SECTION II.- L'AUTONOMIE LOCALE ET LA REFORME DES
ANNEES QUATRE-VINGT (1980)
Le principe de l'autonomie locale a toujours
été reconnu par les législations haïtiennes
antérieures à 1982. Il est actuellement consacré par des
dispositions provenant de plusieurs lois. Chronologiquement, il émane de
quatre sources principales :
a) Le décret du 22 octobre 1982 révisant les
lois antérieures, notamment celles de 1881, de 1924, de 1951 et portant
statut de la collectivité territoriale de la commune ;
b) La constitution du 29 mars 1987 qui a multiplié les
structures autonomes ;
c) La loi fixant l'organisation et les modalités de
fonctionnement de la collectivité territoriale de section communale,
sanctionnée le 4 avril 1996 ;
1.- Albert Mabileau, op cit P 42
d) La loi du 2 septembre 1996 créant un
fond de gestion et de développement des
collectivités
territoriales dans le but de pallier aux effets
discriminatoires entre collectivités riches et collectivités
pauvres.
De nombreuses règles sont alors énoncées
dans la Constitution de 1987 afin de structurer l'autonomie locale. D'une part,
l'exécutif départemental est transféré au
représentant élu de la collectivité départementale.
D'autre part, la tutelle est allégée. Le
délégué du gouvernement conserve la seule qualité
de représentant de l'Etat en matière de contrôle financier
et de légalité des actes administratifs. Enfin, la section
communale et le département sont, au même titre que la commune,
érigés en collectivités territoriales. Bref, ces lois
proposent une rupture avec les pratiques antérieures et un renforcement
de la démocratie locale.
A.- MODERNISATION DU CONCEPT DE COLLECTIVITE
TERRITORIALE
Le système établi par la Constitution de
1987 a profondément modernisé la structure de
l'administration des collectivités territoriales haïtiennes. Ainsi,
en plus de la commune qui a toujours existé comme collectivité
territoriale, d'autres structures sont transformées en
Collectivités Territoriales telles : la section communale et
le département. Cette nouvelle organisation instaurée par la
charte du 29 mars 1987 repose sur l'axiome dû à Sieyès
délibérer est le fait de
plusieurs, exécuter le fait d'un seul (1).
Ainsi, deux organes furent juxtaposés dans chaque circonscription :
une assemblée, organe collégial
chargé de la délibération ; un
conseil, organe collégial aussi, mais chargé de
l'exécution. Cette forme de dualisme administratif est un nouveau trait
caractéristique de notre système administratif.
1.- LACOMMUNE : UNE STRUCTURE
ANCIENNE
La commune est une collectivité territoriale
moyenne, ayant une personnalité morale et juridique, dotée de
l'autonomie administrative et financière. Son territoire est
subdivisé en sections communales. Elle est dirigée par un conseil
exécutif composé de trois membres : un président ou
Maire et deux Maires adjoints, assisté d'une assemblée
municipale (AM) qui constitue un véritable parlement
local.
1.- De LAUBADERE André : VENEZIA,
Jean-Claude ; GAUDEMENT Yves :
En Haïti, l'histoire de la commune remonte très
loin dans le passé. Malgré plusieurs réformes, son
existence n'est pas affectée. Elle a la vocation d'améliorer le
cadre et les conditions de vie de ses habitants, c'est pourquoi, elle
gère les services collectifs de proximité.
Selon Jean Pierre MURET, « la commune est au
coeur de la démocratie » (1). Son nom même
est significatif de coopération et de dialogue social. Aujourd'hui, le
statut de la commune répond à un double besoin : elle est
une circonscription administrative de l'Etat et un lieu de gestion des
intérêts locaux.
2.- CREATION DE NOUVELLES COLLECTIVITES
TERRITORIALES
Si la commune a toujours existé
comme collectivité territoriale, la constitution de 1987, en son article
61, en a crée deux autres : la section communale et le
département.
a) SECTION COMMUNALE
La section communale ci-devant section rurale est la plus
petite entité territoriale administrative de la République
d'Haïti. Elle a le statut de personne morale et juridique. Elle jouit
selon la Constitution, de l'autonomie Administrative et financière dans
les limites fixées par la loi.
Dans le souci du législateur de trouver un
mieux-être par une participation de proximité pour la population
paysanne, le pouvoir de s'administrer librement lui est reconnu. Ainsi, elle
est formée d'un conseil de trois (3) membres élus pour quatre
(4) ans au suffrage universel direct. Etant une personne publique
décentralisée, elle est supposée avoir des
attributs : personnalité morale, patrimoine, fiscalité et
budget propre qu'elle possède à titre permanent et qui sont
distincts de ceux de la commune. Nouvellement créée, la
section
communale est reconnue d'avoir une dimension toute nouvelle
du fait qu'elle peut se voir attribuer par la loi des compétences
longtemps exercées exclusivement par la commune. La loi du 4 avril 1996
rappelle en son article 2.1 que la section communale exerce ses
compétences dans le respect de l'intégrité et de
l'autonomie pour promouvoir tous les aspects de son développement.
L'administration de chaque section communale est assurée par un conseil
formé de trois (3) membres élus au suffrage universel (CASEC) et
une
1. MURET Jean Pierre, les
Municipalités, Collectivité guide du citoyen et de
l'élu
assemblée de section communale (ASEC).Le CASEC est
désormais un organisme permanent dont les membres sont élus pour
une durée égale à celle du conseil municipal.
b) DEPARTEMENT
Jusque vers l'année 1986, l'expression
département ne désignait pas encore une collectivité
territoriale au sens que le droit positif haïtien le reconnaît
aujourd'hui. Le département n'avait pas la personnalité
morale, c'est-à-dire qui a des droits et des obligations. Il
n'était qu'un démembrement de l'Etat. Il fut
considéré comme un organe de l'Etat Central qui transmet alors
les directives de celui-ci et veille à leur exécution.
Après environ trente (30) années de
dictature, le peuple haïtien voulait ardemment par le biais de ses
représentants démocratiser l'administration du pays. C'est
à cette idée que les constituants de 1986 prévoient la
formation d'une assemblée départementale chargée
d'élire un conseil départemental avec pour mission : la
gestion des intérêts locaux dans le département et
l'exécution des ordres du gouvernement central. La Constitution de
1987 a, d'une part, fait disparaître la structure de région
tracée par la loi de 1978, et d'autre part, érigé le
département en collectivité territoriale, en lui reconnaissant
pleinement la personnalité morale. Ainsi, à l'instar du
département français, le département en Haïti est
à la fois :
- une Collectivité territoriale
décentralisée dotée d'organes élus par le suffrage
populaire de son territoire ;
Une circonscription administrative de l'Etat, dotée
d'un organe nommé par le gouvernement : le
délégué départemental.
3) LE RENFORCEMENT DE LA DEMOCRATIE
DE PROXIMITE
La décentralisation doit être à la base de
tout processus de démocratisation qui se veut durable. Elle constitue la
condition sine qua non de toute vraie démocratie. Après la chute
du duvaliérisme, il y eut une forte revendication
décentralisatrice et la constitution de 1987 reflète cette
tendance.
Aujourd'hui, ce sont les conseils élus qui sont les
organes de la décentralisation. Ils disposent d'une assemblée qui
constitue un véritable parlement local, qui discute les propositions et
contrôle les exécutions. Il ne peut y avoir de collectivité
sans une assemblée élue ; cette dernière est
confirmée dans un rôle consultatif mais elle n'administre pas.
a) CONSEIL EXECUTIF LOCAL
Depuis que la constitution de 1987 a fait du
président du CASEC et de celui du conseil départemental (CD) les
homologues de celui du conseil municipal (CM), les organes exécutifs de
ces trois collectivités sont très proches et la loi doit
intervenir pour délimiter leurs champs de compétences. Ces
innovations constitutionnelles ont élargi les marges de manoeuvre des
collectivités territoriales.
Conformément aux articles 61, 66 et 77
de la Constitution, chaque conseil exécutif, soit de la section
communale (CASEC), soit du conseil municipal (CM), soit du conseil
départemental, a la compétence et le pouvoir de gestion
autonome de la collectivité territoriale en question.
S'il est attribué à
l'organe délibérant de décider, l'organe exécutif
met en application les décisions prises. Cette exécution se fait
sous le contrôle de l'organe délibératif qui fonctionne
comme une sorte de parlement local.
b) PARLEMENT LOCAL
L'institution assemblée
à chaque niveau de collectivité constitue une autre grande
innovation de la constitution de 1987. Sont prévues les
assemblées de la section communale (ASEC) pour la section
communale, les assemblées municipales (AM) pour la commune, les
assemblées départementales (AD) pour le département. Elles
assistent les conseils aux différents niveaux.
La loi du 29 mars 1996 définit les attributions des
assemblées. Contrairement aux conseils exécutifs qui dirigent,
les assemblées discutent leurs propositions, les assistent dans la
planification des projets et contrôlent tous leurs actes. On comprend,
qu'en remplissant ces fonctions, l'assemblée constitue un
véritable parlement local.
c) DEVOIR DE COMPTE-RENDU A LA
POPULATION
La loi du 11 juillet 1996 en son article 9 stipule que les
séances des assemblées sont publiques. Les comptes-rendus des
délibérations doivent être affichés et portés
à la connaissance du public par tous les moyens utiles.
Les collectivités territoriales, à cause des
exigences démocratiques qui veulent que le pouvoir soit toujours proche
du citoyen, sont tenues de garder un contact étroit avec les citoyens
dont divers groupes sont consultés sur les besoins et les solutions
à apporter aux problèmes de la collectivité. Ainsi, la
communication joue un rôle de premier plan dans une démocratie
participative.
B.- LES COLLECTIVITES TERRITORIALES DE LA
REFORME A NOS JOURS
Tout processus de décentralisation fait
naître à l'Etat central le devoir de transférer
certaines compétences et les moyens d'action adéquats
à l'exercice de ces compétences. Cette opération donne
à la population locale qui, dans le passé, était un simple
spectateur, la latitude de choisir des gens entre eux, de leur localité
pour administrer librement dans les limites de loi, les affaires locales.
1.- EXERCICE DE LEURS COMPETENCES
La notion de décentralisation s'explique par un jeu
complexe de transfert de compétences de l'autorité centrale vers
des autorités locales. Ainsi, la constitution de 29 mars 1987 a bel et
bien défini les enjeux globaux sur le plan administratif, juridique et
institutionnel. Elle définit les compétences de chaque acteur, en
distinguant entre les affaires nationales relevant de l'Etat central et les
affaires locales relevant des Collectivités Territoriales.
a) Compétences propres
La question de compétence propre est l'un des
éléments importants de l'identification des collectivités
locales. La population locale cesse d'être un spectateur passif pour
devenir l'acteur principal qui détient la capacité de choisir ces
dirigeants qui doivent intervenir dans les affaires intéressant leur
ressort territorial. Ainsi, de 1982 à 1996, des lois, des décrets
et des circulaires ont vu le jour, par exemple, la loi du 4 avril 1996
relative aux transferts de compétences ; et il faut noter, un tas
de projets de lois cadres sur les droits et les libertés des
collectivités territoriales.
Apprécier la compétence propre d'une
collectivité revient à regrouper logiquement ses attributions
sous différentes rubriques qui doivent permettre aux conseils
élus de mieux organiser leur gestion. Donc, une collectivité a
quatre attributions essentielles qui sont :
1.- Attribution de
planification : préparer en collaboration avec les organes
publics compétents, les plans d'aménagement du territoire, ceux
d'extension et d'embellissement des villes ; déterminer les sources
nouvelles d'imposition et proposer les centimes additionnels sur les taxes et
impôts d'Etat ; mettre sur pied des projets d'investissement par la
construction et la réalisation des travaux d'importance.
2.- Attribution d'animation et de
consultation : Former ou autoriser dans les quartiers et les
agglomérations des comités, ou intéresser les groupements
communautaires et les coopératives à étudier toutes
questions liées aux problèmes économiques, socioculturels
et d'environnement et à suggérer les solutions et les voies et
moyens appropriés.
3.- Attribution de gestion :Aménager et
entretenir les routes et chemins vicinaux, recenser les immeubles des
particuliers, ceux du domaine public et du domaine privé de l'Etat
situé dans la collectivité, fixer les prix des produits de
premières nécessitées en accord avec le service
compétent du ministère du commerce.
4.- Attribution d'exploitation et de
protection : Etablir et exploiter des parcs d'automobiles et des
gares routières ; créer et administrer des salles de
spectacle et de théâtre ; protéger, entretenir,
exploiter les sites et monuments naturels ou historiques en collaboration avec
l'administration compétente de l'Etat ; créer et administrer
des services de protection civile ; protéger l'exercice des cultes
et assurer la police des moeurs dans la collectivité.
b) Charges
locales
L'objectif poursuivi par l'Etat en
créant une collectivité surtout dans le cadre d'une
décentralisation est la recherche d'une gestion de proximité
efficace. Pour y arriver, il se décharge de certaines
responsabilités pour les confier à des gens plus proches de la
population une fois élus par cette dernière. Ainsi, en tant que
personne morale, une collectivité territoriale doit être
dotée d'organes appelés à fournir des services
d'intérêt local. C'est dans cette optique qu'on dit que
l'existence d'une collectivité repose sur le fonctionnement d'organes
administratifs locaux qui gèrent les intérêts propres de la
collectivité.
Le décret du 22 octobre 1982 sur les communes et
la loi du 4 avril 1996 sur les sections communales donnent une liste
détaillée des obligations des Collectivités Territoriales.
Nous tenons seulement pour la commodité du développement à
les grouper en trois rubriques : Frais du personnel,
fournitures, services et investissement. Cette
dernière obligation renvoie à la construction des réseaux
divers : Adduction d'eau potable, barrage électrique, construction
d'école, oeuvre de bienfaisance sans oublier leur participation au
financement d'équipement entrepris par l'Etat central sur leur
territoire.
c) Moyens de fonctionnement
Les revenus des collectivités locales proviennent
de deux sources principales : Impôts locaux,
taxes locales et dotation globale de la part de
l'Etat. Les taxes et impôts les plus importants perçus
par la Direction Générale des Impôts (D.G.I) pour le
compte des collectivités locales sont : la contribution
foncière des propriétés
bâties (CFPB) et la patente. Ces deux
impôts ne constituent pas les seuls, même s'ils représentent
un très fort pourcentage de la fiscalité directe locale. Les
Collectivités Territoriales ont aussi la possibilité de percevoir
d'autres taxes dont les produits peuvent être plus ou moins importants.
Citons quelques-unes.
- Produits des droits d'abattage des animaux
- Taxe d'enlèvement des ordures
ménagères
- Produits de concessions de terrains dans les
cimetières
- Produit des amendes prononcées par les tribunaux
correctionnels et de simple police
- Imposition forfaitaire sur les pylônes
électriques
- Taxes de garage et d'utilisation des trottoirs
- Prélèvement local sur le produit des jeux
dans les casinos
- Droit de licence sur les boissons vendues en
détail
- Impôt sur les spectacles
- Taxes sur les affiches publicitaires
- Taxes sur les emplacements publicitaires.
Il est évident qu'à cause des disparités
économiques et financières qui existent entre les
différents niveaux de collectivités territoriales que l'Etat
central dans son rôle de réglementation se doit d'intervenir par
la formule de péréquation. C'est ainsi
que la loi du 28 septembre 1996 est voté pour réformer les
subventions traditionnelles accordées aux collectivités locales
en un fonds de compensation alimenté par l'Etat central. Grâce
à cette loi, le renforcement de l'autonomie locale est maintenu en
posant aussi le principe que tout accroissement de charges résultant de
transfert de compétences doit être compensé par un
transfert de ressources proportionnelles conformément au prescrit de la
Constitution de 1987
2.- Articulations entre les collectivités
territoriales
L'Etat central, en tant que grand
administrateur des affaires de la cité, dispose d'un vaste réseau
d'autorités administratives et de services répartis sur
l'ensemble du territoire. Cette organisation suppose un découpage
géographique en circonscriptions qui lui servent de cadres d'action. Sur
chacune de ces circonscriptions, la loi établit sur différents
niveaux des paliers et prévoit un mode de fonctionnement axé sur
une bonne entente et une parfaite collaboration de manière à
rendre la tâche plus facile et la vie plus agréable entre les
citoyens.
a) Relation de collaboration ou rapports
harmonieux
Le développement socio- économique dans la
vie politique à l'heure actuelle donne lieu à une implication de
plus en plus uniforme des collectivités territoriales dans les actions
entreprises au niveau local. On se rend compte que, dans la mise en place de
certains projets, il y a concertation entre les bureaux
déconcentrés et les autorités locales. A titre d'exemple,
nous citons, dans le Nord-Ouest, notamment à Port de paix et dans le
centre, à Hinche les bureaux déconcentrés du
ministère du plan se réunissent avec les autorités locales
dans le cadre de la mise en place de certains projets. L'existence
continue de ce rapport harmonieux entre les différents paliers
dépend d'un ensemble de mécanismes à mettre en place. Par
exemple, définir les champs de compétence, c'est-à-dire
que la loi assigne à chaque acteur de chaque pallier des tâches
spécifiques en sorte qu'il n'empiète pas sur celles des autres.
b) Rapports conflictuels
L'absence d'une législation portant sur le transfert de
compétences et de pouvoirs aux collectivités, en distinguant les
affaires nationales relevant de l'Etat central des affaires locales
relevant des collectivités territoriales, rend conflictuelle la
relation Etat / collectivité Territoriale. Deux exemples
récents et significatifs, sont à signaler :
- Le maire Emmanuel Charlemagne de la commune de
Port-au-Prince, dans son invention fugitive de créer une police
municipale, a suscité une situation de conflit
- par rapport à la vision générale de la
secrétairerie d'Etat à la défense qui abondait dans le
sens de la constitution de 1987 qui veut une police nationale unique.
- La direction générale des impôts (D.G.I)
est la seule institution habilitée à percevoir des taxes pour les
collectivités territoriales et à les déposer à leur
compte. Il arrive pourtant sous l'administration de Emmanuel Charlemagne que la
mairie de Port-au-Prince a décidé de les collecter
elle-même par le biais de ses inspecteurs ; ce qui a suscité
un tas de palabres.
b) Absence de hiérarchie
Chaque collectivité territoriale est autonome comme
telle, aucune collectivité territoriale ne peut exercer un
contrôle sur une autre, c'est le principe de l'autonomie
réciproque, ce phénomène n'est pas propre à
Haïti puisqu'il s'appliquait déjà en Grèce. A cette
phase, il est important de faire remarquer qu'aucune collectivité ne
peut déléguer ses attributions en tout ou en partie, ni sortir
de ses limites fixées par la loi et par la constitution. La
responsabilité entière de chaque collectivité est
attachée aux actes de cette collectivité.
C.- L'AUTONOMIE LOCALEFACE
A L'ADMINISTRATION
CENTRALE
Les réformes décentralisatrices ont voulu
d'abord réaliser la promesse contenue dans de la constitution de 1987.
Les Collectivités Territoriales s'administrent librement. Ainsi, la
section communale et le département deviennent des collectivités
au même titre et au même degré que la commune ; les
affaires propres à ces collectivités sont réglées
par des conseils élus au suffrage universel direct dont le
président assure l'exécution des délibérations. Les
conseils départementaux travaillent à la conception des projets
de décentralisation, veillent sur les services publics en vue d'un
développement régional durable.
1.- Représentation du pouvoir
central au niveau local
Les élus de la
collectivité exercent selon la situation deux types de pouvoirs :
un pouvoir en qualité d'agent de la collectivité locale, quand
ils interviennent au nom et pour le compte de la collectivité locale, et
un pouvoir en tant qu'agent de l'Etat central. Dans la perspective classique,
l'administration territoriale englobe, dans le cadre de circonscriptions, une
administration d'Etat déconcentré et des collectivités
locales, constituant des personnes publiques distinctes de
l'Etat1.
a) Par des agents élus
L'élu, intervenant au nom de l'Etat central, cesse
d'être seulement un exécutif local pour devenir aussi un
agent national placé à proximité, chargé
d'exécuter certaines fonctions spéciales2.
Parmi les trois fonctions exercées au nom de l'Etat
central, on trouve :
- La publication et exécution des lois et
règlements
- l'exécution des mesures de sûreté
générale
- Certaines fonctions de nature judiciaire tel: Officier
d'Etat civil et officier de police judiciaire.
- 1.-Décentralisation en Haïti, Reforme de la
législation et de la politique de décentralisation P
2.-Delcamp ALAIN,les institutions locales en Europe, Paris, Puf,
1990 P186
Il est important de faire remarquer que quand l'élu
agit au nom de l'Etat, il est alors soumis au contrôle
hiérarchique du pouvoir central qui selon le cas, peut annuler ses
décisions ou se substituer à lui pour prendre telle ou telle
décision appropriée. A cette phase, les fautes ou
préjudices de service qu'il commet engagent la responsabilité de
l'Etat et non celle de la collectivité.
2.- Répartition des compétences entre
l'Etat et les collectivités territoriales
La constitution haïtienne de 1987
actuellement en vigueur traite les collectivités territoriales et la
décentralisation comme des éléments modernisateurs pour
l'Etat haïtien. Elle prône la concertation et la participation comme
seul moyen pour arriver à un Etat démocratiquement fort. C'est
pourquoi cette participation exige une certaine répartition de
compétences entre les différents niveaux de collectivités
et l'administration centrale.
Le principe de subsidiarité veut qu'un pallier de
collectivité assume le type de compétence pour lequel il est plus
apte, où il satisfait le mieux les besoins de la population. Dans ce
cas, il serait anormal à une collectivité de rang plus
élevé d'exercer les fonctions qu'un groupement d'ordre
inférieur est en mesure de remplir efficacement.
Pour répéter Tocqueville :
« Un pouvoir central, quelque éclairé, quelque savant
qu'on l'imagine, ne peut embrasser à lui seul tous les
détails de la vie d'un peuple1 »
a) Compétences transférées aux
collectivités territoriales
Le système énoncé au préambule
joint au premier article du titre I du chapitre I de la constitution du 29 mars
1987 prescrit la décentralisation comme un mode d'organisation de l'Etat
souverain d'Haïti. Aussi, est- elle conçue comme une technique
administrative qui repose sur un postulat d'après lequel le
résultat de l'administration est meilleur et mieux accepté par
les administrés lorsque ceux-ci y participent.
1.- Tocqueville Alexis Charles, citation tirée de
l'ouvrage greff Xavier P 86
Ainsi donc, un grand nombre de compétences sont
prévues pour les collectivités territoriales dans divers
domaines en fonction de leur capacité technique ou de leur
proximité géographique respective. Le clivage redistributions,
proximité se retrouve au niveau de la maîtrise des sols, de
l'action sanitaire et sociale , du logement, de l'éducation, de la
formation professionnelle, du transport, de la protection civile, des
activités culturelles, de l'agriculture, de l'intervention
économique et de la planification.
b) domaine partagé
Etant donné qu'un pouvoir central, quelque
grand qu'il soit, ne peut embrasser à lui seul tous les détails
de la vie d'un peuple, il ne peut non plus se désintéresser de
ces missions. C'est à travers cette logique que la constitution du 29
mars 1987 a partagé des tâches entre les collectivités
territoriales en tant que pouvoir local et l'Etat central en tant
qu'administrateur national.
Dans le système de la
décentralisation hybride, certaines fonctions d'un
même service sont décentralisées et d'autres sont
centralisées. A titre d'exemple, l'Etat central peut transférer
des responsabilités de financement et de supervision des projets
d'investissement au gouvernement local tout en retenant au niveau
central les fonctions de planification des investissements et l'embauche
du staff technique.
Il en est de même qu'au niveau éducatif, les
communes peuvent avoir la responsabilité de la construction et
l'entretien des écoles primaires alors que le ministère
retiendrait la responsabilité de :
- Elaborer les programmes
- La structure des parcours de formation
- Gérer et rémunérer le personnel
- La création des postes, l'ouverture et la fermeture
des classes.
- 3.- Droit de contrôle
de l'Etat sur les collectivités locales
Dans tout Etat unitaire, les institutions
administratives décentralisées sont soumises au contrôle du
pouvoir central en vue de sauvegarder l'indivisibilité du territoire et
l'intérêt général contre les empiétements des
pouvoirs locaux.
a. Contrôle administratif
Les éléments constitutifs et
caractéristiques d'un Etat unitaire se retrouvent à travers les
fichiers suivants : Les personnes publiques autonomes, affaires
locales, autorités locales
élues et contrôle du pouvoir central. Le petit
Larousse 2000 parle de tutelle administrative pour désigner le
contrôle exercé sur une collectivité publique ou sur une
personne morale de droit public.
Les collectivités territoriales
décentralisées en tant qu'entités de l'Etat sont soumises
à des règles de limitation d'actions et ne possèdent pas
de pouvoir normatif distinct de l'Etat central. Cette restriction s'inscrit
dans le but de maintenir la cohésion du pays, d'éviter les
conséquences d'une mauvaise gestion et d'assurer l'unité
d'exécution des lois sur l'ensemble du territoire ; l'Etat exerce
un contrôle administratif qui porte souvent le nom de tutelle.
Selon le moment ou l'objet du contrôle, on distingue
quatre types de contrôle :
1. Le contrôle préventif,
quand l'Etat central intervient soit pour éliminer, soit pour
corriger, soit pour compléter une décision des
collectivités territoriales avant que cette décision devienne
exécutoire.
2. Le contrôle suspensif ou de
régularité qui s'exerce sur les décisions
déjà prises c'est-à-dire à posteriori.
3. Le contrôle supplétif,
l'Etat, dans le cadre de son rôle de réglementation, intervient
quand il constate une carence d'action de la part de l'autorité
locale.
4. Le contrôle concomitant, selon
François Labie, qui n'empêche pas absolument l'exécution de
la décision locale, sinon provisoirement, puisque l'autorité
locale peut modifier la décision pour la rendre applicable.
Dans la catégorie qui porte sur l'objet, il y a lieu
de distinguer le contrôle de légalité qui tient
compte du caractère légal de la décision ou de l'acte
posé par une collectivité, et le contrôle
d'opportunité qui porte sur le bien-fondé de la
décision ou de l'acte.
A l'analyse, les collectivités territoriales
sont passives de trois organes de contrôle : La
délégation départementale pour la tutelle administrative,
l'assemblée délibérante qui contrôle les actes
administratifs du conseil, la cour supérieure des comptes et du
contentieux administratifs (CSC/CA) pour le contrôle à la fois
administratif, budgétaire et financier.
b) exercice de la
tutelle
La notion de compétence propre attribuée aux
collectivités territoriales n'est pas synonyme d'autonomie propre, voire
d'indépendance, c'est-à-dire la non intervention de l'Etat
central. La constitution du 29 mars 1987, renforçant la
déconcentration, a donné plus de responsabilités au niveau
départemental en accroissant le rôle de coordination des
délégués. La loi du 6 septembre 1982 sur le statut
général de l'administration publique a déjà
prévu un délégué pour chaque département et
un vice délégué pour chaque arrondissement. Ils sont des
fonctionnaires de l'Etat rattachés hiérarchiquement au
ministère de l'intérieur.1 Ils sont
des exécutants des instructions émanant des membres du
gouvernement ; ils sont à la fois représentant du premier
ministre et de chacun des ministres pour l'exécution de leurs
compétences.
Le décret du 17 mai 1990 sur la
délégation, en son article 6, a diversifié les
attributions des délégués. Ces derniers veillent à
l'exécution des lois et règlements généraux et
à la tranquillité publique. Ils examinent les budgets et les
comptes des collectivités locales, les adressent au ministère de
l'intérieur avec leur avis. Enfin, ils surveillent la gestion
financière des collectivités territoriales.
A côté des délégations, une
partie du contrôle de tutelle est exercée au niveau central,
notamment par le ministère de l'intérieur, le ministère
des finances, chacun en ce qui le concerne. Ce type de contrôle est
purement administratif, il vise la légalité des
opérations, la conformité des instructions données et
l'appréciation du caractère économique et rationnel de
gestion.
Il est important de noter que dans certains pays, les
délégués n'ont pas d'autorité sur tous les services
ou organismes de l'Etat au niveau local. Seulement ils coordonnent leurs
activités, mais ne les dirigent pas.
c) le contrôle des
assemblées délibératives
La constitution du 29 mars de 1987, en ses articles 73 et
83, stipule que les conseils de sections communales, municipaux et
départementaux ont pour obligation de rendre compte de leur gestion
administrative à leur assemblées délibératives qui
elles mêmes en font un rapport au conseil départemental et
à l'administration centrale. Cette forme de contrôle,
appelé contrôle horizontal, est un moyen que donne la constitution
à l'assemblée de pouvoir sanctionner les actes administratifs des
conseils en tant que parlement de proximité.
d) le contrôle de la Cour Supérieure
des Comptes et du Contentieux Administratif
En plus de la délégation et
des assemblées délibérantes qui contrôlent les
conseils, la constitution de 1987 a établi la Cour Supérieure des
Comptes et du Contentieux Administratif comme un troisième organe de
contrôle. Elle est chargée du contrôle administratif et
juridictionnel des recettes et des dépenses étatiques, de la
vérification de la comptabilité des collectivités
territoriales.
Ainsi, il est institué deux séquences de
contrôle : contrôle interne et contrôle externe.
Le décret du 22 octobre 1982 en son article 49
prévoit l'apurement des comptes tous les trois mois, et ceci, par le
conseil élu lui-même, avant d'être apuré par la suite
par la CSC/CA ceci, conformément au décret du 4 novembre 1983.
Par contrôle externe, elle vérifie sur
pièces et sur place la régularité des recettes et
dépenses locales. Elle s'assure du bon emploi des crédits, fonds
et valeurs. Selon le cas, elle peut formuler des recommandations sur la gestion
des C.T en vue de limiter le brigandage et le gaspillage au niveau de
l'Administration publique territoriale.
En cas d'incurie et de malversations, des sanctions
administratives disciplinaires peuvent être prononcées par la
CSC/CA allant jusqu'à la dissolution du conseil et la mise en
débet de la comptabilité publique.
Tout au cours de ce deuxième chapitre, il a
été question d'étude de l'histoire du gouvernement local
en Haïti : son autonomie, son fonctionnement et sa cohabitation
avec le pouvoir central. En somme, c'était un résumé
partiel des orientations cadres des lois haïtiennes d'autonomie locale,
notamment avec la constitution de 1987. L'appareil étatique se
déconcentre puis se décentralise pour laisser libres champs
à la participation locale afin d'associer la population à la
gestion des affaires publiques où les gens de la localité cessent
d'être absents ou spectateurs des décisions publiques pour devenir
des acteurs ou décideurs de proximité !
La constitution du 29 mars 1987 déborde de bonnes
intentions en matière de décentralisation. Mais il existe un
décalage important entre les textes législatifs et la
réalité haïtienne quand à leur application sur le
terrain. Donc, l'enjeu de la modernisation du système local est encore
pendant et il persistera encore tant que ces nouveaux équilibres ne
seront pas réalisés ; ce que le troisième chapitre se
donnera pour tache de démontrer à travers les lignes qui vont
suivre.
CHAPITRE III
LA DECENTRALISATION TERRITORIALE FACE AUX
REALITES
SOCIO-POLITIQUES ET JURIDIQUES HAITIENNES
Le contenu du chapitre III nous permettra de bien comprendre
d'une part, les réalités sociales, politiques et juridiques des
collectivités territoriales et, d'autre part, les conséquences de
cette situation sur l'ensemble de la vie socio-économique du pays,
notamment sur l'évolution des Collectivités Territoriales. Donc,
à la fin de ce chapitre, le lecteur sera capable de :
1. Identifier les éléments qui constituent le
blocage de l'évolution des Collectivités Territoriales et d'une
décentralisation réelle en Haïti.
2. Constater et comprendre les résultats
négatifs de ce blocage.
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