Les stratégies de défense en matière d'OPA( Télécharger le fichier original )par Olivier de MAISON ROUGE Université Clermont 1 - DEA de Droit des Affaires 2001 |
PREMIÈRE PARTIE :LES STRATÉGIES DE DÉFENSE PRÉVENTIVE24. - Les sociétés potentiellement cibles d'OPA se doivent avant tout de se fortifier, voire de se « muscler » juridiquement, dans le but de se rendre mois attrayantes. Le droit des sociétés comme le droit boursier offrent un panel de dispositions qui permet à toute société de parer les attaques des raiders avec néanmoins des chances de succès parfois aléatoires. Le tout étant de conjuguer séduction auprès des petits porteurs et répulsion auprès des raiders. Cela peut consister en un véritable numéro d'équilibriste. En adoptant une stratégie de défense préventive, la société recherche avant tout à se rendre moins « opéable » ; pour se faire, elle combat sa fragilité principale à savoir une trop grande dispersion du capital entre les mains de petits investisseurs. En effet, si un capital réparti entre de nombreux actionnaires permet à la société de se financer tout en laissant à certains actionnaires majoritaires le pouvoir qu'ils possédaient auparavant, tout raider peut tenter une OPA de ramassage sur ce même capital atomisé. 25. - Il appartient donc à la société de se forger une armure autour de deux axes : elle doit tout d'abord s'assurer de la concentration et de la stabilité du capital pour palier tout ramassage (I), elle doit ensuite réaliser des changements structurels de nature à se rendre plus difficile à avaler (II). I . CONCENTRATION ET STABILITÉ DU CAPITAL26. - La volonté exprimée par le Ministère de l'Économie et des Finances en 1987 de favoriser les « noyaux durs » a fait école. La finalité est de concentrer une partie du capital entre les mains de quelques actionnaires fidèles et sincères, qui ne devraient pas, en principe, céder leurs parts à l'initiateur de l'OPA. Cependant, il existe encore d'autres mesures préventives que le droit des sociétés met à la disposition des éventuelles proies boursières. 27. - Afin de déjouer les initiatives des raiders, une société doit avant tout sensibiliser tout au long de sa vie les actionnaires. Le droit des sociétés présente de nombreuses dispositions permettant de mieux dissocier le pouvoir de la masse des actionnaires. La pratique du monde des affaires a elle-même créé d'autres formes de séparation aboutissant au même résultat. L'objectif est, pour les dirigeants, de conserver le pouvoir quelle que soit la forme de l'actionnariat.
28. - Il ne s'agit pas ici de décrire les simples aménagements de la pratique mais de développer les mesures de défense à l'encontre des OPA au niveau de l'actionnariat permises par le droit des sociétés. Du droit de vote accordé aux actions découle la prise de contrôle de la société dans une OPA. L'idée est donc ici est désolidariser le droit de vote, droit politique, du droit aux dividendes, droit financier. §1. La technique des obligations convertibles en actions : l'accès au droit de vote29. - Proposée par la loi du 24 juillet 1966, cette technique n'a pas été créée dans le but de faire obstacle aux OPI. Toutefois, dans la pratique, il apparaît qu'elle permet de retarder les effets d'une OPA. Raymonde VATINET parle ainsi d'un « regroupement d'une partie du capital [qui ne] peut être que virtuel, pour apparaître au moment opportun, grâce à l'utilisation de produits d'épargne de types particuliers... La formule la plus ancienne est celle des obligations convertibles en actions dont les titulaires deviendront actionnaires dans les conditions prévues par le contrat d'émission : à une époque déterminée ou à tout moment »18(*). 30. - Ce contrat d'émission peut ainsi prévoir que les obligations souscrites seront converties en actions à l'occasion d'une OPA. Rien ne semble en effet s'opposer à ce que le contrat envisage ce terme. Ces nouvelles actions intégrées au capital peuvent renverser la majorité au profit des anciens dirigeants. Le raider devra alors s'employer à racheter ces nouvelles actions et devra prévoir une OPA plus onéreuse qu'à l'origine. Il existe également des variantes parmi lesquelles les obligations avec bons de souscriptions d'actions qui ont été instituées par la loi du 3 janvier 198319(*). A cette obligation sont attachés des bons qui donnent droit à leur propriétaire de souscrire à des actions à émettre par la société dans les conditions et les délais prévus par le contrat d'émission. Toutefois, les bons sont détachables de l'obligation et peuvent être cédés séparément. Il convient donc de les placer dans des mains « sûres ». 31. - A l'inverse, le contrat d'émission des obligations convertibles peut prévoir qu'en cas de changement de propriétaire, c'est-à-dire que si l'obligation est cédée à une autre personne, les délais de souscription des actions seront reconduits. Cette autre technique permet ainsi de retarder les effets d'une OPA camouflée. Un initiateur d'OPA aurait ainsi pu acheter des obligations convertibles en action pour entrer à terme dans le capital sans avoir à passer sous l'obligation de déclaration de franchissement de seuil et activer son OPA ouverte. * 18 R. VATINET, Les défenses anti-OPA, Rev. Soc. 1987, p.539 * 19 Art. 194-1 à 194-11 |
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