Pour se renforcer structurellement, une société
peut agir sur deux tableaux : en premier lieu, sur le choix de sa forme
(A), en second lieu, sur le fonctionnement interne de celle-ci (B).
56. - De nombreuses sociétés
cotées ont fait le choix de ses transformer en société en
commandite par actions parmi lesquelles Michelin (détenue aux 2/3 par
des fonds de pension américains), Yves Saint-Laurent, Hermès,
Eurodisneyland, Worms et Cie.
Cette mesure anti-OPA est très certainement la plus
efficace en ce qu'elle permet d'opérer une dissociation entre
détention du capital et exercice du pouvoir.
57. - Plusieurs règles de
fonctionnement spécifiques font de la commandite par actions un moyen de
défense efficace contre les OPA.
Toutefois, la SCA n'a pas toujours eu la faveur des
autorités boursières. Même durant la vague des OPA qu'a
connu la France au milieu des années 1980, la COB voyait ces
sociétés d'un oeil suspicieux. En 1988, Jean-Pierre BERTERL
posait comme question à Patrick MORDACQ, Secrétaire
général de la COB : « Le recours à la
société en commandite par actions, qui apparaît comme une
technique efficace pour se protéger contre les conséquences
habituelles d'une OPA, ne semble pas avoir les faveurs de la COB ;
pourquoi cette réticence vis-à-vis d'une forme sociale qui
présente pourtant des avantages et connaît d'ailleurs actuellement
un certain renouveau ? » Ce à quoi lui
répondait l'intéressé : « La Commission
considère que la mise sur le marché d'une société
par ses dirigeants l'engage dans un double processus : la transparence,
c'est-à-dire une information claire, complète et en temps
utile ; l'égalité, c'est-à-dire le respect dû
à l'associé qui partage le risque avec les actionnaires
majoritaires et donc l'obligation de la faire bénéficier de
profits équivalents. Toutes les techniques qui tendent à rompre
cette égalité entraîne des déséquilibres
d'appréciation sur le marché et transforment le produit qu'est
l'action en un sous-produit qui ne peut stimuler l'intérêt des
investisseurs. »32(*)
Depuis, la COB a changé d'avis et la SCA semble moins
dénigrée par la COB d'autant plus que la loi du 2 août 1989
est venue régulariser l'entrée des SCA en Bourse.
58. - La société en commandite
par actions est une société par actions. Elle comporte trois
organes d'origine légale : les commanditaires, qui sont les
actionnaires, les commandités, désignés par les statuts et
le gérant.
Les commanditaires n'assument les pertes que dans la limite de
leurs apports ; ils sont vocation à recevoir des dividendes, droit
financier également étendu aux réserves et au boni de
liquidation. Ils sont exclus de la gestion de la société. Un
commanditaire ne peut être gérant. Ici réside
l'intérêt de la SCA comme arme anti-OPA.
Le commandité, désigné dans les statuts,
est également astreint à un apport au capital social. Cependant,
il est considéré comme un associé de société
en nom collectif. Il y a donc cohabitation de deux formes juridiques de
bailleurs de fonds dans la SCA. Le commandité participe aux
décisions de la société. Il nomme le gérant, le
révoque, approuve les comptes, modifie les statuts...
Si les actions des commanditaires sont cessibles et
négociables, les parts des commandités, en revanche, ne le sont
pas : un assaillant ne peut donc devenir que commanditaire.
Enfin, le gérant est le véritable
exécutif de la SCA. Il peut y en avoir plusieurs, il peut être une
personne physique ou morale. Il n'est pas nécessairement
commandité. Il est soustrait à l'influence des commanditaires
dont leurs seuls titres sont cotés en Bourse.
59. - Soustrait à l'autorité
des commanditaires, il n'a à répondre que devant les
commandités dont les titres ne sont pas cotés. Ainsi, les
dirigeants d'une SCA ne peuvent voir le pouvoir disputé par une OPA.
Cette forme d'architecture a fait dire à certains qu'il s'agissait d'un
despotisme rencontré en droit des sociétés en l'absence de
contre-pouvoir social.
Ainsi, le raider qui réussit à acheter la
majorité du capital de la société en commandite par
actions sera seulement maître de l'assemblée
générale des commanditaires, sans pouvoir s'immiscer dans la
gestion de la SCA.
60. - Toutefois, la SCA trouve ses limites
dans la durée. Le raider s'étant rendu maître de
l'assemblée des commanditaires peut, en refusant d'approuver les
comptes, priver le commandité de toute rémunération. Par
ailleurs, il peut s'opposer au désir d'augmentation du capital.
A terme, cette attitude conduit à un blocage interne de
la société qui entraînera la nomination d'un administrateur
judiciaire, voire la révocation du gérant.
61. - La cour d'appel de Paris33(*) a ainsi condamné
l'utilisation de la SCA à l'étage inférieur de la
société cotée : les dirigeants de l'OCP avaient
transformé deux filiales regroupant l'essentiel de son activité
en SCA. Si l'OCP en était l'actionnaire commanditaire, ce sont les
dirigeants du groupe qui en étaient les commandités, via deux
sociétés holding. Ceux-ci pouvaient donc favoriser un candidat
dans le cadre d'une OPA sur l'OCP. C'est ce qu'ils firent en s'engageant
à céder les deux sociétés holding
commanditées à l'allemand GEHE, qui déposa une OPA sur les
actions OCP. La cour a estimé qu'en avantageant l'un des
compétiteurs, les commandités entravaient le libre jeu des offres
et des surenchères.
62. - La SCA offre ainsi une capacité
de résistance assez forte aux tentatives de raiders, exclusivement
attirés par la perspective de pouvoir dépecer la
société après en avoir pris le contrôle.
Pour l'industriel intéressé par les parts de
marché et qui a les moyens de sa patience, la forme en commandite par
actions n'est pas suffisamment dissuasive. Elle n'est pas « une
citadelle imprenable »34(*).
63. - La loi du 2 août 1989 a
prévu en outre une procédure de retrait pour les actionnaires
dans le cas où une société anonyme préalablement
cotée désirerait se transformer en société en
commandite par actions35(*).
La procédure édicte que l'offre de retrait doit
émaner des personnes physiques ou morale détenant la
majorité des 2/3 des droits de vote de la société anonyme
transformée.