PARAGRAPHE I : L'INCOMPLETUDE DE LA LEGISLATION
COMMUNAUTAIRE
Bien que solennellement proclamée comme un des
objectifs majeurs du traité de Dakar, la liberté de circulation
et d'établissement dans l'UEMOA pâtit d'un mal chronique, à
savoir l'insuffisance, voire l'inexistence de la législation
communautaire.
Cela s'observe tantôt par l'existence de vides
juridiques (A), tantôt par le défaut de jurisprudence (B).
A- L'EXISTENCE DE VIDES JURIDIQUES
Le droit communautaire connaît des lacunes qui rendent
invraisemblables la concrétisation du principe de la liberté de
circulation et d'établissement. Des silences subsistent dans des
domaines qui pourtant sont indispensables à la mise en oeuvre de la
liberté communautaire. De fait, comme cela a déjà
été maintes fois souligné dans cette étude, les
bénéficiaires des libertés communautaires n'ont pas encore
été suffisamment cernés ; qu'il s'agisse du cas des
personnes physiques ou des personnes morales, il est encore difficile de
déterminer les véritables qualités requises pour jouir de
la liberté de circulation et d'établissement. Ce vacum juris
s'observe aussi dans le contenu et l'étendue des droits
conférés. Sur ce point, force est de constater que les
prérogatives rattachées à la liberté de circulation
et d'établissement sont encore entourées d'une certaine
incertitude, ce qui rend improbable leur revendication par les
bénéficiaires. En clair, des incertitudes subsistent quant
à l'étendue des droits conférés, ce qui augmente la
possibilité de leur inapplication. La portée des exceptions
aurait tout aussi bien mérité d'être précisée
dans le droit dérivé de l'UEMOA. Ces vides juridiques qui
entretiennent le flou autour de la liberté de circulation et
d'établissement demeurent particulièrement préjudiciables
pour les ressortissants communautaires.
De fait, en l'absence de textes venant préciser les
dispositions du traité, les bénéficiaires des
libertés communautaires restent à la merci de toutes sortes
d'abus. La précarité de cette situation est renforcée par
une jurisprudence lacunaire.
B- UNE JURISPRUDENCE LACUNAIRE
Pour mener à bien sa mission, l'UEMOA a
été dotée d'une Cour de Justice. Le protocole additionnel
I relatif aux organes de contrôle pose les bases de cet organe
juridictionnel. Ainsi, l'article premier dudit protocole
précise : « La Cour de Justice veille au respect
du droit quant à l'interprétation et à l'application du
Traité de l'Union ». Cette disposition n'a pas toujours
eu l'effet escompté. On peut aisément se rendre compte du
défaut de décision de justice surtout dans le domaine de la
liberté de circulation et d'établissement. Ces lacunes de la
jurisprudence communautaire contribuent à renforcer
l'ineffectivité du principe.
Il est vrai que le juge communautaire, comme tout juge n'a pas
pour mission de légiférer mais plutôt de régler les
litiges. Mais tenu de dire le droit même en cas de silence, d'absence ou
d'obscurité des règles, il a une mission supplétive
indéniable. Le juge communautaire devrait donc contribuer à la
construction et à l'édification des principes de base de la
liberté de circulation et d'établissement.
Là où le néant subsiste, il devrait
s'évertuer à créer ex nihilo, là où
l'obscurité des textes est flagrante, il devrait s'atteler à
privilégier une interprétation constructive et utilitaire pour
assurer la viabilité et le développement des libertés
communautaires.
Associé à la substance des vides juridiques, ce
silence de la Cour de Justice de l'UEMOA est de nature à accentuer
à l'incomplétude du droit communautaire UEMOA. D'aucuns
expliqueraient cette lacune par la faiblesse des recours juridictionnels ;
le juge ne pouvant s'autosaisir, il fixe sa position au fil des affaires qui
lui sont soumises. Il ne pourrait donc se prononcer sur la liberté de
circulation et d'établissement que s'il est invité à le
faire.
Cette explication est fort plausible et nul n'oserait la
contester. Mais il convient au-delà de toutes supputations de
dénicher la racine du mal : vides juridiques et défaut de
jurisprudence découlent en réalité de
l'intérêt relativement bas accordé à la question de
la liberté de circulation et d'établissement.
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