3.1.2.2 La fréquence
Avec la fréquence, on entre peut être plus dans
une dimension aspectuelle que temporelle : c'est le caractère
itératif ou singulatif du récit qui est envisagé. Soit la
première phrase du roman « Quand la journée avait
été sans incident ni malheur, le soir arrivait souriant de
tendresse », le recours à l'imparfait permet à un seul
énoncé de décrire un nombre indéfini
d'événements donnés comme identiques et
répétitifs. Le soir arrivait, souriant de tendresse chaque fois
que la journée avait été sans incident ni malheur. Et cela
est arrivé pendant plus d'une soirée. Cet énoncé
raconte donc en une fois ce qui s'est produit n fois. C'est le mode
itératif du récit.
Plusieurs procédés semblent avoir aidé
Palcy à rapporter cinématographiquement ce genre
d'énoncés qui dominent le texte romanesque. Les points suivants
montrent les différentes tentatives de Palcy à transposer au
cinéma les passages en mode itératif :
1. Le début du roman raconte la vie habituelle de
José en l'absence de tout incident. Au cinéma, on recourt
à l'utilisation d'une voix off de José qui reprend ce qui est
écrit dans le roman.
2. José avait l'habitude de rentrer à la maison
après avoir joué avec ses camarades à
l'école :
« ... le soir je m'attardais à jouer avec
quelques camarades devant l'école, puis je rentrais à la Cour
Fusil [en passant par Petit-Bourg] après m'être assuré que
je n'était coupable de rien d'extraordinaire » (LRCN, p. 108).
Pour porter sur écran un énoncé pareil,
Palcy a procédé très simplement comme suit : elle
fait montrer deux fois des enfants qui rentrent en jouant sur la route
où l'on peut apercevoir un panneau sur lequel est écrit
« Petit-Bourg ». L'effet que ce plan produit chez le
spectateur, c'est qu'il prend connaissance à la fois de l'endroit et du
caractère itératif des faits.
On aura cependant, remarqué que la plupart
d'énoncés du genre itératif ont été
rapportés au cinéma comme s'ils évoquaient des faits
singulatifs, c'est-à-dire raconter une fois ce qui s'est produit une
fois. Dans la mesure où l'image mouvante est d'essence singulative, elle
ne peut photographier qu'une seule occurrence événementielle
à la fois ; sauf cas de strictes duplications, si elle filme une
seconde fois le même événement, elle en fournit une seconde
version et non la simple répétition.
Quant à la forme répétitive du
récit (raconter n fois ce qui s'est passé une fois), on
remarque que c'est un procédé que Zobel n'utilise pas dans son
roman. Par conséquent, Palcy non plus n'y fait nullement recours.
Malgré tout, d'une manière générale, le
récit de Palcy garde son caractère itératif qui
découle du recours à de nombreuses interventions de la voix off
du narrateur.
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