6.1 Hétérogénéité
des agents : les modèles de bruit sur le marché
Cette partie se concentre plus particulièrement sur la
manière dont l'hétérogénéité des
marchés contraint la prise de risque. Celle-ci se décompose entre
les modèles dits de bruit issus de la finance comportementale et
l'apport de la théorie des jeux.
36 BENASSY-QUERE A., LARRIBEAU, McDONALD, «
Models of Exchange Rate Expectations: Heterogeneous Evidence from Panel Data
», CEPII, 1999
6.1.1 Modèle de Noise Trading37
Au même titre que l'approche microstructurelle, la
finance comportementale cherche à pallier les insuffisances des
modèles fondamentaux dans leur capacité à prédire
les cours et les rendements des actifs. Si l'un s'intéresse à la
formation des prix dans confrontation des anticipations sur les marchés
et leurs cortèges d'effets secondaires comme la volatilité, la
finance comportementale se focalise d'avantage sur le processus
décisionnel tout en s'appuyant sur l'apport microstructurel.
6.1.1.1 Principe du modèle
Communément à l'approche prise par Grossman et
Stiglitz dans leur constat de l'impossibilité d'avoir des marchés
efficients en tant que pourvoyeur d'informations, nous sommes ici dans un
modèle avec deux types d'agent : compétent et non
compétent. Ici les investisseurs sont restreints aux arbitrageurs. Tout
agent non arbitrageur est faiseur de bruit.
La principale conclusion de ce modèle est
l'impossibilité de l'arbitrage au sens neutre en risque. Il est
nécessairement porteur d'un risque car l'existence de parfaits
substituts entre les positions acheteuses et vendeuses est illusoire. Un risque
perdure par la non substituabilité exacte des titres en termes de
profils de risquerendement. Cette inadéquation est en outre
accentuée par le risque.
En effet, les intervenants incompétents sont mus par
leurs propres sentiments. Ils ne fondent pas leurs décisions
d'investissement sur une analyse fondamentale mais sur une impression de
continuité de tendance transformant ces sentiments en anticipations
potentiellement auto-réalisatrices. Dans cette perspective, tout
arbitrageur à horizon fini de court terme se trouve donc exposé
au bruit de marché rendant son opération vaine. C'est la crainte
de mouvements adverses qui vient restreindre l'arbitrageur dans ses
stratégies d'investissement. Non seulement il assume un risque
intrinsèquement non nul mais aussi un risque de marché
général naturel qui peut lui être défavorable car
nourri par l'inconstance, le bruit... des autres participants.
37 SHLEIFER A., «Inefficient Markets: an
Introduction to Behavioral Finance», Clarendon Lecture in Economics,
Oxford University Press, 2000
Au même titre que l'efficience des marchés ne
peut durablement exister, l'arbitrage n'existe pas à moins d'être
de long terme. Sinon, il se réduit à une forme de
spéculation se contentant de mettre en place des stratégies
d'investissement les moins incertaines possibles. L'arbitrage s'intègre
dans la spéculation qui s'étaye en voulant capter un mouvement ce
correction des prix. Les marchés peuvent rester illogiques plus
longtemps que les arbitrageurs ne demeureront rentables. Ainsi se crée
un effet de sélection adverse sur les marchés.
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