Liberté de circulation et d'établissement dans l'UEMOA( Télécharger le fichier original )par Bagnon Gnagbo César ZOUHO Université de Cocody-Abidjan - DEA de droit public 2006 |
CHAPITRE I : LA LIBRE CIRCULATION DES PERSONNESDroit fondamental, parce que traduction au plan juridique du besoin fondamental de mouvement qui habite l'être humain69(*), la libre circulation des personnes recouvre différentes réalités. Ce principe implique : «-l'abolition entre les ressortissants des Etats membres de toute discrimination fondée sur la nationalité, en ce qui concerne la recherche et l'exercice d'un emploi, à l'exception des emplois de la fonction publique ; - le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l'ensemble des Etats membres ; - le droit de continuer à résider dans un Etat membre après y avoir exercé un emploi ». Au-delà de sa consécration par le droit international70(*), il était important que ce principe soit réaffirmé et précisé par le droit communautaire et notamment le traité de l'UEMOA. L'article 91 du traité de l'UEMOA donne ainsi une connotation singulière de cette liberté universelle. Le ressortissant communautaire devrait pouvoir accéder à l'activité, et pour cela se déplacer et séjourner dans l'Etat membre d'accueil, puis l'exercer dans les mêmes conditions que les nationaux de cet Etat membre. Il s'en suit que nous aborderons le contenu du principe de libre circulation des personnes (Section I) avant d'appréhender son corollaire, le principe de non discrimination (Section II). SECTION I : LE CONTENU DU PRINCIPE DE LA LIBRECIRCULATION DES PERSONNES Le traité de l'UEMOA reconnaît au principe de la libre circulation des personnes un large contenu en parfaite corrélation avec son importance dans le cadre de l'intégration de la sous région. Il est ainsi consacré deux catégories de droits. Les uns ont une portée générale (Paragraphe I) alors que les autres sont rattachés à l'activité (Paragraphe II). PARAGRAPHE I : LES DROITS DE PORTEE GENERALELa portée générale des droits qui seront évoqués ici découle du fait qu'ils ne sont pas intrinsèquement liés à l'activité économique ; ils peuvent de ce fait être exercés par tout ressortissant communautaire, travailleur ou non. Ces droits ne sont conçus en réalité que comme adjuvants indispensables aux droits liés à l'activité. Il s'agit en substance des droits tenant au libre franchissement des frontières (A) et du droit de séjour (B). A- LE LIBRE FRANCHISSEMENT DES FRONTIERESLa libre circulation des personnes s'entend de façon simple, comme le libre franchissement des frontières. Cela signifierait dans l'absolu, le droit de circuler librement à l'intérieur de l'UEMOA comme à l'intérieur de l'un quelconque de ses Etats membres, c'est-à-dire « le droit de se déplacer et de séjourner sur le territoire de l'ensemble des Etats membres ». De façon plus pratique, on peut entrevoir le libre franchissement des frontières sous deux angles. D'un coté, il s'agit du droit pour le ressortissant de sortir du territoire de l'Etat dont il est originaire. Il est admis que cette sortie puisse être réglementée par cet Etat. Les raisons d'un tel contrôle à la frontière peuvent être multiples et ne tiennent pas toujours au caractère plus ou moins autoritaire de l'Etat71(*). Dans le cadre d'un traité prévoyant la libre circulation des personnes, il était indispensable que cette liberté de sortie, même orientée vers la réalisation d'un objectif économique, soit affirmée. D'un autre coté, le libre franchissement des frontières suppose que le ressortissant communautaire ait le droit d'accéder librement au territoire de tout Etat membre de l'organisation sous régionale. C'est là tout le sens du droit reconnu au ressortissant communautaire de se « déplacer sur le territoire de l'ensemble des Etats membres ». Un tel déplacement doit être facilité par la levée des obstacles à la libre circulation. Ainsi pour faciliter cet accès au territoire des Etats membres, il a été édicté la directive n°8/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005 relative à la réduction des points de contrôle sur les axes routiers inter Etats de l'Union. Ce texte a pour objet de « limiter les contrôles sur les axes routiers inter-Etats de l'Union »72(*), afin d'encourager et d'assurer une meilleure fluidité de la circulation interétatique. Il est bon de signaler que le droit au libre franchissement des frontières est consacré depuis plusieurs décennies dans le cadre de la CEDEAO73(*). Diverses mesures ont même été prises depuis pour en assurer l'effectivité74(*). Une les frontières franchies, le ressortissant communautaire doit pouvoir jouir du droit de séjour. * 69 - DONFACK SOKENG (Léopold), « La liberté d'aller et venir dans la sous région du Golf de Guinée », in AFRIQUE JURIDIQUE ET POLITIQUE, n°1, Janvier-Juin 2003, P.48.
* 70 - on pourra évoquer notamment : - l'article 13, paragraphe 1 de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat ». - l'article 12 paragraphe 1 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques du 13 décembre 1966 : « Quiconque se trouve légalement sur le territoire d'un Etat a le droit d'y circuler librement et d'y choisir sa résidence ». - l'article 12 de la Charte Africaine des droits de l'homme et des peuples du 27 Juin 1981 : « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l'intérieur d'un Etat, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi » * 71 - Un Etat, même démocratique, a un droit de regard sur la sortie des personnes se trouvant sur son territoire. On peut évoquer de multiples raisons : « soit que l'Etat souhaite vérifier que la personne qui va quitter son territoire n'est pas sous le coup de poursuites judiciaires ou fiscales, qu'il souhaite protéger cette personne incapable ou mineure (prévention d'enlèvement d'enfants). Soit enfin qu'il souhaite vérifier avant le départ de cette personne qu'elle dispose de ressources suffisantes pour se rendre à l'étranger et ne sera pas à la charge de ses autorités consulaires dans l'Etat de destination ». DE LARY (Henri), Op.cit., P.7. * 72 - Article premier de la Directive n°8/2005/CM/UEMOA du 16 décembre 2005. * 73- Ainsi, un protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement a été adopté le 29 mai 1979. il dispose en son article 2 paragraphe 1 que « les citoyens de la communauté ont le droit d'entrer, de réaliser et de s'établir sur le territoire des Etats membres ». * 74- Il s'agit notamment de - la suppression des visas (Article 3 paragraphe 2 du protocole A/P1/5/79 du 29 mai 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement) - l'instauration d'un carnet de voyage (Décision A/Dec.2/7/85 du 6 juillet 1985 portant institution d'un carnet de voyage des Etats membres de la CEDEAO) - des mesures concernant la circulation des véhicules de transport des particuliers (4ème partie du protocole A/P1/5/79 du 29 mai 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement) - l'édiction des obligations à la charge des Etats destinées à faciliter les flux migratoires protocole additionnel (A/SP2/7/85 du 6 juillet 1985 portant code de conduite pour l'application du protocole sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d'établissement). -le passeport CEDEAO (Décision A/DEC.1/5/2000 portant institution du passeport CEDEAO) |
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