4.1.2.2 Incidence, profondeur et
sévérité de pauvreté
L'utilisation conjointe de la translation (T) du chapitre
précédent et de la formule
(FGT) ainsi que de quelques variables caractéristiques des
ménages, de l'environnement et des enfants, donne un profil de
pauvreté infanto-juvénile.
a) Indices de pauvreté et caractéristiques
biologiques des enfants
Tableau 4.4 : Indices de pauvreté (en %) selon le
sexe et selon l'âge de l'enfant
|
Incidence (po)
|
Intensité ou Profondeur (p1)
|
Inégalité ou
Sévérité (p2)
|
Sexe
|
Masculin Féminin
|
41,1 43,1
|
13,9
|
4,5
|
14,2
|
4,6
|
Age
|
0 an
|
41,0
|
14,0
|
4,4
|
1 an
|
59,3
|
20,2
|
7,0
|
2 ans
|
34,4
|
11,1
|
4,1
|
3 ans
|
36,0
|
11,0
|
4,1
|
4 ans
|
39,2
|
12,7
|
4,5
|
Ensemble
|
42,2
|
14,0
|
4,6
|
Source : Travaux de l'auteur
sur l'EDSC-I 2005
|
Le niveau du seuil de pauvreté est z = 0,347
(confère supra).
Nous constatons que l'incidence de la pauvreté qui est
de 42,2 % au Congo ne discrimine pas le sexe de l'enfant. Toutefois, elle
marque un léger écart de 2 points entre les garçons et les
filles (41 % contre 43 %). Par ailleurs, le déficit moyen de la valeur
du bienêtre au seuil de pauvreté est de 7 enfants sur 50 (14 %).
Enfin, l'inégalité parmi les enfants pauvres frappe environ 1
enfant sur 20 (4,6 %). Par rapport à l'âge, les enfants de 1 an
révolu sont plus enclins à la pauvreté, que ce soit
l'incidence, la profondeur et la sévérité (respectivement
59 %, 20 % et 7 %). Au-delà de 1 an, ces valeurs sont presque
constantes. Cela pourrait être lié à l'indice «taille
pour âge » expliquant le retard de croissance. En effet, il a
été signifié plus haut que les ratios des enfants
malnutris et sévèrement malnutris évoluaient rapidement
entre 0 et 1 an révolu et qu'au-delà de cet âge,
l'indicateur de retard de croissance semblerait se stabiliser. La constance des
« 3 I » à partir de 2 ans montre que les enfants ayant un
déficit de bien-être à cet âge, restent dans cet
état jusqu'à 4 ans révolus.
b) Indices de pauvreté et caractéristiques des
ménages54
Comme dans l'approche indirecte de la mesure de la
pauvreté infantile, il ressort qu'au Congo, la structure ordinale de la
pauvreté infanto-juvénile suit celle de la pauvreté des
ménages desquels les enfants sont issus. Le tableau 4.5 met en relief de
telles observations.
54 L'examen des liens entre le niveau de vie des
ménages et les indices FGT relatifs à la pauvreté des
enfants, est au coeur de la présente recherche. En effet,
l'affermissement du bien-être infanto-juvénile implique la
connaissance préalable du niveau de pauvreté du ménage.
L'on précise dans cet esprit que mesurer directement la pauvreté
des enfants signifie prendre des en considération des variables
spécifiques aux enfants et prendre ces derniers comme unités
d'analyse. Toutefois, cela ne signifie pas l'élimination du
ménage ; étant entendu que c'est sur les parents que
l'État agirait même si la finalité est de rehausser le
bien-être infantile.
Tableau 4.5 : Indices de pauvreté (en %) selon
l'Indicateur de Richesse du Ménage (IRM) et selon le niveau
d'instruction de la mère
|
Incidence (po)
|
Profondeur ( p1)
|
Sévérité (p2)
|
Indicateur de Richesse du Ménage
|
Plus pauvre
|
67,9
|
16,0
|
4,9
|
pauvre
|
59,3
|
11,2
|
4,0
|
Moyen pauvre
|
23,0
|
7,6
|
2,5
|
Riche
|
8,0
|
2,5
|
0,6
|
Plus riche
|
5,2
|
1,1
|
0,2
|
Niveau d'instruction de la mère
|
Analphabète
|
58,1
|
19,0
|
4,8
|
Primaire
|
59,5*
|
19,7*
|
4,8*
|
Secondaire
|
30,6
|
10,2
|
3,4
|
Supérieur
|
16,7
|
4,8
|
1,0
|
|
Ensemble 42,2 14,0 4,6
|
Source : Travaux de l'auteur sur
l'EDSC-I 2005
|
Ces observations sont obtenues à travers les « 3 I
» de la pauvreté : l'incidence, l'intensité et
l'inégalité. Ces indices chutent brutalement de 70 % à 5
%, de 16 % à 1 % et de 5 % à environ 0 % lorsque l'on passe
respectivement des enfants des ménages plus pauvres à ceux des
ménages plus riches. Cependant, nous relevons l'existence d'une part
considérable des enfants de moins de 5 ans qui, bien qu'issus de
ménages riches ou plus riches, sont frappés d'un manque d'au
moins un besoin de base (ou de privation d'au moins un droit
socio-économique) ; soit un peu plus de 6 %. Nous relevons aussi que les
disparités sont énormes. Par exemple, le ratio de pauvreté
infanto-juvénile (p0) dans les ménages pauvres est 7,5 fois plus
grand que celui des ménages riches. Le constat est presque le même
avec le niveau d'instruction : les enfants dont la mère est plus
instruite ont plus d'opportunité en termes de qualité de
bien-être. Ce résultat n'est pas étonnant. Deux raisons
sont plausibles à cette fin. Premièrement, il a été
démontré (voir notre revue des travaux empiriques : cas du
Cameroun par exemple) que l'incidence de la pauvreté varie souvent en
sens inverse du niveau d'instruction de la mère (DSCN, 2002). Plus la
mère est instruite mieux elle connaît les règles
d'hygiène, de santé et mieux elle connaît les droits et
besoins vitaux des enfants. Deuxièmement, le niveau d'instruction est un
bon indicateur du « bon » niveau de vie du ménage. Il
conviendrait de remarquer la particularité des valeurs cotées *.
Ces valeurs montrent une situation étonnante selon laquelle la
pauvreté est relativement plus accentuée chez les enfants dont la
mère est de niveau d'instruction primaire par rapport à ceux dont
la mère est sans instruction. La présente étude se
réserve d'interpréter ce résultat qui nous semble tout
à fait singulier : une étude particulière basée
uniquement sur la pauvreté des enfants et le niveau d'instruction de la
mère révélerait, certainement des explications concernant
cette occurrence.
c) Indices de pauvreté et certaines
caractéristiques communautaires
Tableau 4.6 : Indices de pauvreté (en %) par
certaines caractéristiques environnementales
|
Incidence (po)
|
Profondur ( p1)
|
Sévérité (p2)
|
Domaine de résidence
|
Brazzaville
|
23,8
|
7,0
|
1,6
|
Pointe Noire
|
25,3
|
8,8
|
2,1
|
Nord Congo*
|
60,3
|
19,8
|
5,0
|
Sud Congo**
|
52,5
|
15,1
|
4,2
|
Qualité logement
|
Moderne
|
24,2
|
8,0
|
2,6
|
Traditionnelle
|
63,3
|
21,1
|
5,3
|
Lieu d'aisance
|
Moderne
|
21,7
|
7,3
|
1,8
|
Traditionnelle
|
59,0
|
18,6
|
4,9
|
Sans WC
|
72,2
|
21,0
|
6,0
|
Eau potable
|
Salubres
|
23,0
|
8,7
|
1,9
|
Insalubres
|
72,8
|
23,2
|
6,0
|
Vaccination complète /maladies cibles PEV
|
Vacciné
|
41,8
|
11,1
|
3,4
|
Non vacciné
|
47,0
|
14,9
|
4,8
|
Micronutriments
|
Vitamine A
|
39,0
|
14,0
|
3,9
|
Sans vitamine A
|
42,2
|
15,6
|
4,0
|
Assistance accouchement
|
Personnel santé
|
20,1
|
9,0
|
2,2
|
Traditionnelle
|
52,4
|
15,7
|
5,0
|
Seule
|
90,4
|
30,0
|
8,8
|
|
Ensemble
|
42,2
|
14,0
|
4,6
|
* : comprend 5 départements : Plateaux, Cuvette,
Cuvette-Ouest, Sangha, Likouala ** : comprend 5 départements : Kouilou,
Niari, Lekoumou, Bouenza, Pool
Source : Travaux de l'auteur /
l'EDSC-I 2005
|
- La pauvreté infanto-juvénile revêt un
caractère régional. Pour un seuil de pauvreté
estimé à 34,7 %, l'indice numérique de
pauvreté est plus élevé au Nord Congo (60 %), suivi du Sud
Congo (52 %) par rapport à Pointe Noire et Brazzaville où il vaut
respectivement 25 % et 24 %. La raison plausible est que les deux
1eres zones couvrent plus de localités rurales alors que les
deux dernières sont les plus grandes villes du pays. En
général, les « 3 I » de la pauvreté sont souvent
plus élevées dans les régions rurales que dans les grandes
métropoles urbaines. Cela s'explique par le fait que les conditions
d'hygiène et donc l'accès aux services de base concernent plus
les zones urbaines ; les régions rurales souffrant d'un manque
d'infrastructures adéquates. Soulignons aussi que, Brazzaville
dégage les plus faibles incidence, profondeur et
sévérité de la pauvreté.
Une autre raison serait la corrélation positive entre
détérioration du bien-être infantile et conditions
communautaires précaires (valeurs prédominantes de p0, p1 et p2
pour les enfants non vaccinés, en carence de vitamine A, dont la
naissance n'a pas été assistée et qui sont privés
des conditions de logement décentes).
- La décomposition du ratio po par domaine
permet de constituer deux blocs
administratifs. D'un côté, Brazzaville et Pointe
Noire avec un indice numérique de
pauvreté infanto-juvénile modéré ; un peu plus
de la moitié de la moyenne du Congo (42 %), et de
l'autre, Nord Congo et Sud Congo avec un ratio de pauvreté
infanto-juvénile accentué ; un peu plus du double de la
même tendance centrale.
- Au Congo, l'accouchement sans assistance, l'eau potable et le
WC sont les facteurs
communautaires qui impactent le plus sur les niveaux des indices
de pauvreté des enfants.
Cependant ce profil de pauvreté
infanto-juvénile, bien que confirmatif de la quasitotalité des
résultats antérieurs, reste assez descriptif. Il ne permet pas
d'évaluer le risque pour un enfant de moins de 5 ans d'être
pauvre, étant donné les caractéristiques individuelles de
cet enfant, les caractéristiques de son ménage et les
caractéristiques environnementales. Or, la prise en compte de tels
facteurs serait capitale dans le ciblage des stratégies qui doivent
être envisagées pour réduire la pauvreté ;
d'où le recours à une analyse explicative à partir d'une
approche économétrique.
|
|