2.1.4.2 Optimiser la trésorerie.
L'un des enjeux auxquels sont confrontés les dirigeants
actionnaires de PME en France est l'optimisation de l'utilisation de la
trésorerie générée par l'exploitation. En effet, la
distribution de celle-ci se révèle en général
très coûteuse, puisqu'elle s'effectue sous forme de dividendes. La
fiscalité applicable étant lourde, les actionnaires familiaux
préfèrent souvent limiter la distribution de dividendes. Il
convient par ailleurs de garder à l'esprit que bien souvent certaines
des dépenses des dirigeants sans lien avec l'activité de
l'entreprise sont supportées par celle-ci. La distribution de dividendes
élevés est dans ce cadre d'un intérêt
limité.
En revanche, si la distribution de la trésorerie
disponible peut se révéler coûteuse, la rentabilité
de la trésorerie conservée dans la société est
beaucoup plus faible que la rentabilité économique de
l'entreprise. Elle est donc inutile.
Cette trésorerie historique ne présente pas
d'intérêt pour les fonds d'investissement, dans la mesure
où ils n'en auraient pas l'utilité directe et où elle
ferait ainsi baisser leur ROE futur87. Dans le cas d'une cession de
l'entreprise, la trésorerie ne sera pas valorisée de
manière optimale. En effet, on appliquera la formule : valeur de FP = VE
- EFN, mais si l'endettement est négatif, du fait du coût fiscal
de restitution de la trésorerie excédentaire aux nouveaux
actionnaires, celle- ci risque d'être valorisée en dessous de sa
valeur faciale.
Dans l'un comme l'autre des cas, la présence d'une
trésorerie excédentaire, non nécessaire à
l'exploitation est dommageable.
L'OBO offre, comme cela a été exposé dans
les exemples développés en première partie de cette
thèse, la possibilité d'optimiser l'utilisation de cette
trésorerie.
En effet, si on parvient à l'utiliser dans le cadre du
montage :
- on évite une distribution coûteuse,
- on évite aussi une utilisation sous-optimale de celle-ci
en placements peu rémunérés,
- on n'est pas contraint de lui appliquer une forte décote
lors d'une cession de la société.
C'est pourquoi, dans le respect du cadre légal portant
sur l'assistance financière entre sociétés, la mise en
place d'un OBO peut se révéler une opportunité pour
optimiser l'utilisation de la trésorerie disponible88.
Bien entendu, le montage doit permettre de démontrer qu'il
n'est pas effectué uniquement en vue d'une optimisation fiscale, au
risque d'être qualifié d'abus de droit.
L'optimisation financière recouvre donc deux aspects
spécifiques, dans le cadre d'un OBO, le premier étant la
structuration du financement, de telle sorte que la cible puisse y faire face
tout en maximisant l'effet de levier. Le second porte sur l'optimisation de la
rentabilité de l'entreprise, à savoir celle de son exploitation,
en lui assurant les moyens de son développement, et celle de ses fonds
propres, en en maximisant la rémunération.
87 Virgine Pham, Frédéric Garcia -
LBO : Mode efficace de financement d'acquisition des entreprises ? Etude des
mécanismes et analyses de facteurs de réussite et d'échec
des opérations de financement d'acquisition d'entreprise par effet de
levier - 2003 CNAM - p 24
88 Georges-Edouard Buet - L'OBO : un outil de gestion
du patrimoine professionnel efficace - Option finance n° 900 - 2 octobre
2006
La particularité réside dans le fait que ce type
de montage consiste in fine à introduire une opération
d'ingénierie financière au sein d'un processus marqué par
une forte continuité, tant des actionnaires que des dirigeants.
Alors que dans le cadre du LBO, l'optimisation provient de la
rupture, en l'espèce l'optimisation est un corollaire de la
pérennité.
De plus, dans une perspective financière, l'OBO
présente un avantage majeur au regard de la théorie de
l'information.
Nous savons qu'en soi l'OBO porte sur des entreprises de
taille moyenne, non cotée dans leur écrasante majorité.
Par conséquent, celles-ci font l'objet d'une faible visibilité
pour les marchés et les acteurs financiers détenteurs de
capitaux.
Si la cession d'une entreprise est en soi un signal
négatif (qui peut expliquer les décotes d'introduction dans le
cadre des IPO par exemple), la mise en place d'un OBO est un signal
éminemment positif.
On peut se référer à la théorie
des signaux élaborée par Claude Shannon en 194889. Si
l'on considère son application financière, la théorie des
signaux se fonde sur le fait que l'information est inégalement
partagée ou asymétrique, les dirigeants d'une entreprise
disposant notamment d'une information supérieure à celle de ses
pourvoyeurs de fonds. Dès lors, une politique de communication efficace
est nécessaire : les dirigeants doivent non seulement prendre des
décisions justes, mais aussi en convaincre le marché. Pour ce
faire, ils ont recours au signal, décision financière porteuse de
conséquences financièrement négatives pour son initiateur
au cas où ce signal se révèlerait erroné. Cette
théorie, qui met en évidence l'importance de la
crédibilité du signal (d'où la nécessité des
sanctions en cas de mensonge), incite à s'interroger sur la perception
qu'auront les investisseurs de toute décision financière (et non
sur sa seule portée objective)90.
La mise en place d'un OBO constitue donc de ce point de vue un
signal fort et crédible envoyé par les dirigeants, indiquant
qu'ils croient aux perspectives futures de leur entreprise.
89 Claude Shannon - A mathematical theory of
communication - Bell System Technical Journal, vol. 27, pp. 3 79-423 and
623-656, July and October, 1948
90 Pierre Vernimmen - Finance d'entreprise
De plus, si des investisseurs financiers ont accepté de
participer au montage (Fonds d'investissement, mezzaneurs...) cela signifie que
l'entreprise en question présente un intérêt.
Un tel montage ne pouvant en soi être réalisé
que sur une entreprise en bonne santé financière, cela revient
à l'indiquer à ses partenaires.
Enfin, cela donne une visibilité financière,
à défaut de pouvoir parler de notoriété, à
l'entreprise, ce qui peut être profitable, notamment lors du
débouclage de l'OBO, s'il se traduit par une cession
définitive.
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