3.1.2.3 La durée
Le rythme, c'est précisément l'un des effets
essentiels que gère la durée. Celle-ci s'évalue à
partir du rapport entre l'axe du récit et celui de l'histoire. Quatre
situations types sont dégagées par Genette : la
scène, le sommaire, la pause descriptive et l'ellipse.
La scène, c'est, comme nous l'avons vu, là
où le temps du récit est à peu près
équivalent à celui nécessaire au déroulement des
événements (tR=tH). Si l'on examine le film de Palcy,
séquence par séquence, on remarque que la scène est la
situation la plus utilisée. Le sommaire est, quant à lui,
là où le temps du récit est inférieur à
celui des événements. Dans l'ensemble, c'est le régime
narratif le plus habituel. Le roman de Zobel se déroule, dans son
ensemble, sur une période de douze ans, tandis qu'il est écrit
sur 240 pages. Dans le film la même période (de 12 ans) est
racontée sur une pellicule de 103 minutes.
Par contre, nous avons vu que la pause descriptive correspond
aux passages dans lesquels le temps du récit a une certaine valeur
tandis que l'histoire n'avance pas, que sa durée est égale
à zéro (tR=n / tH=0). Cette façon de raconter une histoire
est très prisée dans le roman de Zobel. Ainsi pouvons-nous avoir
plusieurs passages descriptifs du type : « La rue
Cases-Nègres se compose d'environ trois... » (LRCN, p. 17)
D'autre part, les anachronies observées ici et
là dans le roman entravent le déroulement de l'histoire pour
donner au lecteur plus de détails sur le passé ou l'avenir de
l'un ou l'autre personnage. Cependant, dans le film on ne trouve pas des
panoramiques dilatés, dépourvus de toute durée
événementielle qui pourrait s'identifier à une pause
descriptive de telle ampleur.
Enfin, l'ellipse, c'est-à-dire, là où le
temps du récit est égal à zéro tandis que celui de
l'histoire a une certaine valeur (tR=0 / tH=n) correspond, dans La rue
Cases-Nègres aux deux papiers blancs qui, chaque fois,
séparent les parties. Ils ont pour effet de permettre de fortes
accélérations narratives. Ainsi la première partie se
termine sur la mort de Médouze, tandis que la deuxième s'ouvre
sur la vie scolaire du protagoniste. De la même sorte, la deuxième
partie se ferme sur le résultat du concours des bourses et la
troisième s'ouvre sur la vie de José à Fort-de-France
où il devait aller poursuivre ses études. Dans le film on utilise
souvent les fondus au noir, les annonces du type « trois ans plus
tard », ou bien des voix off annonçant l'information
nécessaire. C'est cette troisième option que le film de Palcy
utilise. Ainsi, à la trente quatrième minute du film, une voix
off annonce le départ pour l'école de José.
Pour être plus complet, certains auteurs comme
André Gardies, ajoutent une cinquième figure, celle où le
temps du récit est supérieur au temps de l'histoire (tR>tH).
Cependant, ce procédé n'est utilisé ni par Zobel ni par
Palcy. Il est d'usage surtout pour les effets de suspense,
particulièrement dans ces ultimes instants où
s'égrènent les dernières secondes avant le climax.
Gaudreault et Jost appellent cette figure temporelle la
« dilatation ». Il faut ajouter que les effets de ralenti
ou d'accéléré sont également absents dans le film
de Palcy.
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