SECTION I.-
LE BILAN DES CONSTATATIONS
L'étude de la réalité des
collectivités Territoriales Haïtiennes est ici envisagée
comme une toile de fond à notre travail de recherche qui entend
informer le grand public de cette situation critique dans laquelle
évoluent les collectivités territoriales. Ce travail vise aussi
á sensibiliser les acteurs sur les éléments qui
engendrent cette situation critique et empêchent la concrétisation
des voeux et des recommandations de la constitution de 1987.
A. - POINT DE VUE JURIDIQUE
La Constitution haïtienne de 1987 est animée de
très bonnes intentions en matière de décentralisation et
de collectivités territoriales. Elle définit les grandes lignes
qui devraient être complétées au fur et à mesure par
la diligence d'un exécutif qui veillerait au respect et à
l'exécution de ses règles et d'un législatif qui
légiférerait à chaque fois que le besoin se fait sentir.
Malheureusement, tel n'est pas encore le cas. Il faut préciser aussi
qu'il existe des germes de confusions au sein même de cette
constitution.
Outre le flou relatif à des lois de
réglementation et de programmation sur les collectivités
territoriales, il y a le problème de compétences administratives,
devant définir le rôle de chaque acteur en distinguant les
affaires locales relevant des collectivités territoriales des
affaires nationales relevant de l'Etat central. Donc, il y a lieu
d'établir le degré d'autonomie à accorder à
chaque pallier, le type de contrôle à exercer. II existe aussi un
problème d'ordre conceptuel à résoudre par exemple :
Collectivité territoriale, Décentralisation,
Déconcentration, Décloisonnement, Compétences
administratives, Autonomie locale, entité territoriale, division
territoriale.
1.- CARENCE DE LOIS DE REGLEMENTATION.
A remarquer que les articles 61.1, 63, 69, 75, 82, 86 et 87.5
exigent des lois de programmation qui devraient réglementer le mode de
fonctionnement et d'organisation des collectivités territoriales.
Malheureusement la 44ème législature n'a pas pu, faute
de temps, réaliser grand-chose, elle n'a fait qu'ébaucher la
question. La 45ème, en décembre 1991, a adopté
une loi sur les CASEC et a voté en novembre 1992 une proposition de loi
qui n'a été appliquée que pour la formation du Conseil
Electoral Provisoire d'alors. La 46ème législature qui
a eu la plus longue vie au parlement, n'a pas pu comme escompter, doter le
pays des lois cadres y relatives capables de combler les lacunes
accumulées durant ces trois législatures. Il revenait à
la 47ème législature de prendre en main la
destiné des collectivités territoriales, cependant, elle a
été au départ contestée et frappée d'une
certaine illégitimité qui a engendré une crise politique
sans précédente. Alors, il appartiendra à la
48ème et à celles qui vont suivre d'apporter des notes
nouvelles capables d'orienter rationnellement les collectivités
territoriales Haïtiennes à la dimension si attendue ; et au
pouvoir exécutif, de comprendre la nécessité de prioriser
cette institution porteuse d'espoir et de changement par la mise en place des
dispositions profitables à l'épanouissement effectif des
collectivités territoriales.
En outre, certaines fonctions assurées dans l'ancien
régime par l'omnipotent chef de section ne sont pas redéfinies
dans le nouveau contexte démocratique où les structures
prévues par la loi ne sont pas encore mises en place. Par exemple, au
niveau des sections communales, des frictions se produisent couramment entre
les membres des CASEC et les agents de la police par manque d'une
délimitation claire de leurs fonctions.
2.- CONTROVERSISME DES TEXTES
CONSTITUTIONNELS.
Au chapitre I du titre V, l'article 61 énumère
trois collectivités territoriales. Mais si l'on s'en tient à
l'intitulé de ce chapitre I et aux différentes sections qui y
sont contenues, on peut conclure que le charte de 1987 a fait de
l'arrondissement une quatrième collectivité territoriale du fait
que ce dernier apparaît à la section C qui est
une section figurant au chapitre I intitulé « Des
Collectivités Territoriales et de la
Décentralisation ». En effet, la section qui concerne
l'Arrondissement ne devait pas figurer au chapitre traitant des
Collectivités Territoriales. II faut aussi souligner que les
constituants de 1987 ont fusionné les deux concepts de
décentralisation et de déconcentration dans un seul chapitre sous
la dénomination unique « des Collectivités
Territoriales et de décentralisation » , alors que ces deux
concepts ont des significations tout à fait différentes. C'est
au point même qu'ils font figurer la Section E « Des
délégués et vice délégués
» et la Section C « De l'Arrondissement » au
chapitre I dont le titre traite exclusivement de la
« Décentralisation », tandis que ces deux sections
concernent plutôt la déconcentration. A cet effet, il convient
à une nouvelle constitution d'apporter les clarifications
nécessaires.
Cette forme de confusion qui traverse la charte du 29 Mars,
ne s'étend pas seulement au nombre de collectivités
territoriales, mais aussi persiste au niveau de la terminologie. L'article 87.4
fait mention de : Décentralisation, déconcentration et
décloisonnement sans les définir. A L'article 62, trois
définitions sont données aux collectivités
territoriales : entité territoriale
administrative, division administrative, division
territoriale. La commune reste une forme flou et vide en terme de
définition. Dans ce cas, des concepts d'ordre administratif et juridique
sont mélangés maladroitement par les constituants de 1987
laissant alors, libre cour aux politiciens d'en fixer leur propre perception et
d'en profiter à leur gré.
Ensuite, l'article 66 fait mention de l'autonomie
administrative et financière de la commune et
l'article 77 parle de l'autonomie du département tandis que, nulle part,
l'autonomie des sections communales n'est mentionnée. Cette
imprécision entraîne deux questions majeures : les sections
Communales sont-elles financièrement et administrativement
autonomes ? Sont-elles subordonnées aux communes ? En
réponse, il apparaît que les Sections communales ne sont pas
autonomes administrativement et financièrement puisque la charte de 1987
n'en fait pas mention. Par conséquent, le retrait de l'autonomie
financière et administrative aux sections Communales leur enlève
le statut de Collectivité Territoriale. C'est comme si les sections
communales ne sont pas de vraies collectivités Territoriales dans toutes
les acceptions de ce terme. Le problème se trouve également
à la dimension politique des collectivités territoriales.
L'article 63.1 fait état d'une assemblée de la section
communale (ASEC) sans déterminer le nombre ni
la durée de son mandat. Il en est ainsi de l'assemblée municipale
formée d'un représentant de chaque section communale sans
précision de leur mode de désignation et de leur
caractéristique. L'article 80 n'a pas non plus précisé la
duré et la nature du mandat de l'assemblée départementale
(AD)
Une autre observation se rapporte à
l'article 90 qui dit ce qui suit : chaque
collectivité municipale constitue une circonscription
électorale et élit un
député. Conformément à cette disposition,
on devrait avoir constitutionnellement 133
députés au lieu de 83, car on a, selon cette
même constitution 133 collectivités municipales
Il est important de faire remarquer, des 83
députés élus pour l'ensemble des collectivités
municipales de la République, seulement 33 représentent une (1)
collectivité municipale ; 37 d'entre eux représentent deux
(2) communes, huit (8) pour trois communes, quatre (4) sont mandatés
par les électeurs d'une seule commune et d'un quartier ; et enfin,
un (1) pour les intérêts d'une commune et deux (2)
quartiers ; commune de Petit Trou de Nippes et des quartiers de la
Valée de Plaisance et de Lièvre dans le département de la
Grande Anse. Cette répartition arbitraire forgée par la
géohistoire n'est pas de la constitution mais issue des dispositions
administratives et politiques souvent sources de conflit et de
contestation.
Le département, entité ayant le statut le
plus ambigu, est proclamé autonome par l'article 77 de
la Constitution, sans déterminer ni préciser le champ et la
limite de cette autonomie. L'article 78 fait état d'un conseil
départemental (AD) élu pour quatre (4) ans par l'assemblée
départementale, tandis qu'à l'article 84, il est prévu
qu'en cas de dissolution de ce conseil, le Conseil Electoral peut être
saisi pour renouveler ce conseil qui n'a pas été
élu au suffrage universel préalablement. Deux modes de suffrage,
l'un indirect et l'autre direct, sont attribués à
l'élection d'un seul et même conseil. Quel antagonisme ?
1.-La constitution Haïtienne de 1987, chapitre II, pourvoir
législatif, Art 90
Donc, la constitution haïtienne de 1987,
perçue comme le symbole d'un ordre nouveau pour le peuple haïtien,
contient malheureusement des germes d'irréalisme et de controverse.
C'est pourquoi, le but de ce travail est de stimuler une large réflexion
pour élucider, harmoniser et proposer un cadre constitutionnel
nouveau pouvant aider rationnellement á tous ceux qui
s'intéressent à la question des collectivités
territoriales, soient : lecteurs, candidats, politiciens et
administrateurs vers la mise en chantier d'une véritable reconstruction
des collectivités territoriales en Haïti.
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