Chapitre 2
INDICES DE PAUVRETÉ ET REVUE DES
TRAVAUX
EMPIRIQUES
Ce chapitre comporte deux sections. La première section
brosse en revue la théorie de la mesure de la pauvreté à
travers les indices les plus rencontrés dans la littérature
[nombre d'entre ces indices se déduisent les uns des autres par de
simples transformations mathématiques et nous n'insisterons pas sur ces
transformations]. Dans la deuxième section, quelques travaux empiriques
dans les autres coins du monde [Afrique du Sud-Afrique au Sud du
Sahara-Allemagne, Bénin, France, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique,
Côte d'Ivoire, États-unis, Sénégal et Tchad] sont
examinés. Au bout de cette deuxième section, un accent
particulier est mis sur la revue de la littérature sur la
pauvreté dans l'économie congolaise, laquelle est
particulièrement choisie pour l'étude empirique au chapitre 3.
.1 L'AGREGATION DE LA PAUVRETE
Le problème de l'élimination de la
pauvreté reste comme souligné dans le chapitre
précédent, sans solution commune. Cela est la conséquence
de la multitude de mesures du bien-être qui ne font pas
l'unanimité parmi les économistes. Les instruments de mesure de
la pauvreté devraient traduire correctement les valeurs et les
préférences. Autrement, les efforts fournis dans le domaine de la
mesure et de l'analyse de ce fléau seraient un gaspillage, portant ainsi
préjudice aux sujets qui en sont affectés.
Fort heureusement, les économistes ne se sont pas
délaissés face à cette difficulté, mais se sont
davantage penchés, sur la mesure de la pauvreté. La tâche
est certes fastidieuse mais l'expérience en vaut la peine. Et c'est
d'autant plus complexe dans la mesure où les économistes
approchent le problème en essayant généralement
d'agréger la pauvreté en attribuant une mesure cardinale à
un phénomène qui par sa nature à « visages »
multiformes, ne peut évidemment point se réduire à un
nombre. L'agrégation de la pauvreté succède à
son identification tout en précédent l'analyse et la formulation
des politiques inhérentes à sa réduction. L'objectif
visé renvoie aux questions du genre « quelle est l'ampleur de la
pauvreté dans le pays ? » et « comment cette pauvreté
est-elle vécue dans tel ou tel autre groupe de populations ? ».
D'où l'usage des indices ou ratios de pauvreté, pour
solutionner la difficulté qui réside dans
l'attribution d'un ordre en termes d'importance donnée à la
situation des personnes les plus démunies.
Par indice de pauvreté, il faut entendre une fonction
dont les variables sont des indicateurs de bien-être de l'ensemble des
pauvres et de la ligne (le seuil) de pauvreté. Par convention, un indice
de pauvreté devrait prendre ses valeurs dans l'intervalle [0 ; 1], et
plus il est petit, meilleure est la situation au vu du bien-être. La
valeur 0 de l'indice traduit une inexistence de la pauvreté24
alors que la valeur 1 est l'état d'extrême
précarité, en termes de bien-être.
La notion d'indice ayant ainsi été
définie, il conviendrait de noter qu'il existe une multitude de familles
d'indices relatifs à la pauvreté et donc à la
vulnérabilité et à l'inégalité. Il ne sera
présenté dans cette section, essentiellement, que les indices
appartenant à la famille (F) définie ci-dessous. A cette fin,
nous adoptons les notations suivantes qui seront utilisées dans la
description des indices :
~ z : valeur du seuil de pauvreté [ou ligne de
pauvreté]
~ n : nombre total de sujets [pauvres et non pauvres]
~ q : nombre de sujets pauvres [et évidement, n - q :
nombre de sujets non pauvres]
q> xi : mesure du bien-être du i ième sujet
pauvre. L'on fera l'hypothèse que les pauvres sont ordonnés par
ordre décroissant de leur bien-être [ x1 =
x2 = ... = xq -1 = xq ]
~ gi = z - xi : déficit ou écart de bien-être
au seuil de pauvreté du sujet i
tt> A(x, z) et mi(x, z): une fonction (de x et z) et une
pondération sur gi, respectivement.
Il convient aussi de faire remarquer que le concept «
sujet » garde le même sens que celui donné en introduction
générale, c'est-à-dire une personne (un individu), un
ménage, une famille, un foyer, un pays, etc. Par ailleurs, sous l'angle
monétaire particulièrement, x sera assimilé à la
distribution soit des revenus soit des consommations des sujets à
traiter. Les lignes qui suivent décrivent l'origine et la chronologie de
l'élaboration des indices d'agrégation de la pauvreté chez
les analystes économistes les plus connus25.
La famille (F) des indices que nous allons présenter a la
stature des fonctions du type :
q ( x)
F = IF n ( x , z)
? [0,1] / F n ( x , z ) = z ) g
i m i( x , z ), avec q
=n
i = 1
24 À notre avis, une inexistence de
pauvreté ne saurait rester sans équivoque ; il est toujours
possible (même pour les individus appartenant aux régions les plus
riches) de compter certains sujets au-dessous d'un seuil défini de
pauvreté.
25 Les sources utilisées sont essentiellement
STATECO n° 90-91, Août-Décembre 1998/ Soliz et Alejandro
(1999)/Miceli (1997).
.1.1 Les Indices G-H-I
Les indices G, H et I ont été crées avant
que l'agrégation de la pauvreté ne soit axiomatisée par
les économistes. Ils ont de ce fait de nombreuses limites à
partir desquelles d'autres indices ont été formulés
à mesure que la science économique évoluait.
2.1.1.1 Indice G : inégalité
L'indice de Gini, noté G, est le seul des trois (G, H et
I), qui soit une mesure de
l'inégalité. Il se déduit de la famille (F)
en posant A ( x , z ) = 1 2 n ,
gi = 1 et
2
m i ( x , z)
|
1
|
|
x x
-
i j
|
, avec x , xi et
xj désignant respectivement le niveau moyen de la
|
|
|
x
|
j
|
mesure du bien-être dans l'ensemble de la population, la
part de bien-être de l'individu i et la
1
part de bien-être de l'individu j. Ainsi : 2
G =
2 xn
|
i j
|
x i - xj
|
Notons cependant que
|
l'indice G a plusieurs autres formulations mathématiques,
surtout en statistique descriptive.
v
En prenant par exemple A ( x , z ) = 1
x , gi = 1 et mi x z v x r
-
( , ) cov[ ,(1 ) ]
1
= - - , l'on obtient,
- 1
d'après (F) l'expression de l'indice de Gini élargi
: arg { cov[ ,(1 ) ]}/
v
G él i = - v x r
- x . Dans
cette deuxième expression, r désigne le rang
occupé par un sujet donné dans la distribution des xi alors que
í est un coefficient qui consolide cette même
distribution. L'on standardise ce dernier indice élargi en faisant
í =2, ce qui formalise alors G sous sa forme classique :
2 cov( x , r)
G = Gs tan dard = x
Cet indice mesure la concentration de la pauvreté ou en
d'autres termes sa dispersion relative. Par exemple, une région
où G est plus élevé est celle pour laquelle
l'inégalité est plus accentuée (c'est-à-dire plus
concentrée). Malheureusement, il est souvent détecté un
point nodal de cette mesure. En effet, G n'est pas additif pour tous les
groupes, à telle enseigne que le coefficient de Gini d'une
société n'est pas la somme des coefficients Gini de ses
sous-groupes.
|