1. 2. 2 Mesure directe du bien-titre des enfants
L'on se doit préalablement de faire remarquer que, de
façon générale, les études sur le bien-être
des enfants, selon un cadre focalisé sur l'enfant et intégrant
diverses variables, ne sont pas nombreuses, surtout dans les pays subsahariens.
Signifions aussi que presque tous les pays du monde ont déjà fait
usage des études sur la pauvreté des enfants avec l'utilisation
séparée de quelques variables spécifiques aux enfants
telles la malnutrition, l'éducation, les crimes contre les enfants, la
dictature contre les enfants, la violence, le travail des enfants, la
vaccination, etc. (ce sont des mesures directes mais unidimensionnelles). C'est
le cas des études sur la pauvreté des enfants menées par
Lachaud (2000), Ahovey et Vodounou (2001) et Kobiané (2003) pour le
compte du Sénégal, du Bénin et du Burkina Faso,
respectivement.
L'approche directe de mesure de la pauvreté des enfants
est rarement utilisée dans les pays du tiers monde. Pourtant,
jusque-là, aucun aspect critique n'est prononcé à sa
conceptualisation. C'est une approche qui se focalise sur la situation
spécifique des enfants avec diverses statistiques reflétant
directement le profil de pauvreté des enfants et des ménages et
non des ménages uniquement. Les variables les plus utilisées dans
cette option sont l'accès à l'éducation, la santé,
le cadre de vie, l'alimentation, l'eau potable et les sanitaires.
Toutefois, il conviendrait d'indiquer que certains analystes
utilisent conjointement les deux approches précédentes (mesure
directe et indirecte) dans les études cadrant l'affermissement du
bien-être en bas âge. Au rang de ces études, l'on peut citer
l'étude sur la pauvreté monétaire et non monétaire
des enfants en Afrique du Sud, menée par Cassiem (2000).
1. 2.3 Analyse critique de la littérature et choix de
l'option d'étude
Les différentes options d'agrégation de la
pauvreté citées précédemment, alimentent la
discussion parmi les analystes de la pauvreté. Quelle option retenir ?
L'opportunité d'une approche non monétaire (école des
besoins de base, écoles des capacités) conduit-elle à
l'abandon des mesures de la pauvreté monétaire (école
welfarist) ? L'on pense que non, car cela sous-tendrait une conception trop
étroite du bien-être en faveur d'indicateurs non
monétaires. Le revenu étant lié aux dimensions non
monétaires, ces différentes approches sont
complémentaires. Cependant, il conviendrait de préciser qu'il
vaut la peine d'adapter chaque option aux contextes régionaux, aux
données disponibles et aux objectifs visés. La présente
étude s'inscrit dans le courant de l'école des besoins de base :
une approche non monétaire multidimensionnelle, avec un accent
particulier sur les droits des enfants. Ces droits sont liés soit
à la privation absolue de biens et services (nutrition, allaitement, sel
iodé, etc.) soit à la privation relative de biens et services
(santé, absence de discrimination, conditions de vie décentes,
accès équitable aux services publics). L'on sait que ce sont ces
droits qui sont valorisés dans la mesure directe de la pauvreté
infantile. Précisément, le choix de notre cadre d'analyse de la
pauvreté infantile est motivé par six raisons inter
reliées :
ü Premièrement, les données qualitatives
disponibles ne sauraient se prêter à une étude
monétaire de la pauvreté. Rappelons-le, toute analyse de la
pauvreté doit pouvoir spécifier ses choix et ces choix
dépendent du jugement de l'analyste et des possibilités que lui
offrent les données disponibles. Le choix d'un indicateur de
pauvreté dépend de l'aspect sur lequel l'on veut mettre l'accent.
Puisque les objectifs de la présente étude sont focalisés
sur les enfants, l'approche monétaire s'avère donc
inopportune.
ü Deuxièmement, l'utilité
prônée par les welfarist n'est jamais observable directement. La
contre-partie utilisée dans cette approche est la consommation. De ce
fait, le cadre monétaire ne s'intéresse pas spécifiquement
aux enfants. Non seulement il reconnaît que les préférences
varient d'un sujet à un autre, les comportements rationnels ne
s'appliqueraient nullement aux enfants. Ces derniers en effet, n'ont pas la
décision dans la consommation, laquelle incombe aux parents. Et
même si certains analystes essayent de contourner la difficulté en
prenant en compte à cet égard, des inégalités entre
les âges des membres du ménage (par l'entremise des
échelles d'équivalence), cela biaise la mesure directe du
bienêtre des enfants. Sur ce, les besoins de base reprocheraient à
la monnaie son caractère subjectif fondé sur l'utilité.
ü Troisièmement, s'agissant
particulièrement des ménages, l'approche monétaire, bien
qu'ayant des mérites cités en introduction
générale, a le désavantage de donner une analyse
moins robuste par rapport à l'approche par les besoins
de base. En effet, consommer ou épargner le revenu est plus un
problème de préférence et non de bien-être.
Dès lors, estimer le nombre de ménages pauvres par les seules
données financières se prêterait à une
quantification grossière de la pauvreté ; le problème se
situant à l'équilibre de chaque sujet. Par exemple :
l'année A, un ménage M dépense 100 000 FCFA pour la
consommation d'un bien B. La même année (A), un autre
ménage M' dépense 5 000 F CFA pour la consommation du même
bien (B). Doit-on conclure que M a un niveau de bien-être
«meilleur» que celui de M' ? L'on pourrait répondre par
l'affirmative, car tel peut être le cas. Mais plus pertinente serait la
comparaison des niveaux de satisfaction procuré à M et à
M'. Alors, l'on voit clairement que les stratégies consistant à
réduire la pauvreté, devraient englober plusieurs axes et qu'il
serait insuffisant de la révéler par la seule
considération monétaire. Par contre, c'est ce caractère
multivarié qui est intégré dans le courant des besoins de
base, même s'il lui est reproché, l'arbitraire choix des
composantes : l'on pense qu'il suffirait d'adapter ce choix au but visé,
au contexte du pays ainsi qu'à la nature des données disponibles.
Une fois de plus, l'approche non monétaire paraît moins subjective
que l'approche monétaire.
ü Quatrièmement, les indices de pauvreté
construits selon une optique des besoins de base ont un caractère
durable. En effet, le profil de pauvreté infantile qu'offre ce cadre est
censé être élaboré par l'entremise des indicateurs
composites, ce qui offre à ce cadre l'avantage de robustesse sur
l'approche monétaire. Cela est approuvé par nombre des analystes.
Parmi eux, l'on pourrait citer Sahn et Stiefel (2001), qui enseignent que :
«l'indice de pauvreté construit à base des conditions de vie
et du patrimoine est un indice de long terme contrairement à l'indice
monétaire qui est sensible aux chocs de conjoncture.
ü Cinquièmement, c'est le contexte
économique du pays. En effet, le Congo tout comme la plupart des pays de
l'Afrique subsaharienne est un PVD. Compte tenu de ce qui
précède, l'analyse multivariée du bien-être
semblerait dessiner une agrégation plus objective de la pauvreté.
Il s'avère que l'approche monétaire nécessite des
données monétaires exhaustives, fiables et actuelles, voir
même de panel, ce qui ne l'est pas toujours dans les PVD. Du coup,
l'approche par les besoins de base semblerait plus pertinente pour ces pays, et
c'est d'autant plus pertinente que dans le contexte congolais, il est plus
difficile de reconnaître un individu à faible revenu qu'un
individu privé de certaines commodités précises.
Enfin, l'on pourrait citer l'inopportunité de
l'école des capacités. Bien que cette école mesure
«directement» le bien-être des enfants et ait eu un écho
favorable du PNUD, elle ne saurait être à même de
répondre aux objectifs de la présente étude. En effet, la
série d'indicateurs composites du PNUD (IDH, IPH, etc.) est bien
séduisante, en ce sens qu'elle permet des comparaisons internationales
de profil de pauvreté, mais reste, de par ses limites, inadaptée
à la présente étude. D'abord, ces indicateurs n'ont qu'un
caractère `'macro» et en plus, pour ne parler que de l'IPH, il
s'élabore avec un arbitraire dans les pondérations de ses
sous-composantes. Pire encore, cet indicateur est absorbé par sa
composante «taux d'analphabétisme des adultes», créant
un grand biais dans l'analyse (voir Minvielle, 2003).
De la sorte, la présente analyse critique a
essayé de motiver le choix de l'angle sous lequel est circonscrit le
cadre de la présente étude. Il ressort qu'en optant pour une
analyse de la pauvreté infantile dans une approche multivariée
non monétaire, l'on admet implicitement que la pauvreté
présente des visages multiformes et que l'efficience des
stratégies de lutte contre la pauvreté dépend de
l'efficience dans le ciblage des pauvres. L'on a aussi retenu que ni
l'indicateur de revenu de la Banque Mondiale, ni les indicateurs composites du
PNUD n'ont été spécifiquement conçus pour mesurer
la pauvreté infantile. Tous les deux n'indiquent aucunement le
nombre d'enfants pauvres. De même que tous les deux ne centralisent pas
l'attention sur les droits dont ces enfants sont privés. Cela est seul
du ressort de l'école des besoins de base, dans laquelle la
présente étude est censée se ranger. L'école des
besoins de base est pour ainsi dire la mieux adaptée dans les PVD.
Quasiment inexistante en Afrique centrale, la pauvreté infantile a pris
le train de l'analyse et est très encouragée au sein du
réseau PEP. Par ailleurs, Townsend (2001), l'ONU (2004) et l'UNICEF
(2005) auraient posé des labels concernant l'élargissement de la
conceptualisation de la pauvreté, de manière à
intégrer les spécificités infantiles. Ces labels sont le
fait que : (i) les enfants ont des besoins spécifiques ; (ii) il
conviendrait d'analyser la pauvreté des enfants selon une approche
directe ; (iii) le bien-être des enfants devrait donc intégrer
l'accès à quelques droits socioéconomiques. L'examen de
ces labels montre que les variables communautaires (faible indice de richesse
du ménage, difficulté d'accès à une source d'eau
potable, absence d'infrastructures sanitaires, etc.) peuvent altérer
significativement le bien-être d'une enfance même si elle est
passée dans une famille matériellement aisée. Il montre de
même qu'en privant les enfants de certains besoins vitaux, l'on pourrait
paralyser leurs potentialités, plonger leur vie dans la détresse
maintenant, et voire entraver leur développement de demain
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