Les stratégies de défense en matière d'OPA( Télécharger le fichier original )par Olivier de MAISON ROUGE Université Clermont 1 - DEA de Droit des Affaires 2001 |
§2. Pourquoi une OPA ?9. - L'OPA peut, en premier lieu, permettre de réaliser en toute transparence et dans le respect des intérêts des actionnaires, des concentrations ou des rapprochements d'entreprises basées sur une logique de rationalité économique et/ou financière. En second lieu, l'OPA encourage également les opérations purement spéculatives. « Dans cette optique, estiment LEE et CARREAU, le « prédateur » est moins intéressé par des opérations économiquement saines que par des profits à court terme pouvant entraîner le démantèlement de la société cible (ce que l'on appelle « la vente par appartement ») »6(*) 10. - Indirectement, l'OPA permet de dynamiser et de réhabiliter le capitalisme à la française car les médias ne manquent pas de se faire l'écho de nobles batailles boursières7(*). Ce libéralisme plus « mordant » empêche la concentration du capital entre les membres d'une même famille et favorise la compétitivité exaltée par un marché plus ouvert. En outre, une OPA réussie offre la saine possibilité de remplacer une caste dirigeante, c'est-à-dire de substituer des équipes d'administrateurs vieillissants ou incompétents. C'est parfois ce que proposent certains raiders qui développeront des trésors d'ingéniosité pour atteindre leurs objectifs de spéculation en se parant du titre de « régénérateur » de certaines sociétés. 11. - Pour contrecarrer l'objectif spéculateur, les Etats-Unis, où les OPA sont choses courantes et où règne un capitalisme « sauvage », ont su élaborer des techniques de défense pour protéger les intérêts des entreprises visées8(*). Pour sa part, la France a très peu connu d'OPA hostiles. C'est pourquoi elle n'a pas souvent facilité la tâche des sociétés cotées en bourse qui pourraient être vulnérables. Or, nombreuses sont les sociétés détenues par des milliers, voire des centaines de milliers, de petits actionnaires susceptibles d'être rachetées par une OPA de ramassage. On parle dans ce cas d'actionnariat « atomisé ». Aussi, depuis peu de temps, plus précisément durant la période de cohabitation du premier septennat de M. François MITTERRAND, le ministre de l'Économie, des Finances et de la Privatisation, M. Edouard BALLADUR, a accepté l'idée des « noyaux durs » d'actionnaires qui établissent une certaine stabilité au sein du capital d'une entreprise. 12. - Une société sera également vulnérable si elle est peu endettée. Elle est ainsi très attractive pour un prédateur et ce d'autant plus si elle détient un actif net important et un patrimoine conséquent. Le spéculateur sera particulièrement intéressé si toutes ces conditions sont réunies. Il pourra alors se livrer, après le rachat de la société, au démantèlement en vendant en tout premier lieu le patrimoine qui lui rapportera une plus-value conséquente. Enfin, la sous-capitalisation boursière de la société cible est une autre cause d'OPA hostile. La société qui est effectivement sous-cotée se rend plus séduisante encore pour les spéculateurs qui pourront à leur tour la revendre au prix fort qui sera supérieur au prix du marché. Elle peut encore, pour la même raison, jouir d'une mauvaise image de marque auprès de ces investisseurs qui, déçus par les résultats boursiers de leur placement, seront tentés de se séparer de leurs titres au moindre coût. 13. - Outre favoriser des restructurations rapides d'entreprises, assurer la transparence du marché, une tentative d'OPA permet indirectement aux dirigeants de la société cible de renforcer leur pouvoir. Pour prévenir une OPA certains dirigeants n'hésitent pas à prendre des décisions leur donnant une totale mainmise sur la société9(*). Ils peuvent ainsi gérer de façon stricte l'entreprise de manière à éviter que leurs actions soient sous-évaluées en bourse et ce afin de ne pas connaître la situation ci-dessus décrite. Leurs pouvoirs servent aussi à fidéliser l'actionnariat ; les dirigeants sont effectivement tentés de soigner leurs investisseurs en accroissant les moyens d'information tant financiers que politiques, en établissant une distribution régulière de dividendes, en attribuant des actions gratuites... « Bien traités [les actionnaires] seront moins sensibles aux sirènes des initiateurs d'OPA »10(*). 14. - Cependant, une OPA n'est pas sans danger. Un inconvénient majeur est que l'OPA entraîne « une déstabilisation importante de la société si la procédure est déclenchée de façon agressive, inamicale, voire dans le but inavoué de la démanteler à terme »11(*). Le spéculateur, en cas d'échec, laissera donc une entreprise exsangue dont peu de personnes pourront tirer profit. De plus, il aura déstabilisé le tissu économique qui n'est pas économiquement neutre. En cas de réussite de sa part, il va désagréger une société viable et saine pour en tirer un profit substantiel. Dans les deux cas, seul l'intérêt financier l'aura emporté sur l'intérêt économique. * 6 W. LEE et D. CARREAU, Les Moyens de défense à l'encontre des offres d'achat inamicales en France, D. 1998, Ch. p.15 * 7 La dernière en date fut la bataille que se livrèrent la Société Générale et la BNP sur Paribas durant l'été 1999. * 8 A. VANDIER, Les défenses anti-OPA aux Etats-Unis, Banque 1987, n°469, p.168 * 9 In LAMY Sociétés Commerciales, Ed. 2000, n°4111 * 10 Op. Cit. * 11 Op. Cit. |
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