Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon( Télécharger le fichier original )par Bipikila Moukani Mambou Université Omar Bongo - Maîtrise 2008 |
2.7 Les profils types des cultures endommagées par les éléphantsLes dommages aux cultures à Mandji sont hautement variables dans le temps et dans l'espace, ils sont influencés par beaucoup de facteurs et sont mal compris par les populations. A travers des observations participantes qui nous ont permis de suivre les populations dans leurs différentes activités agricoles, nous avons relevé deux profils clés : le profil spatial et le profil temporel. En effet, les éléphants endommagent les cultures de façon très différente en fonction des lieux et aussi du temps. Il est souvent difficile aux populations de prédire où les conflits auront lieu. Par exemple un secteur peut être touché par les dégâts provoqués par les éléphants alors que celui d'à coté n'en subira aucun. Cependant, outre ces variations, plusieurs profils spatiaux ont été identifiés. L'endommagement des cultures se produit régulièrement dans les zones les plus éloignés de la ville et ont tendance à se raréfier quand on s'en éloigne sauf pendant certaines périodes (septembre-octobre et fevrier-avril). Les éléphants attaquent les cultures les plus proches de leur habitat car le risque de détection y est plus faible. Les éléphants qui attaquent les cultures utilisent souvent des habitats refuges pendant la journée non loin des zones agricoles et une fois la nuit tombée, ils quittent leur refuge et entrent dans les champs. Cela s'explique par leur présence dans les champs dès 18h et parfois 17h. Il est fréquent que les populations, dans leurs champs entendent les barrissements des éléphants pendant la journée. Aussi, dans les nouvelles jachères, la repousse de la végétation attire les éléphants vers les cultures. C'est d'ailleurs dans cette logique que Barnes et al.102(*) notent que : « les zones abondantes en végétation secondaire par les activités humaines (entre autre l'exploitation forestière industrielle) sont appréciées par les éléphants ». Ils sont attirés par les plantes grimpantes épaisses et les arbustes, ce qui les entraîne inévitablement vers les cultures d'autant plus que les villageois ont tendance à faire leurs nouvelles plantations à proximité des anciennes. Signalons aussi que dans certaines concessions où le braconnage est bien contrôlé, la coupe de bois favorise la croissance de sous-bois qui constituent une bonne source d'alimentation pour les éléphants103(*). Hormis le profil spatial, l'endommagement des cultures est l'objet de large variation dans le temps. Sur le terrain, nous avons constaté que les attaques des éléphants ont lieu entre septembre et octobre et entre février et avril voire mai et entre juin et juillet avec des raids en décembre. Les incursions de décembre sont celles qui correspondent à la période où les éléphants recherchent les mangues sauvages. Les attaques de septembre à octobre correspondent quant à elles, au moment des semences et à celui où certaines cultures comme la banane arrivent en maturité. Celles de février-avril se produisent au moment où les cultures sont dans un état de croissance intermédiaire. Par contre les attaques de juin-juillet, au moment où cessent les pluies, coïncident avec le moment où certaines cultures notamment les tubercules, l'igname, le taro et les patates douces arrivent en maturité. R. E. Hoare104(*) dans une étude effectuée en Afrique australe, pense que pendant la saison sèche, « les cultures à maturité sont les cibles des attaques d'éléphants car leurs fruits et leurs graines sont hautement nutritives. Elles sont beaucoup plus nutritives que le fourrage naturel disponible aux éléphants ». A la suite de Hoare, nous estimons qu'à Mandji, la baisse de qualité du fourrage naturel peut déclencher les attaques des cultures puisque l'herbe s'assèche à la fin de la saison des pluies, sa valeur nutritive diminue, poussant les éléphants à chercher d'autres sources de nourriture. Les dégâts dus aux intrusions des éléphants dans les champs sont jugés comme étendus sur toute l'année comme l'indique Marie A. Moumbangou105(*). Toutefois, les périodes où les attaques des éléphants sont les plus fréquentes correspondent à celles des semences (septembre-octobre) et des récoltes (jui-juillet).
Selon jules Olago106(*), les attaques des cultures sont menées par de petits groupes d'éléphants dont la structure varie entre huit (8) et dix (10) animaux. Mais ce nombre peut varier selon les situations. Les éléphants mâles sont reconnus comme étant responsables de la majorité des incidents sur les cultures et forment souvent de ce fait des groupes plus petits que les femelles car un petit groupe est plus discret et sera moins facilement détecté par les propriétaires des champs. La majorité des attaques de cultures par les éléphants ont lieu la nuit. Elles se déroulent en général à partir de 18h et parfois un peu plus tôt en particulier dans les champs sans surveillance jusqu'à 5h du matin. Par contre dans les champs où la surveillance est permanente, elles se déroulent le plus souvent autour de 3h du matin. La fréquence des attaques des cultures la nuit peut s'expliquer par le fait que les éléphants profitent du couvert de nuit pour augmenter leur chance de succès. Mais il a été enregistré des cas d'attaque en pleine journée. A notre avis, ces attaques sont le fait des vieux éléphants isolés (mutimbu ; pluriel mitimbu). Par ailleurs, un comportement spécifique des éléphants qui nous été décrit par les populations consiste pour les éléphants de barrir à l'entrée du champ avant de débuter l'attaque des cultures. Ce barrissement renvoie tout simplement à vouloir savoir s'il y a des gens ou pas sur le champ visé. De manière générale, les populations ont identifié les éléphants mâles comme étant à l'origine de la majorité des problèmes. Cela peut s'expliquer par le fait que les éléphants mâles sont plus prêts à prendre des risques que les femelles, dans le but d'augmenter leurs apports nutritifs. Car les femelles avec leurs petits seront moins tentées d'exposer leurs progénitures aux grands risques associés à l'attaque des cultures et de se retrouver à proximité de la présence humaine. Cependant, des troupeaux mixtes d'éléphants mâles et femelles ensemble, sont responsables des dégâts sur les cultures. * 102 Barnes et al., 1991 cité dans Halford Thomas et al., 2003. * 103 Barnes, 2005 cité dans Elie Hakizumwami, 2005. * 104 Richard E.Hoare (2001), Un système de soutien aux décisions pour la gestion des situations de conflit hommes-éléphants en Afrique, UICN/SSC. * 105 Marie A. Moumbangou, corpus n° 10, séquence n° 1. * 106 Jules Olago, corpus n°18, séquence n°7. |
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