3.2.3 Des alternatives possibles à
l'intégration fiscale ?
Nous l'avons dit, l'intégration fiscale
représente en soi la meilleure technique d'optimisation fiscale des
montages à effet de levier. Pour autant, dans la mesure où cette
technique est, en soi,
161 Pechberty, Matthieu - Les banques peinent à placer la
dette LBO - La Tribune - 26 Juillet 2007
162 François Vidal - Les fonds LBO et leurs banques
victimes à leur tour de la crise du « subprime » Les Echos -
26 juillet 2007
prohibée dans le cadre des OBO, sous peine de devoir
réintégrer une partie des charges financières même
bien après la fin du remboursement de la dette d'acquisition, des
solutions alternatives se révèlent indispensables. Le but
visé est en l'espèce de rétablir le levier fiscal.
Plusieurs options peuvent être examinées dans cette
perspective.
3.2.3.1 Le régime mère fille.
Ce régime est autorisé dès lorsqu'une
société-mère, imposée à l'IS détient
plus de 5% des titres de l'une de ses filiales. La filiale doit elle-même
être imposée à l'IS. Ce régime porte alors sur
l'ensemble des produits reçus de cette même filiale.
Les dividendes régulièrement distribués font
alors l'objet d'une exonération d'imposition au niveau de la
société mère.
Ce mécanisme vise à assurer la libre circulation
des dividendes au sein d'un groupe, ce que rendrait impossible une imposition
de ceux-ci au sein de chacune des entités par lesquelles ils «
transiteraient ».
Si ce régime présente l'avantage de ne pas
entraîner de double imposition des dividendes, il ne permet pas en
revanche de compensation des pertes de la holding et de la cible. A ce titre,
cela ne rétablit pas le levier fiscal recherché.
En effet, dans ce cadre, le résultat fiscal de la
holding sera mécaniquement nul, celle-ci n'ayant pas d'activité
propre. Aussi sera-t-elle dans l'impossibilité d'imputer les frais
financiers liés à la dette d'acquisition.
En conséquence, si ce régime est très utile
dans le cadre de participations minoritaires détenues par une
société mère quelconque, il ne présente aucun
intérêt dans le cadre précis d'un OBO.
3.2.3.2 La fusion rapide.
Cette solution est longtemps apparue comme une parade
efficace, quoique risquée, à l'amendement Charasse.
Néanmoins, depuis le 1er janvier 2006, l'absorption de la
cible par la holding ne constitue plus un cas de sortie du dispositif de
l'article 223 B du CGI163.
Jusqu'à présent, la fusion absorption de la cible,
qualifiée de fusion rapide, entraînait une sortie du groupe de
celle-ci.
Cette solution présentait l'avantage de simplifier le
montage, d'assurer une utilisation plus rapide des bénéfices
réalisés et des ressources de la cible afin de faire face
à la dette d'acquisition. On a donc une imputation directe des frais
financiers liés au montage sur le résultat imposable de
l'ensemble.
L'effet de levier fiscal fonctionnait alors
intégralement.
Toutefois, cette opération peut se révéler
réellement risquée, une visée exclusivement fiscal pouvant
entraîner la requalification en abus de droit.
La première source d'interrogation repose sur la
licéité de l'utilisation des ressources de la cible pour faire
face à un emprunt contracté en vue de l'acquisition de ses
propres titres. Comme expliqué dans la seconde partie de cette
thèse, l'article 2 17-9 du Code de commerce l'interdit formellement.
Dans ce cadre, une véritable justification de cette fusion
par des considérations économiques, liées à
l'exploitation de la cible, doit exister.
En revanche, ce sont les implications fiscales qui
présentent dans notre perspective le plus d'intérêt. En la
matière, le risque majeur est celui de l'abus de droit, la fusion
étant considérée n'avoir eu lieu que dans le but de
diminuer l'IS global.
L'administration fiscale portera donc une attention toute
particulière à la réalité de la fusion, ainsi
qu'aux raisons qui ont conduit à y avoir recours. Dans ce cadre, un
certain nombre de critères fera l'objet d'un examen attentif en vue de
déterminer la licéité de la fusion-absorption
réalisée.
163 CMS Francis Lefebvre - L'Amendement Charasse et les
opérations de fusion-acquisition
Néanmoins, si cette solution a toujours fait l'objet d'un
débat entre praticiens, la loi de finance pour 2005 a tranché
cette question pour ce qui est des OBO.
Dorénavant, la fusion de la cible et de la holding
entraînera de fait la réintégration d'une quote- part des
frais financiers pendant 9 ans. Cela n'a donc plus aucun intérêt
pour rétablir le levier fiscal.
L'intégration fiscale ne semblant pas possible, la
fusion rapide ne constituant pas une solution, et le régime mère
fille ne permettant pas de compensation, il convient de rechercher des
mécanismes permettant de bénéficier des effets de
l'intégration fiscale hors de ce cadre spécifique.
Jusqu'à présent, l'Instruction administrative du
3 août 2000 (BOI 4-I-2-00 §17 et s.) faisait en effet peser sur les
opérations de fusions rapides le risque de contestation de la
déductibilité des frais d'acquisition sur le fondement à
la fois de l'abus de droit et de l'acte anormal de gestion164.
Depuis la loi de finance pour 2005, cette option ne permettait plus de
contourner l'amendement Charasse. Pour autant, face à la multiplication
ces dernières années de LBO secondaires, le problème
n'était pas en ce qui les concerne, l'amendement Charasse mais bien la
qualification d'acte anormal de gestion.
L'administration s'est donc récemment prononcée
sur cette question, par la voie du rescrit. Interrogée sur une
éventuelle remise en cause de la déductibilité des frais
financiers en cas de fusion rapide entre deux sociétés
holdings, elle a donc été amenée à réviser
sa position antérieure.
Un groupe fait l'objet d'une acquisition, lors de l'année
N par une société holding ad hoc, H, qui se porte
acquéreur de 100% du capital de la société mère,
M.
M est elle-même une société holding qui
détient les sociétés opérationnelles du groupe.
Au début de l'année N + 1, la
société H absorbe la société M (cas typique de
fusion rapide), ce
164 Albane Sevin et Audrey Comte - Fusion rapide :
déductibilité des frais financiers liés à
l'acquisition - Assouplissement de la doctrine en matière de LBO
secondaire (Rescrit 2007/48 du 23 octobre 2007) - Lettre de la Fiscalité
Baker & McKenzie - Novembre 2007
qui lui permet de devenir société mère du
nouveau groupe fiscal, ceci à la date de l'effet rétroactif de la
fusion, soit le 1er janvier N + 1.
Jusqu'ici, en application de la doctrine administrative
exposée dans l'instruction du 3 août 2000 (BOI 4-I-2-00 §
17), une opération d'acquisition d'une société suivie de
sa fusion pouvait être remise en cause :
- conformément à la procédure de
répression des abus de droit
- ou sur le fondement de l'acte anormal de gestion
Le rescrit fiscal en question précise donc que «
la qualification fiscale de l'opération doit résulter de la prise
en considération d'un faisceau d'indices cumulatifs ou alternatifs,
parmi lesquels le délai séparant l'acquisition de la fusion, le
niveau de capitalisation de la société holding de reprise,
l'importance des dettes d'acquisition subsistant au moment de la fusion par
rapport au financement initial, l'exercice ou non par la société
cessionnaire avant la fusion d'une activité autre que la
détention des titres de la société acquise165.
»
Dans le cas précis qui nous intéresse,
s'agissant d'une opération de LBO secondaire, la
déductibilité des frais financiers engagés par la
société holding de rachat, H, ne sera pas remise en cause sur le
fondement de l'instruction précitée dès lors que les
conditions suivantes seront cumulativement réunies166 :
- la fusion des deux sociétés, H et M,
n'entraîne pas de rupture dans l'application du régime fiscal des
groupes de sociétés prévu à l'article 223 A du CGI,
de sorte que l'opération de fusion n'a pas pour objet de compenser
fiscalement des résultats en dehors du cadre légal du
régime de groupe;
- le capital de la société absorbée, M,
ne comprend aucun intérêt minoritaire susceptible d'être
lésé par l'opération de fusion (dès lors que la
société absorbante, la société H, détient la
totalité du capital de la société absorbée);
165 Rescrit, ministère de l'économie et des
finances, 23 octobre 2007, n° 2007/48 (fiscalité des
entreprises)
166 Idem
- l'opération de fusion ne concerne que des structures de
financement et n'entraîne par conséquent aucun appauvrissement des
sociétés opérationnelles
Ceci permet donc l'alléger de manière
substantielle le fonctionnement des montages de LBO secondaires, voire
tertiaires. En effet, ceci permet non seulement de compenser les
bénéfices de la holding originelle avec les déficits de la
holding d'acquisition mais aussi d'éviter une remontée
inutilement longue.
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