Liberté de circulation et d'établissement dans l'UEMOA( Télécharger le fichier original )par Bagnon Gnagbo César ZOUHO Université de Cocody-Abidjan - DEA de droit public 2006 |
PARAGRAPHE II : LA PORTEE DE L'EXCEPTION DES EMPLOIS DELA FONCTION PUBLIQUE Une dérogation à une liberté fondamentale ne doit pas créer d'obstacles à l'exercice des droits conférés. C'est pourquoi l'exception concernant les emplois de la fonction publique doit recevoir une interprétation qui en limite la portée à ce qui est strictement nécessaire pour sauvegarder les intérêts que cette disposition permet aux Etats membres de protéger. A ce propos, il importe de déterminer les implications de cette exception (A) et de rechercher les difficultés y liées (B). A- LES IMPLICATIONS L'importance que revêt l'exception des emplois de la fonction publique justifie que des actions spécifiques soient entreprises. Il est ainsi primordial que les instances de l'UEMOA examinent de plus près la question. Une telle action suppose l'adoption d'une ligne de conduite caractérisée par la graduation des actions, le réalisme et qui tient compte de la complexité des questions juridiques à résoudre sur le plan des relations entre le droit communautaire et les droits nationaux. Tout privilégiant l'approche fonctionnelle, il serait bon d'adopter une position fusionnant le critère fonctionnel avec le critère institutionnel. Cela revient en pratique à établir une distinction entre les activités spécifiques de l'Administration publique et les fonctions nouvelles de l'Etat moderne, notamment dans l'économie. Seules les premières seraient couvertes par l'exception aux libertés communautaires. En pareille hypothèse, on serait tenté de se prévaloir de la position de David RUZIE. En effet, la dérogation vise selon lui notamment : « les fonctions spécifiques de l'Etat et des collectivités assimilées telles que les forces armées, la police et les autres forces de l'ordre ; la magistrature ; l'administration fiscale et la diplomatie. En outre, sont considérées aussi couverts par cette exception les emplois relevant des ministères de l'Etat, des gouvernements régionaux, des collectivités territoriales et autres organismes assimilés, des banques centrales dans la mesure où il s'agit du personnel (fonctionnaires et autres agents) qui exerce les activités ordonnées autour d'un pouvoir juridique public de l'Etat ou d'autres personnes morales de droit public, telles que l'élaboration des actes juridiques, la mise en exécution de ces actes, le contrôle de leur application et la tutelle des organismes dépendants » 125(*). Cette construction est certes belle, mais n'occulte nullement les difficultés liées à l'entreprise. B- LES DIFFICULTES La mise en oeuvre de la libre circulation des travailleurs dans un domaine aussi sensible que la fonction publique nationale est une entreprise révolutionnaire. Elle pourrait affecter des intérêts étatiques importants dont la sauvegarde incombe depuis toujours aux nationaux. Il faudrait assez de prudence et de finesse d'esprit pour assurer une sélection des cibles prioritaires. La difficulté est ici de déterminer des activités suffisamment éloignées des tâches spécifiques de l'Administration publique. Comment en effet distinguer ce qui est vital pour l'Etat de ce qui ne l'est pas ? Par ailleurs, pour les catégories d'activités ouvertes aux libertés communautaires, il faudra pour chaque emploi, déterminer les fonctions qui participent effectivement, de façon directe ou indirecte à l'exercice de la puissance publique et les fonctions qui ont pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l'Etat. Enfin, il se pose des questions relatives au statut, à la retraite et à la carrière : celle de l'étranger s'arrêtera-t-elle à une catégorie ou des responsabilités ne pourraient lui être confiées ? Le ressortissant communautaire devra-t-il s'engager dans un début de carrière et s'arrêter au seuil de la « haute fonction publique »126(*) ? Les points ci-dessus évoqués constituent des écueils qu'il faudra examiner en tenant compte bien sur des réalités africaines et des nécessités liées au bien- être des populations. De ce qui précède, on peut retenir que l'exclusion des emplois de la fonction publique tout comme les autres exceptions à la liberté de circulation et d'établissement participent de la volonté des rédacteurs du traité de Dakar de laisser aux Etats membres des réserves de souveraineté plus ou moins grande. Il devient alors indispensable d'assurer une conciliation entre les besoins fondamentaux des Etats et les nécessités de l'intégration économique sous régionale. Si l'utilité de ces limites prévues par les textes est indéniable, on doit être moins indulgent vis-à-vis des difficultés rencontrées dans la mise en oeuvre de la liberté de circulation et d'établissement. CHAPITRE II : LES DIFFICULTES DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA LIBERTE DE CIRCULATION ET D'ETABLISSEMENT La mise en oeuvre de la liberté de circulation et d'établissement est confrontée à des difficultés au sein même de l'UEMOA. Celles-ci sont nombreuses et d'origines diverses. Il serait surréaliste de prétendre en dresser une liste exhaustive. Il est sans doute plus sage de rechercher les difficultés les plus évidentes. Les développements qui vont suivre porteront ainsi d'un côté, sur le problème de l'ineffectivité des normes principielles (Section I), et de l'autre sur des obstacles majeurs à la liberté de circulation et d'établissement (section II). * 125 RUZIE (David), « fonction publique nationale », in ENCYCLOPEDIE JURIDIQUE DALLOZ, REPERTOIRE DE DROIT COMMUNAUTAIRE, Dalloz, Paris, 1992, P.5. * 126 -LYON-CAEN (Gérard), LYON-CAEN (Antoine), DROIT SOCIAL INTERNATIONAL ET EUROPEEN, Dalloz, 8ème édition, Paris, 1993, P.216. |
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