information privilégiée.
- Les stratégies d'investissement à retour
positif. Il s'agit du principe selon lequel plus un agent gagne, plus il
investit. Ce dernier n'est intéressé que par les mouvements de
prix en soi, en déconnexion de leur environnement fondamental. Ces
environnements s'autoentretiennent pouvant mener à une bulle.
38 &2 8 ' ( 5 7 R9 1R1 ( ;RM1,R/Les
iQ3MMEIRMaversion pour le risque peuvent-ils anticiper les crises
financières », Banque de France, Revue de stabilité
financière, Numéro 9, Décembre 2006
- L'effet d'agence. La majorité des spéculateurs
gèrent des actifs qui ne sont pas les leurs : ils collectent une
fraction de l'épargne (fonds de pensions, actionnariat des banques...).
Ils se voient soumis à des règles de bonne gestion diligente et
prudentielle. Leur seul moyen de continuer à gérer ces capitaux
est de produire des rendements positifs, les plus élevés
possibles de manière la moins volatile possible. C'est tout l'enjeu de
la maximisation de leur ratio de Sharpe. Cet effet de l'agence les incite
à une prudence, à protéger leur performance, accroissant
de facto leur aversion au risque donc à ne favoriser que les situations
certaines. Cette réalité semble particulièrement visible
sur les marchés des changes comme l'atteste la difficulté
rencontrée par les fonds spéculatifs pour préserver leurs
gains comme leurs actifs sous gestion (cf. première partie).
Cet apport de la finance comportementale met en exergue une
ambivalence déconcertante. La spéculation éclairée
est extrêmement vigilante à ne pas dévoiler ses
informations de façon trop évidente pour être captée
par ses concurrents, profitant de la volatilité, un risque de
marché évident, pour décliner ses stratégies
d'investissement et, paradoxalement, elle craint la tendance du marché
en général en minimisant ses paris ou en couvrant ses positions.
Ainsi elle contribue notamment à la prime de risque constatée en
tant que différence de valorisation entre les instruments comptant et
à terme nets des coûts de portage sur les mêmes actifs
sous-jacents39. Cette ambivalence est celle de la construction de
portefeuille dont l'objectif est de minimiser au mieux les risques en les
diversifiant (positions moindres) et les couvrant de tous risques de
marchés (recours aux dérivés).
Enfin, pour être exhaustive, cette vision pourrait
incorporer le coOt d'un accès à l'information pour prédire
le comportement des agents non compétents comme celui de transactions
afin de sélectionner uniquement les opportunités les plus
rentables.
39 SARNO L., TAYLOR M. op. cit
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