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Les stratégies de défense en matière d'OPA

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par Olivier de MAISON ROUGE
Université Clermont 1 - DEA de Droit des Affaires 2001
  

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§3. La procédure de l'OPA

15. - Le financier étant imaginatif et audacieux, un ramassage d'actions en bourse ne lui semblait pas insurmontable et lui permettait rapidement d'avoir la mainmise sur une société qu'il lorgnait.

Aussi, après les premiers ramassages boursiers de 1964 introduits en France par la pratique, l'OPA a été réglementée à partir de 1966. L'OPA, telle que définie juridiquement, est par excellence le mode de prise de contrôle adapté aux règles du marché boursier, par son caractère public, son respect de la loi de l'offre et de la demande et de l'égalité entre les actionnaires.

16. - L'OPA est un acte juridique volontaire12(*).

Elle se compose de plusieurs phases impératives pour la réussite de l'opération.

1. La phase discrète : chaque bataille, pour conserver ses chances de succès, doit se préparer dans l'ombre ; il en est de même pour l'OPA. Durant ce temps, le prédateur prend sa décision, établit son plan d'attaque, évalue le rapport de forces et cherche des appuis. Un de ses soutiens les plus solides est celui du banquier sans lequel une OPA ne saurait aboutir. L'argent étant le nerf de la guerre dans les hostilités boursières, ce soutien doit être sans faille. Le prédateur devra donc être convainquant auprès de son bailleur de fonds s'il veut parvenir à ses fins. Certaines banques d'affaires se sont spécialisées dans ce genre de montages juridico-financiers. Une fois les termes de l'offre arrêtés, le raider doit ensuite déposer son dossier devant le Conseil des Marchés Financiers (CMF)13(*), laquelle autorité a cinq jour pour donner son aval. Le projet est également soumis au ministre de l'Économie et des Finances qui ne peut s'opposer à une telle démarche que si le prédateur n'est ni français ni ressortissant de l'Union Européenne. Enfin, le projet est notifié à la COB.

2. La phase publique : Dès l'instant où le projet a été étudié et avalisé par le CMF, le raider doit informer le public de son intention de procéder au rachat des actions d'une société donnée. Tous les moyens de publicité s'offrent à sa disposition. Dans tous les cas de configuration, il doit joindre la note d'information visée par la COB qui détermine les modalités précises de l'offre. Dans le cas d'une OPA, l'initiateur offre en contrepartie du numéraire quand, dans le cas d'une OPE, il propose en substitution d'autres valeurs mobilières. En outre, une note d'information de la société est diffusée dans laquelle sont mentionnées les opinions des dirigeants. Cette riposte fait également l'objet d'un visa de la COB.

17. - Dans tous les cas de figure, l'offre doit être maintenue en bourse pendant une durée d'au moins vingt-cinq jours de bourse14(*). Durant cette période, les actions de la société cible restent en cotation. C'est ainsi que leur prix peut se voir dépasser l'offre du prédateur qui devra essuyer un échec. Le raider peut toujours demander à revoir sa proposition pour offrir un prix plus attractif mais sa nouvelle offre devra être impérativement supérieure de 2% par rapport au prix du marché.

Ce n'est qu'à la fin du terme de l'opération que le CMF constate le succès ou l'échec de l'initiative.

Il est à noter que la loi du 15 mai 2001, relative aux nouvelles régulations économiques, désignée par les auteurs comme un fourre-tout juridique, contient des dispositions en matière d'offre publique. Ainsi, outre les obligations de l'initiateur vis-à-vis du comité d'entreprise que nous aborderons dans notre dernière partie notamment, la loi aborde des ajustements rendus nécessaires, aux dires de certains, après la tentative d'OPA bancaire de la BNP sur Paribas et la Société Générale au cours de l'été 1999. Ainsi, la loi nouvelle élargit-elle la publicité des pactes entre actionnaires mais également entre tiers. Si la convention ne devait pas être publiée les sanctions seraient civiles : les cocontractants et les tiers pourraient dénoncer la convention, alors suspendue durant l'offre. En outre, le texte précise que le CMF peut décider de clôturer l'offre à tout moment passé le délai de trois mois de manière à ne pas faire durer l'incertitude sur le marché boursier.

Enfin, concernant les OPA bancaires, le gouverneur de la Banque de France doit en être informé huit jours avant le dépôt de l'offre.

A l'égard des autorités de régulation, la loi offre la possibilité au CMF d'ester en justice15(*).

18. - Sans parler encore des moyens de défense, il est ici possible de déceler d'autres phases tendant à la prise de participation au sein d'une société.

Ainsi, conformément au droit des sociétés et à la lettre de la loi du 2 août 1989, le franchissement des seuils est notifié aux associés de la société cible. La loi prévoit effectivement que lorsqu'un associé détient 5%, 10%, 20%, 1/3, ½ ou les 2/3 du capital de la société, les autres associés doivent en être informés dans les quinze jours et le CMF dans les cinq jours. Lorsque le franchissement atteint les 20% ou plus du capital, l'intéressé doit en outre faire connaître ses intentions.

L'initiateur ne peut donc pas avancer à visage couvert. En cas de non-respect, les sanctions sont pénales et civiles. Il peut notamment être privé du droit de vote pendant cinq années, ce qui aurait pour conséquence d'anéantir sa tentative de prise de contrôle.

19. - Par surcroît, le raider doit également faire savoir son projet d'OPA au comité d'entreprise de la société visée. Même si celui-ci ne rend qu'un avis, cette démarche est impérative16(*).

Si par aventure l'initiateur de l'OPA ne devait pas se plier à cette exigence d'obligation d'information, il serait sanctionné pénalement car cette omission constitue un délit d'entrave au fonctionnement du comité d'entreprise.

20. - Autre obligation est celle portant sur les sociétés travaillant dans un secteur sensible. Si la loi du 14 février 1996 simplifie les OPA dans de nombreux secteurs et facilite les démarches pour les personnes morales et physiques ressortissantes de l'Union Européenne initiatrices d'OPA, il existe des secteurs de l'industrie nationale protégés et pour lesquels il convient d'obtenir un agrément administratif.

Il en est ainsi dans le domaine de la santé publique ou de la défense nationale. Aussi, une OPA sera plus difficilement réalisable sur une société travaillant dans l'un de ces domaines sur lequel l'État a un droit de regard.

21. - Enfin, les autorités boursières ont voulu éviter que lors d'une OPA les actionnaires minoritaires soient lésés.

C'est pourquoi, à l'occasion de la prise de contrôle par le nouvel actionnaire majoritaire, celui-ci doit offrir aux actionnaires minoritaires les mêmes conditions financières de rachat des actions détenues par ses coassociés minoritaires. Il a alors l'obligation de racheter toutes les actions qui lui seront proposées.

Il s'agit de l'application du principe de négociabilité des titres. Ainsi, les actionnaires minoritaires doivent pouvoir quitter la société quand celle-ci change de mains.

Pour l'initiateur, cela a pour conséquence de réaliser l'OPA à un coût beaucoup plus important.

22. - La procédure de l'OPA est donc enfermée dans un cercle de règles strictes que le raider doit absolument respecter s'il veut espérer voir son offre aboutir.

Cependant, la société attaquée peut s'armer à son tour, avant ou pendant l'OPA afin de faire échec à l'initiative. Toutefois, le droit des sociétés et le droit des marchés n'a pas toujours été favorable aux stratégies de défense élaborées par les proies.

Ainsi, avant que la vague des OPA ne touche la France dans les années 1985-1987, la COB se prononçait à l'encontre des mesures de défense souvent inspirées du droit américain.

Les sociétés constituées sous la forme d'une société en commandite par actions n'avaient pas la faveur de la COB17(*). De même, durant l'offensive, une société cible ne pouvait pas racheter ses propres actions.

23. - Désormais, de nombreuses possibilités se présentent aux dirigeants de société cible afin de contrer les OPI.

La combinaison de ces moyens de défense reconnus ou parfois hasardeux forment ce que nous nommerons les stratégies de défense en matière d'OPA.

Les sociétés cotées menacées d'OPA s'ingénient depuis plus d'une dizaine d'années à mettre en place un arsenal défensif, parfois jugé inopportun. Les dirigeants de sociétés se défendent ainsi contre toute tentative d'OPA à la manière d'un seigneur suspicieux à l'égard de son voisin belliqueux même si, contrairement à l'adage, la meilleure défense n'est pas l'attaque mais la prévention.

En premier lieu nous nous attarderons donc sur l'étude des stratégies de défense préventives (I). Une fois les hostilités boursières déclarées, en second lieu, nous inspecterons la contre-attaque toujours plus aléatoire (II).

²

* 12 Il peut cependant être involontaire lorsqu'un actionnaire obtient plus d'un tiers du capital ou des droits de vote d'une société ; ce dernier doit alors lancer une OPA pour obtenir les deux tiers du capital ou des droits de vote (article 15 de la loi du 2 août 1989). Il existe encore d'autres cas particuliers insérés dans la même loi.

* 13 Autrefois conseil des bourses de valeurs (CBV) devenu CMF par la loi du 2 juillet 1996

* 14 Ce délai, autrefois de vingt jours, a été rallongé en 1997. En cas d'OPI, le délai court à partir de la remise de la note d'information de l'initiateur revêtue du visa de la COB. Le délai, en tout et pour tout, ne peut excéder trente-cinq jours pour éviter que la société cible « ne joue la montre ».

* 15 Il fut pendant un temps envisagé que la loi prévoit la fusion de la COB et du CMF mais les conditions posées par les professionnels étaient trop élevées pour que l'opération se réalise (Les Echos, 27/11/2000, p.3)

* 16 Loi NRE du 15 mai 2001

* 17 Les OPA sauvages en France, entretien avec Patrick MORDACQ Secrétaire Général de la COB, RD bancaire et bourse 1988, n°6, p.34

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams