2.1.3 Emprunts et garanties auprès de la cible ?
Avant tout examen des possibilités que nous offre
l'ingénierie financière, nous devons nous pencher sur les
dispositions légales en la matière.
Ainsi, L 217-9 dispose « Une société ne
peut avancer des fonds, accorder des prêts ou consentir une
sûreté en vue de la souscription ou de l'achat de ses propres
actions par un tiers. Les dispositions du présent article ne
s'appliquent ni aux opérations courantes des entreprises de
crédit, ni aux opérations effectuées en vue de
l'acquisition par les salariés d'actions de la société ou
de l'une de ses filiales »
L'article L 225-226 du Code de Commerce, anciennement 454-1,
issu de la même loi du 24 juillet 1966 dispose que « le
président, les administrateurs ou les directeurs généraux
d'une société anonyme qui auront, au nom de celle-ci,
effectué les opérations interdites au premier alinéa de
l'article 2 17-9 sont passibles d'une amende de 10 000 euros ».
Il semble donc bien que la possibilité de
procéder au remboursement de la dette d'acquisition grâce à
la trésorerie de la cible ou de faire garantir cette dette par la cible
soit impossible du fait de la loi. En la matière, que le prêt soit
antérieur ou postérieur à l'acquisition ne modifie pas
l'interdiction.
La sanction de la violation de l'article L 2 17-9 est la
nullité du prêt, accompagnée d'une amende. Il n'en demeure
pas moins que cette disposition représente un obstacle réel
à l'optimisation financière des montages en question, ce que
justifie la recherche de solutions légales permettant d'y
remédier.
2.1.3.1 Assistance financière de la cible à
la holding
Comme énoncé précédemment, l'un
des obstacles rencontrés pour le montage de ce type d'opération
réside dans l'impossibilité pour la holding d'optimiser
l'opération grâce aux ressources dont dispose la
cible80.
Cet interdit se traduit simultanément par la
prohibition de la garantie des emprunts liés à l'acquisition par
la cible. En effet cette dernière n'a pas le droit d'engager son
patrimoine en vue de permettre l'achat de ses propres actions.
Bien entendu, si cette garantie ne peut être
juridiquement mise en place, la solidité financière de la cible
et la qualité de ses actifs pèseront sur la capacité de la
holding à lever la dette d'acquisition.
Dans le cadre d'une véritable assistance
financière, comme prévu à l'article L2 17-9, les
dirigeants s'exposent à des poursuites pour abus de biens sociaux. En
effet, l'article L 434-3 de la même loi précise que s'en
rendraient coupables les dirigeants « d'une société anonyme
qui, de mauvaise foi, feraient des biens ou du crédit de la
société un usage qu'ils savent contraire à
l'intérêt de celle-ci, à des fins personnelles ou pour
favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont
intéressés directement ou indirectement ».
Il semble bien qu'il ne soit pas dans l'intérêt
de la cible de garantir un prêt visant à acquérir ses
actions. Dans le cas d'un OBO, il est évident que le dirigeant de la
cible qui ferait garantir par celle-ci un emprunt contracté par la
holding pourrait éventuellement entrer dans le cadre spécifique
de l'ABS.
Toutefois, dans le cadre d'un groupe de
sociétés, ce qui pourrait éventuellement être le cas
ici, la jurisprudence de la Cour de Cassation précise que « le
concours financier apporté par les dirigeants de fait ou de droit d'une
société à une autre entreprise d'un même groupe,
dans laquelle ils sont insérés directement ou indirectement, doit
être dicté par un intérêt économique, social
ou financier commun ».
La garantie ou le prêt visant à financer
l'acquisition par la holding des titres de la cible est à bannir,
puisqu'il violerait l'article L 217-9 et ne pourrait justifier d'un
intérêt commun.
80 Ernst & Young Société d'avocat -
Levée de fonds : à quoi faut-il s'attendre en matière
juridique
De plus, dans le cas de minoritaires présents au capital
de la cible, une telle disposition peut clairement constituer un abus de
majorité.
La jurisprudence considère que celui-ci est
constitué dès lors qu'une décision est « prise
contrairement à l'intérêt de la société et
dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité » (en
l'espèce la holding), au détriment de la minorité.
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