2. 2 ETUDES EMPIRIQUES DANS LA LITTERATURE
Dans la présente section il sera passé en revue
quelques travaux empiriques de mesure de la pauvreté. Cela permettra de
comparer les divers choix opérés par les chercheurs dans le cadre
de diagnostic de la pauvreté, ceci malgré le fait que la
littérature sur la pauvreté des enfants, selon une approche
directe et multivariée est quasi-inexistante en Afrique.
2.2.1 Les travaux sur la pauvreté dans les
régions autre que le Congo
1) En Afrique du Sud, une étude menée par
Cassiem et al, en 2000, détermine l'incidence de la pauvreté des
enfants, non seulement à partir des caractéristiques des
ménages mais aussi avec des variables tirées des droits des
enfants (violences et crimes). L'auteur trouve que ces variables contribuent
significativement à plus de 5 % à l'incidence de la
pauvreté nationale. L'étude la plus proche de la présente
recherche axée sur les enfants a été menée par
Gordon et al. (2003). Sur la base des dimensions comme une nutrition
adéquate, l'eau potable, les installations d'assainissement, la
santé, le logement, l'instruction et l'information, toutes issues des
EDS, elle révèle que (i) en Allemagne, la pauvreté
infantile est de 10 % en 1990 ; incidence au- dessus de la moyenne de celle des
autres pays industrialisés, de l'ordre de 7 % ; (ii) en Afrique au Sud
du Sahara l'incidence de la pauvreté infantile est de 62 % contre une
sévérité de 82 % des enfants privés d'au moins un
besoin de base.
2) En 2000, une étude menée par Lachaud au
Burkina Faso, dénonce une incidence de l'insuffisance pondérale
et de l'absence d'immunisation, plus forte dans les ménages qui occupent
des logements précaires. En 2003, le même auteur montre que dans
ce pays, un retard de croissance est négativement corrélé
au niveau de vie des ménages.
3) Au Cameroun, une recherche menée par la Direction
de la Statistique et de la Comptabilité Nationale (DSCN) en
décembre 2002 donne quelques tendances sur l'état de la
pauvreté. Pour la province de l'Extrême Nord (province qui
représente 17,7% de la population totale du Cameroun) et au regard du
seuil de pauvreté évalué à 232 547 FCFA par an et
par équivalent adulte, il ressort une incidence de la pauvreté
des ménages égale à 56,3% ; laquelle s'écarte de 16
points par rapport au niveau national qui est de 40,2%. Elle
révèle aussi que (i) le gap moyen séparant les pauvres du
seuil de pauvreté correspond à une somme de 78 000 FCFA par an et
par personne ; (ii) selon le sexe, l'incidence de la pauvreté est
légèrement plus haute chez les ménages conduits par les
femmes ; (iii) l'incidence de la pauvreté croît avec l'âge
du chef de ménage et elle varie en sens inverse du niveau
d'instruction. Un résultat aussi particulier de cette
étude est l'aspect subjectif des déterminants de la
pauvreté : les déterminants du bien-être des populations
sont, par ordre d'importance : l'absence de l'emploi, la baisse ou
l'insuffisance des revenus, l'absence de la terre, le faible niveau
d'instruction et la corruption ou mauvaise gestion des ressources publiques. De
même, l'analyse du cadre de vie montre que (i) à peine 1% des
ménages utilisent des toilettes modernes avec chasse-eau alors qu'on en
trouve dans 3 à 4 logements dans les grandes villes ; (ii) l'habitat est
majoritairement de type traditionnel caractérisé par
l'utilisation de matériaux provisoires aussi bien pour les murs, le toit
que le sol ; les murs sont généralement en terre et en paille,
les toits en paille ou en chaume, et les sols en terre non revêtue.
Coté enfant (i) un élève de la province de l'Extrême
Nord doit parcourir à pied un trajet trois fois plus long (1 à 10
Km) que son camarade de Yaoundé ou de Douala pour se rendre à
l'école. De plus la couverture vaccinale des enfants vis-à-vis
des maladies cibles du Programme Élargi de Vaccination (PEV)
révèle que seulement un tiers des enfants âgés de 12
à 23 mois ont joui de tout l'éventail des vaccins
préconisés, soit un taux d'immunisation complète
inférieur à la moyenne nationale qui est de 55,3%.
4) En République Centrafricaine, l'ECAM 1995/1996
indique que 49 % des Centrafricains vivent en-dessous du seuil de
pauvreté monétaire national, 57 % en zone rurale et 36 % en zone
urbaine. Cette même année, 73 % des ménages ruraux vivaient
au-dessous du seuil de pauvreté calculé pour la zone
rurale33. En 2003, la RCA est classée au
18ème rang des 192 pays du monde ayant la performance la plus
modeste en termes de bien-être des enfants [UNICEF (2005)], avec 39 % des
enfants de moins de 5 ans souffrant d'un retard de croissance et 56 % des
enfants âgés de 5-14 ans engagés au travail. Le niveau
d'instruction du chef de ménage a un effet important sur la
pauvreté et les enfants dont les parents sont
décédés sont moins scolarisés [UNICEF (2004)]. En
2005, une étude de la pauvreté non monétaire
multidimensionnelle révèle que la pauvreté d'existence
(vulnérabilité humaine) affecte plus de 50 % des Centrafricains.
Celle-ci a un caractère rural et les ménages les plus pauvres
sont ceux dont le chef est une femme et notamment en rupture d'union. Il y a
toutefois lieu de relever que les conflits armés à
répétition dans ce pays ont certainement contribué
à la détérioration du bien-être des populations, en
général, et les plus vulnérables en particulier.
5) En Côte d'Ivoire, un rapport basé sur les
données de l'Enquête sur le "Niveau de Vie des Ménages de
2002 (ENVM 2002)", réalisée par l'Institut National de la
Statistique (INS)
33 PNUD (2004), cité par Matchinidé et
al, 2006.
se focalise surtout sur la pauvreté en termes des
conditions d'existence. A chaque ménage propriétaire du logement
occupé ou logé à titre gracieux, a été
affecté un montant de loyer déterminé à partir de
la méthode de régression multiple avec comme explicatives le type
de logement, le statut d'occupation, le principal matériau du mur, le
principal matériau du toit, le mode d'approvisionnement en eau, la
principale source d'éclairage, la principale source de combustible, le
type de toilette, le type de meuble possédé, etc. Entre autres
résultats il est cité la ville d'Abidjan qui enregistre le plus
faible ratio de pauvreté (14,9%) et contribue pour 7,3% à la
pauvreté nationale. La structure par âge de la population pauvre
donne 48,4% de jeunes de 0 à 14 ans, 46,2% de personnes de 15 à
59 ans et 5,4% de personnes âgées de 60 ans et plus, soit un taux
de dépendance de 53,8% chez les pauvres (INS, Profil de pauvreté
en Côte d'Ivoire, 2002).
6) Une étude, réalisée aux
États-unis, par Zheng et alii (1995), est particulière, puisque
les auteurs analysent les changements dans la pauvreté
agrégée aux Etats-Unis entre 1975 et 1990 à l'aide de
plusieurs indices de pauvreté. Basée sur les enquêtes
réalisées annuellement par le gouvernement américain
concernant la consommation des ménages, six lignes de pauvreté
ont été considérées : 50 %, 75 %, 100 %, 125 %, 150
% et 175 %. Pour l'année 1975 la ligne de pauvreté officielle
était de 2618 USD/an, laquelle est ajustée annuellement à
cause de l'inflation tandis qu'elle était de 6120 USD/an en 1990. Pour
chaque année et pour chaque ligne de pauvreté les indices H, I et
FGT (à a = 2 et a =3) et deux indices CHU (à 9
= 0.25 et 9 = 0.55) furent calculés. Et somme toute, le pourcentage de
pauvres était plus élevé en 1975 pour certaines lignes de
pauvreté et en 1990 pour d'autres. Pour des résultats
complémentaires voir Zheng, Cushing et Chow (1995).
7) En France, Rizk34 (2003) dans « les
enfants pauvres : quartier et qualité du cadre de vie »,
montre que qu'en plus du niveau de vie du ménage, l'éducation de
la mère et l'existence des infrastructures de soins de santé sont
des facteurs qui contribuent à la prévention des problèmes
de malnutrition chez les enfants de moins de 5 ans.
8) Au Sénégal, l'analyse monétaire est
contestée. Par contre, une analyse multidimensionnelle a permis de
construire un ICP (indicateur composite de pauvreté) à partir des
besoins de base. L'analyse de cet ICP révèle que les formes de
pauvreté les plus répandues au Sénégal sont
liées à la vulnérabilité de l'existence humaine, au
manque d'infrastructures, et au manque d'éléments de confort et
d'équipement. L'indice de la pauvreté
34 Cité par Matchinidé et al (2006)
in « pauvreté multidimensionnelle des enfants et des
ménages. Analyse appliquée à la RCA ».
multidimensionnelle vaut 60% contre 48,5% pour la
pauvreté monétaire (voir détails dans «
Pauvreté multidimensionnelle au Sénégal : une approche non
monétaire par les besoins de base », Rapport de recherche, Ki, J.
(2005).
9) Au Tchad, le profil de pauvreté le plus
récent est élaboré en 2006 par l'Institut National de la
Statistique, des Études Économiques et Démographiques
(INSEED). Les résultats basés sur la seconde Enquête sur la
consommation et le secteur informel au Tchad (ECOSIT 2) renseignent que le
minimum vital journalier d'un tchadien est à 396 F CFA (ligne de
pauvreté). Un peu plus de 75 % des ménages tchadiens habitent des
logements dont les murs sont en matériaux traditionnels non durables. Il
a aussi été calculé le nombre de personnes par
pièce : 55 % des ménages tchadiens sont au moins à quatre
dans une pièce pour dormir. Un autre produit de cette étude est
l'indice FGT qui fournit, notamment l'incidence, la profondeur et la
sévérité de la pauvreté : au niveau national, ces
trois indices sont respectivement 55,0 %, 22,6 % et 10,8 % (cf. INSEED,
«Tchad, profil de pauvreté», ECOSIT 2, 2006, p.32).
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