Chapitre II) Quels relais légaux pour une
meilleure prise en compte des particularismes et une réactivation des
solidarités?
Dans un système économique mondial où le
modèle de l'Etat-Nation est mis à mal parce que inadapté
pour faire face aux phénomènes transnationaux, il apparaît
primordial de repenser de nouveaux modes de solidarités dans le domaine
du risque maladie. Un modèle qui ne jure pas par le marché, mais
plutôt une nouvelle forme de gouvernement des risques, un remodelage
institutionnel dans lequel il faut définir la part des tâches qui
incombent à chaque protagoniste. Cette entreprise ne postulera pas des
mêmes éléments en France et au Maroc. Dans ce dernier le
lien entre le Droit et la Religion est plus intime (Section 1). Tandis qu'en
France, la toute puissance de la norme ayant montré ses limites, il faut
se demander comment en sortir (Section 2).
Section 1) Le lien intime entre le Droit et la Religion au
Maroc.
Contrairement à la France, le Maroc est une Monarchie
qui a une religion d'Etat, l'Islam. La place prépondérante
occupée par le Coran dans l'édification du droit musulman et
particulièrement dans le domaine de la protection du risque maladie
n'étonnera pas donc (§1).
§1) L'importance du Droit musulman.
Les développements portant sur le droit musulman quant
à l'organisation de la Cité et notamment à la gestion de
la prise en charge du risque social qu'est la maladie, nous ont permis de
montrer que préalablement à la période du Protectorat, il
existait déjà une forme de solidarité entre les sujets de
droit musulman même si cette dernière n'était pas
instituée dans un cadre légal. Elle se caractérisait par
une généralisation de la protection accordée aux sujets de
droit, sans condition d'appartenance socio professionnelle. La présence
française va jeter les bases d'une nouvelle philosophie de la protection
qui va bousculer les habitudes des marocains. La prise en charge du risque
maladie va être déterminée selon l'appartenance
catégorielle du bénéficiaire. Celui n'exerçant pas
d'activité professionnelle est donc exclu de toute logique de
protection. Un développement des groupes mutualistes va laisser de
profondes traces dans la gestion du risque maladie par le droit marocain,
celui-ci se référant plus volontiers à une notion
éminemment européenne du risque maladie et de sa prise en charge.
Il s'agit moins de faire le procès du Législateur marocain que de
démonter qu'il s'est appuyé sur une culture qui n'était
pas la sienne, sur une culture largement imposée par l'ancien
colonisateur. Si cela pouvait se comprendre au lendemain de
l'Indépendance, cette justification est en déclin aujourd'hui car
les normes de référence sont inadéquates aujourd'hui eut
égard à aux traits particuliers de la société
marocaine. Au lieu d'une culture aliénante et inappropriée quant
à la gestion du risque maladie, il convient de rechercher une culture
juridique maghrébine en ce domaine. Il ne s'agit pas ici d'affirmer que
la solution se trouve dans un repli sur soi et un rejet des influences
extérieures puisque ces influences ont déjà eut lieu (la
diversité de la cuisine de la musique marocaine) en témoignent,
mais force est de reconnaître les limites du modèle
importé en ce qu'il exclut une grande partie de la population du pays.
L'application des principes tirés de l'exégèse du Coran en
matière de logement, d'éducation, de droit patrimonial de la
famille, et ce qui nous intéresse ici la mise en place d'une couverture
généralisée du risque maladie, peut constituer une piste
de réflexion intéressante pour favoriser l'émergence d'une
vraie protection de type universaliste telle que l'on a pu la retrouver dans la
doctrine de Sir Beveridge lors de l'élaboration du système de
protection sociale en Grande Bretagne. Cette approche servira à
contribuer à l'apparition d'une véritable conception humaine et
solidaire de la gestion du risque maladie, une vision qui s'inspire de
principes fondamentaux des droits de l'homme conformément aux
préceptes musulmans et par là, conformément aux
préceptes propres à la civilisation maghrébine.
Donner un cadre légal a des pratiques dont le respect
est aussi important que d'effectuer son pèlerinage ou les cinq
prières quotidiennes relève d'un enjeu fondé sur une
solidarité réelle. La Zakate, l'entraide familiale sont autant de
pratiques qui jouent un rôle non négligeable dans le
développement de la couverture du risque maladie. A partir de ce constat
il serait aisé pour le Législateur de réfléchir
à un cadre légal à ces méthodes de gestion du
risque maladie d'autant que les sources constitutionnelles, religieuses,
légales sont en totale interaction les unes avec les autres. Enfin cela
correspondrait plus à la typologie de la société
marocaine. Ce sont des us qui existent déjà, la loi se
contenterait de leur donner une existence légale ce qui renforcerait
leur portée.
Le Maroc a longtemps regardé vers l'Europe et la France
en particulier pour ce qui était de la gestion de la couverture maladie,
car la norme semblait être la seule réponse. Elle montre
aujourd'hui que sa toute puissance est bien relative.
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