2.3.4 OBO et société cotée.
Une étude complète portant sur les montages d'OBO
ne peut faire l'économie d'une analyse de la problématique
particulière que constituent dans ce domaine les sociétés
cotées.
Ces opérations font alors face à des enjeux
supplémentaires, propres aux sociétés faisant appel public
à l'épargne. Même minoritaires, ces cas présentent,
en particulier d'un point de vue juridique, un intérêt tout
particulier.
Un dichotomie absolue semble au premier abord porter sur ces deux
notions.
En effet, comment concevoir que l'on rachète à
soi-même (ce que constitue un OBO) des titres qui sont déjà
dans le public ?
De même, l'OBO appartient par essence au domaine du Private
Equity, dont la spécificité est de concerner des
sociétés non cotées.
Enfin, ce type de montage porte avant tout sur des PME ou des
entreprises familiales, dont l'introduction en bourse constitue souvent une
alternative en soi à un LBO (ou à un OBO).
Pour autant, même si les cas de LBO portant sur des
sociétés cotées sont rares et que les OBO sur ce type
de cibles le seront encore plus, cette question mérite d'être
abordée. L'OBO pourrait,
dans ce cadre être une solution de P-to-P (Public to
private), opérations pratiquées en ce moment même sur de
très fortes capitalisations122.
On constate actuellement des rendements boursiers nettement
inférieurs à ceux enregistrés dans le domaine des LBO.
Après une période où l'introduction en bourse semblait
être une sorte de consécration pour les PME, il semble que la
mode, d'une certaine manière, soit passée aux LBO.
Ainsi, un OBO a été réalisé sur la
société cotée Gérard Perrier Industrie. A travers
ce montage, le fondateur, Gérard Perrier reprend le contrôle (51%
de la holding contre 46,5% du groupe auparavant) de l'équipementier
électronique.
Un fonds d'investissement, Sigefi PE (Siparex), prend 32,5% du
capital de la holding, alors que le management en acquiert
10%123.
Le groupe se trouve donc contrôlé à 50,1%
par la holding SFGP (Société financière Gérard
Perrier), cette dernière l'étant par le fondateur. La
levée d'une dette d'acquisition permet de reprendre le contrôle de
la majorité des titres sur le marché.
Ce montage répond bien aux logiques mises en avant dans
la première partie de cette thèse, comme le souligne la direction
du groupe : « Gérard Perrier souhaitait réorganiser
l'actionnariat afin de préparer au mieux la pérennité de
l'entreprise dans la perspective d'une future transmission124
».
A l'inverse, un OBO peut aussi conduire à faire sortir une
société de la cote.
C'est le cas de Staci, spécialiste de la gestion des
achats et de la logistique des supports de vente. Groupe coté à
la base, et contrôlé par son fondateur, Jean-Pierre Masse, Staci a
fait l'objet d'un OBO en 2004, les titres sur le marché faisant l'objet
d'un rachat par une holding détenue par le dirigeant (48,30%), le fonds
Initiave & Finance (37,6%) et les cadres de l'entreprise (14,10%).
En toute logique, cette opération s'est traduite par un
retrait de la cote du groupe, introduit en bourse en novembre
1998125.
122 Elsa Conesa - Les fonds d'investissement s'intéressent
aux actifs cotés - Les Echos - 2 janvier 2007
123 Sigefi PE engrange 40,1 MEuro(s) de plus-values brutes -
Capital Finance - 19 septembre 2005
124 Sigefi PE entre dans le groupe coté Gérard
Perrier Industrie - Capital Finance - 19 sepembre 2005
125 Reuters - Staci - Placement global sursouscrit 5,5 fois - 19
novembre 1999
Un nouveau LBO, entraînant cette fois-ci le
contrôle du groupe par un fonds, Astorg Partners126 a eu lieu
en 2006, montrant que des montages à effets de levier successifs peuvent
apparaître comme une réelle alternative aux marchés
financiers directs. Le dirigeant historique de même que les principaux
cadres restent présents au tour de table, de même que le fonds
ayant réalisé l'OBO initial. Pour Jean-Pierre Masse, c'est donc
la troisième opération portant sur la structure du capital de son
entreprise réalisée en l'espace de 8 ans127, cette
fois-ci en tant qu'actionnaire minoritaire.
Dans ce cadre, la participation en question vise avant tout
à assurer le développement de l'entreprise, par des moyens
financiers supplémentaires.
Dans l'un comme l'autre de ces exemples, l'OBO apparaît
comme un moyen dont dispose l'entrepreneur pour redéfinir le niveau de
son implication financière dans son entreprise.
Fondamentalement, de telles opérations soulèvent
une question majeure : le lancement d'une OPA risque-t-il d'être rendu
obligatoire par la mise en place de l'OBO, celui-ci portant sur des blocs de
titres importants128. Le seuil de déclenchement étant
fixé à un tiers, toute opération de haut de bilan porte en
général sur une proportion du capital plus
élevée.
En effet, l'article 234-2 du Règlement
général de l'AMF précise que « lorsqu'une personne
physique ou morale, agissant seule ou de concert au sens de l'article de233-10
du code de commerce, vient à détenir plus du tiers du capital ou
des droits de vote d'une société, elle est tenue à son
initiative d'en informer immédiatement l'AMF et de déposer un
projet d'offre visant la totalité du capital et des titres donnant
accès au capital ou aux droits de vote, et libellé à des
conditions telles qu'il puisse être déclaré conforme par
l'AMF ».
Dans le cas d'un actionnaire détenant la majorité
du capital d'une société cotée, un OBO portant sur ses
titres peut lui permettre de réaliser une partie de son patrimoine tout
en conservant le
126 Dominique Malecot - Le fonds Astorg va accompagner le
logisticien Staci dans son expansion - Les Echos - 25 septembre 2006
127 LBO en série - Capital Finance - 28 août 2006
128 Noro-Lanto Ravisky - Owner Buy Out : le LBO à double
détente - Stratégie, Finance & droit - 15 novembre 2005
contrôle de l'entreprise. La première condition
réside dans la capacité à actionner le levier financier
par un contrôle suffisant de la cible, pour pouvoir faire face à
la dette d'acquisition. Cette condition validée, il faut éviter
que l'opération d'ingénierie financière n'oblige à
lancer une OPA, résultat qui serait in fine catastrophique pour
l'actionnaire majoritaire.
En l'occurrence, il est possible d'échapper à
cette obligation, si l'on répond à l'un des 7 critères
établis par l'article 234-8 du Règlement de l'AMF. Les
opérations de fusions, ou d'apport de titres permettent de
déroger à l'obligation de déposer une offre publique.
Le concept central est au regard de ces différents
articles, celui de contrôle de la cible. Si le contrôle n'est pas
modifié, alors la mise en place d'une holding comme intermédiaire
de détention des titres ne devrait pas entraîner l'application de
l'article 234-2. Concrètement, cela suppose que les actionnaires
majoritaires de la cible restent prédominants au niveau de la
holding.
Il appartient alors à l'AMF, et à elle seule de
constater que la holding n'est pas tenue de déposer une offre publique
d'achat portant sur le reste des titres. L'enjeu est alors de dépasser
le cadre précis des critères de l'article 234-8 au profit d'une
interprétation plus large accordant une place centrale à la
notion de conservation du contrôle, essence même de l'OBO.
Dans ce cadre précis, dont on doit reconnaître
que ces contours quelque peu indéfinis présentent des risques, il
est alors possible de conserver le contrôle d'une cible faisant l'objet
d'un LBO tout en bénéficiant de la liquidité des
marchés financiers.
Le montage vise alors, à moins qu'un retrait de la cote
ne soit visé, à monter un LBO sur 51% des titres, ou sur le bloc
conservé par l'actionnaire majoritaire. Un fonds entrera au capital de
la holding, le financement final sera complété par des dettes
classiques. Le dirigeant conservera donc le contrôle de la cible. D'un
point de vue juridique, une extrême vigilance devra être
portée au respect des droits des minoritaires, ceux-ci faisant l'objet
d'une protection particulière dans le cadre des sociétés
faisant appel public à l'épargne. C'est une situation où
l'on peut maximiser le levier juridique, les minoritaires au niveau de la cible
provenant directement du marché boursier.
Hors levier financier, le contrôle pourra être
assuré par une participation de l'ordre de 26% de la valeur de la cible,
dans le cas d'une société déjà cotée.
Néanmoins, la double pesanteur de la cotation en bourse et
de la réalisation du business plan de l'OBO peut se
révéler excessive pour des cibles de dimension
moyenne129.
Par ailleurs, un tel montage suppose un niveau de dividendes
élevé, dividendes dont une partie sera distribuée aux
actionnaires minoritaires, privant l'entreprise de ressources sans servir pour
autant au remboursement de la dette.
Quoiqu'il en soit, si ce cas reste par essence marginal, il
n'en demeure pas moins intéressant. De plus, il montre combien l'OBO
peut être une réponse ingénieuse à des contextes
spécifiques, comme ceux rencontrés par Gérard Perrier
Industrie ou Staci.
129 Marie Lafourcade - La Bourse de Paris ne fait plus
rêver, la concurrence des fonds d'investissement s'intensifie - La
Tribune - 26 Novembre 2004
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