II.2.2. La conformité des APE aux règles de
l'OMC en son article XXIV
Comme nous l'avons expliqué précédemment,
l'Accord de Cotonou stipule explicitement et à plusieurs reprises, que
les nouveaux accords commerciaux doivent impérativement se conformer aux
règles de l'OMC. Ainsi, pour être conforme aux règles de
l'OMC, les Accords de partenariat économique sont conçus
comme des zones de libre-échange basés sur le principe de
réciprocité afin de répondre aux
76 L'Accord de Cotonou fixe la fin des négociations au 31
décembre 2007 car cette date correspond à l'expiration de la
dérogation qu'ils ont obtenue de l'OMC pour le maintien des
préférences tarifaires.
exigences de l'article XXIV de l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). En créant des zones de
libres échanges conformément à l'article XXIV du GATT,
l'UE bénéficie d'une des exceptions77 prévues
par la clause de la Nation la plus favorisée (article 1 du GATT).
En vertu de l'article XXIV du GATT, on entend par zone de
libre échange « un groupe de deux ou plusieurs territoires
douaniers entre lesquels les droits de douane et les autres restrictions
commerciales restrictives (...) sont éliminés pour
l'essentiel des échanges commerciaux portant sur les
produits originaires des territoires constitutifs de la zone de
libre-échange » (article XXIV, § 8 b). La formation de
zones de libre-échange doit en outre répondre à diverses
conditions stipulées à l'article XXIV du GATT. Il est ainsi
prévu que les droits de douane et autres réglementations doivent
être éliminés entre pays participants pour «
l'essentiel de leurs échanges commerciaux
». En outre, l'article XXIV précise que tout accord
provisoire doit comprendre un plan et un programme pour son
établissement « dans un délai
raisonnable (article XXIV, § 5 c)
». Comme l'explique Benoît FaivreDupaigre
dans son article, le GATT n'oblige pas à une réciprocité
totale et permet qu'une partie des échanges ne soient pas
libéralisés78. Ainsi, si une marge de manoeuvre existe
pour les pays ACP signataires des APE, l'auteur fait cependant remarquer que
« conformément à l'article XXIV, cette exclusion
ne peut concerner un secteur tout entier79 ».
L'auteur explique ainsi qu'il n'est pas possible de la part d'un pays ou d'un
groupe de pays, d'envisager l'exclusion de la libéralisation de
l'ensemble du secteur agricole80.
En outre, l'article XXIV ne prévoit ni la
méthode de quantification, ni la proportion d'échanges qui
doivent être libéralisés entre les parties (sous forme de
volume, de seuil tarifaire, de pourcentage d'échange, etc.). Ainsi le
caractère imprécis de ces dispositions
soulève des conflits d'interprétation lors des
négociations des APE. Nous étudierons ainsi dans une partie
ultérieure que, pour l'UE, l'essentiel des échanges
signifie que 90 % de la valeur totale des échanges entre les
parties soit
77 L'autre possibilité de déroger à la
clause de la nation la plus favorisée, est la création d'Union
douanière en vertu de l'article XXIV du GATT. Une union douanière
implique l'adoption d'un tarif extérieur commun à l'ensemble des
pays qui y participent, et à l'adoption par ceux-ci de
réglementations commerciales identiques en substances. Comme l'explique
Daniel Van der Steen dans son étude, les fondateurs du GATT ont
estimé que la création de zones de libre-échange et
d'unions douanières serait une étape vers la
libéralisation au bénéfice de l'ensemble des membres du
GATT. Voir : VAN DER STEEN, D., DANAU, A., L'Accord de partenariat
économique (APE) entre l'Afrique de l'Ouest et l'Union
européenne. Quels enjeux pour les exploitations paysannes et
familiales ?, Collectif Stratégies Alimentaires asbl (CSA),
Bruxelles, octobre 2006, p.28.
78 FAIVRE-DUPAIGRE, B., HERMELIN, B., RIBIER, V., Quelle
marge de manoeuvre pour les produits agricoles sensibles dans le cadre des APE
?, Synthèse du Colloque organisé par la FARM les 28 et 29
novembre 2006, 21 décembre 2006, p. 50.
79 Ibid.
80 Benoît Faivre-Dupaigre explique que le choix des
produits « sensibles » à exclure de la libéralisation
reste une question cruciale à régler au niveau des blocs
régionaux. Selon l'auteur, cela suppose que chaque pays identifie ses
principaux produits sensibles, puis se concerte avec les autres pays de la sous
région pour établir la liste des produits sensibles à
négocier avec l'Union européenne. Voir : Ibid.
libéralisée alors que les pays ACP sont
favorables à une révision de l'article XXIV du GATT. Aussi, l'UE
estime qu'une période de 10 ans est un délai raisonnable
pour le démantèlement tarifaire conduisant à la
libéralisation de l'essentiel des échanges alors que les pays ACP
plaident pour un délai plus long.
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