1.2.1.2 Le triple levier du LBO
Le concept central38 est l'accroissement de la
rentabilité des fonds propres grâce à une hausse de
l'endettement financier, si la rentabilité du capital économique
est supérieure au coût des dettes financières :
ROE = (ROCE + (ROCE - i) x (D/FP)) x (1 - t)
Levier financier levier fiscal
avec ROE : rentabilité des fonds propres (Return on
Equity)
ROCE : Rentabilité économique (Return on Capital
Employed)
D : dette
FP : fonds propres
t : le taux d'imposition
i : taux d'intérêt de la dette
On reprend dans l'équation précédente la
formulation traditionnelle de l'effet de levier, à savoir : ROE = ROCE +
(ROCE - i) x D / FP, mais en y un intégrant l'effet de levier fiscal,
matérialisé par (1 - t) dans la mesure où la
fiscalité réduit le coût réel des frais
financiers.
De plus, le passage de la rentabilité de l'actif
économique (ROCE) à celle des fonds propres (ROE), suppose
d'intégrer la fiscalité. En effet, en l'absence d'endettement et
donc d'intérêts financiers, l'actif économique est
égal aux fonds propres39, le résultat net
correspondant au résultat d'exploitation moins l'impôt, soit :
ROE = Res net / FP = Rex (1- IS) / FP = ROCE (1 - IS)
38 Ch. Thibierge - Ph. Thomas - L'effet de levier :
une relecture opérationnelle à destination des décideurs
financiers d'entreprise - Cahier de recherche ESCP n° 97-135
39 En supposant l'absence d'actif financier
résiduel
1.2.1.2.1 Le levier financier
On reprend ici la théorie financière classique
selon laquelle lorsque la rentabilité d'un investissement est
supérieure au coût de son financement, il y a création de
valeur. Concrètement, si la rentabilité économique de
l'entreprise, mesurée par le rapport entre son résultat
d'exploitation et les capitaux investis, est supérieure au taux
d'intérêt des emprunts après impôt, le financement de
l'entreprise par endettement crée de la valeur pour
l'actionnaire40.
C'est la théorie classique du levier financier, que
l'examen empirique nuance néanmoins41.
Le levier se mesure par le rapport entre dette et fonds
propres, que l'on qualifie souvent de bras du levier. D'autre part, le
différentiel de rentabilité sera mesuré par la
différence entre la rentabilité économique de la cible et
le coût de la dette levée.
L'effet de levier sera alors la produit du différentiel
par le « bras du levier », plus ce dernier sera fort, plus le
rentabilité des fonds propres sera élevée.
Bien évidement, cela s'accompagne logiquement d'une
hausse du risque, qui à terme doit accroître le coût de
l'endettement (le taux devant intégrer le niveau de risque de
défaut, qui augmente avec la hausse de la dette).
Ainsi, dans le cas du LBO, les free cash flows
dégagés par la cible permettront de faire face au service de la
dette. Si jamais en revanche, la rentabilité de la cible devenait
moindre que le taux d'intérêt de la dette d'acquisition, l'effet
de levier se transformerait en effet de massue, détruisant de la valeur
pour l'actionnaire.
40 Cette théorie sert de base conceptuelle
à la compréhension des montages financiers à effet de
levier, même si elle a fait l'objet de nombreuses critiques :
- On doit considérer que l'entreprise en dispose pas de
trésorerie, qui fausse l'équation (sans quoi on compte
la trésorerie dans l'actif économique, mais pas
les produits financiers dans le résultat d'exploitation) - On
résume les frais financiers aux charges d'intérêts sur la
dette financière, ce qui semble réducteur - On considère
que le passif est composé de capitaux propres et de dettes
financières (portant intérêt) mais on
oublie les dettes d'exploitation, pourtant importantes dans tout
bilan d'entreprise (le problème étant qu'elles
ne portent pas intérêt)
- On néglige la hausse de rentabilité exigée
du fait de l'accroissement du risque du à la hausse de la dette, remise
en cause centrale initiée par Modigliani-Miller
- On n'a pas de congruence parfaite du résultat comptable
et du résultat fiscal, tel que retenu par l'administration
41 Ch. Thibierge - Ph. Thomas - L'effet de levier :
une relecture opérationnelle à destination des décideurs
financiers d'entreprise - Cahier de recherche ESCP n° 97-135
Le principal risque dans ce type de montage est de ne pouvoir
faire face au service de la dette, les cash-flows futurs ayant
été surévalués dans le business plan initial. Dans
ce cas, c'est l'ensemble du montage qui se trouve remis en question.
Afin de mesurer la rentabilité d'un LBO, on utilise le
TRI, c'est-à-dire le taux de rentabilité interne, à savoir
le taux d'actualisation qui permet d'égaliser d'un côté la
somme des cash-flows futurs et la valeur de sortie, d'autre part le montant de
l'investissement initial. C'est une donnée clef qu'examinent très
attentivement les fonds d'investissements avant d'entrer dans le moindre
montage, ceux-ci attendant souvent un TRI à moyen terme de l'ordre de 15
à 20%42.
Seuls les cash-flows doivent être pris en compte dans
cette perspective, la loi disposant qu'une « société ne peut
avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une
sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres
actions par un tiers » selon l'article L 225-2 16 du Code de commerce
(auparavant art 217). En résumé on ne peut payer la cible avec
ses propres actifs (trésorerie, immobilisations...).
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