5.3 Approche microstructurelle
La finance microstructurelle s'est développée
à la marge de la finance traditionnelle en raison de l'incapacité
des modèles fondamentaux classiques à prédire
convenablement le cours des actifs financiers, à commencer par le taux
de change. Elle détermine le précédent comme une somme de
vues microéconomiques au lieu d'une approche d'équilibre
général. Constatant la persistance d'une prime de risque sur les
taux de change, l'hétérogénéité des agents
comme le biais a priori structurel de leurs
anticipations25, cette approche analyse comment ces derniers
interagissent et de facto contribuent à la formation des prix.
Cet élément permet de mieux comprendre le processus d'obtention
et de révélation de l'information par les agents ainsi que
l'étonnante volatilité des marchés des changes qui,
imputée à la spéculation, étonnent de nombreux
économistes.
5.3.1 Flux des ordres et rétention de
l'information
Au jour le jour, les taux de change sont affectés par
le flux des ordres. Ces derniers contribuent à comprendre le
comportement des premiers sans pour autant titre le facteur déterminant
de leur valeur. Ils constituent néanmoins pour Evans et Lyons un bon
moyen d'approximer les forces fondamentales qui guideraient les taux de change
dans le temps. Contrairement à la vue macroéconomique globale
d'équilibre qui anticipe le taux de change en fonction des fondamentaux,
l'approche microstructurelle fait intervenir cette étape
supplémentaire : elle produit des résultats supérieurs aux
modèles fondés sur les anticipations car ils reflètent une
véritable conviction26. Elle s'inscrit en sus en toute
cohérence avec le paradoxe GrossmanStiglitz en ce sens qu'elle
intègre la notion d'information privée.
25 SARNO L., TAYLOR M., «The Microstructure of
the Foreign Exchange Market: a Selective Survey of the Literature»,
Princeton Studies in International Economics, Numéro 89, Mai 2001
26 LYONS R., «The Microstructure Approach to
Exchange Rates», The MIT Press, 2001
Le marché des changes n'est pas un marché
centralisé comme l'est, par exemple, le marché des actions.
Fragmenté il fonctionne de gré à gré. Les agents
reportent leurs ordres à plusieurs teneurs de marché pour obtenir
des cotations plus compétitives. Cette structure peut être
complexifié par l'existence d'intermédiaires
supplémentaires qui se substituent aux agents finals pour obtenir la
meilleure cotation. Nous sommes dans un monde de passation d'ordres
dominé par des spéculateurs en puissance.
Dans ce contexte, la crainte de l'agent et du
spéculateur en particulier est de révéler d'emblée
son information privilégiée. En effet, son passage d'ordre peut
indiquer à ses concurrents qu'ils ignorent quelque chose eu égard
à l'ordre qu'il passe. Ceci conduit le spéculateur à ne
dévoiler que progressivement sa stratégie et ainsi maintenir un
flou quant à l'information qu'il possède27. Ce dilemme
semble perdurer quelle que soit l'intensité des transactions sur le
marché. Que ce soit le concept d'incertitude développé par
Easley et O'Hara (1992) qui teste positivement le fait que les transactions
sont révélatrices en nouvelles informations en période de
fortes transactions ou celui, inverse (faible volume de transactions), de la
patate chaude (« Hot Potatoe ») fondé sur les modèles
d'asymétrie de l'information développés par Admati, les
transactions ont effectivement un biais révélateur. Cette
situation s'intègre parfaitement dans la logique du paradoxe de
Grossman-Stiglitz : l'inefficience des prix est rendue plus constante pour
maintenir un gain.
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