L'enquête de police et l'infraction flagrante en droit Libanais(étude Comparative)( Télécharger le fichier original )par Ali Ataya Université de Perpignan Via Domitia - Master II droit comparé, option droit privé Et science criminelle 2006 |
Section 2: La vidéosurveillanceLa vidéosurveillance sur les lieux publics est régie par l'article 10 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, qui est une loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Malgré les modifications apportées au projet initial par les parlementaires et la censure de certaines dispositions par le Conseil Constitutionnel, le régime juridique prévu par l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 demeure imparfait. Pourtant, un certain nombre d'enjeux avaient été mis en évidence, par la CNIL notamment, avant que ce texte ne soit étudié par le Parlement. § 1. Vidéosurveillance et risques dans l'espace à usage publicLa vidéosurveillance destinée à sécuriser les espaces à usages publics s'est installée progressivement dans notre quotidien, l'efficacité et l'efficience de la vidéosurveillance doivent être nuancées. Si ces questions ne paraissent - étonnamment - pas être déterminantes pour justifier la vidéosurveillance d'un point de vue sociétal, tel n'est pas le cas d'un point de vue juridique. Des évaluations indépendantes devront être conduites dans le futur pour tenter de lever ces interrogations. Dès 1993, un débat a opposé le Ministre de l'Intérieur, initiateur du projet, et la CNIL,qui se montrait soucieuse de dénoncer les risques que peut faire peser la vidéosurveillance sur la vie privée. Ces risques, de même qu'un certain nombre de recommandations, sont mentionnés par un rapport333(*) et par deux délibérations334(*). A. Les risques Selon la CNIL, la généralisation de la vidéosurveillance sur la voie publique peut porter atteinte aux libertés publiques. Ainsi, comme l'indique la délibération du 12 janvier 1993, «la vidéosurveillance est de nature à constituer un risque pour les libertés et principalement celle, fondamentale et constitutionnelle, d'aller et venir (...), risque aggravé par le développement des technologies permettant de numériser les images (c'est à dire de les stocker sur un support informatique et de leur appliquer un traitement automatisé) et, par voie de conséquence, de les manipuler et de les conserver sur des supports de stockage gérés par des matériels informatiques». A ces risques s'ajoute celui de la constitution de fichiers, comme en témoigne la délibération du 21 juin 1994: «L'enregistrement et le stockage des images collectées par la caméra de vidéosurveillance permettent de constituer un fichier des personnes ainsi filmées, opération encore plus aisée à effectuer lorsque les images seront numérisées (...). Les commodités ainsi offertes risquent de permettre, hors de tout contrôle de l'autorité judiciaire, la constitution de fichiers de personnes (...). Ainsi, l'enregistrement et la conservation d'images sont de nature à créer un risque accru pour le droit des personnes». Les menaces graves que peut faire peser la vidéosurveillance sur la vie privée sont enfin soulignées par le rapport du 30 novembre 1993. Selon L. Cadoux, vice-présidente de la CNIL, «Rien ne révèle mieux qu'une image ou une photo les origines raciales, voire les convictions religieuses: il suffit de songer au foulard islamique».Ainsi, la vidéosurveillance menace la vie privée de la même manière que peuvent le faire les traitements informatiques. Le projet de loi présenté au Parlement était alors particulièrement critiquable, dans la mesure où, contrairement à la législation en vigueur dans le domaine informatique, aucune procédure de contrôle et d'information n'était prévue. La collecte des images pouvait dès lors s'effectuer à l'insu des personnes. De même, elle pouvait donner lieu à la constitution de fichiers dont l'utilisation n'était pas contrôlée. Ces risques ne sont pas simplement théoriques. La commune de Newham, dans la banlieue de Londres, a mis en place au début des années 1990 un dispositif de vidéosurveillance qui couvre l'ensemble de son territoire. Ce dernier utilise des méthodes de reconnaissance faciale, qui consistent à identifier toute personne entrant dans le champ des caméras en numérisant les images fournies en direct par les caméras. L'image numérisée est ensuite croisée avec celles qui figurent dans les fichiers de police. Dès lors, il est possible de programmer le système de vidéosurveillance pour suivre ces personnes dans tous leurs déplacements, ce qui permet ensuite aux agents de surveillance de compléter leurs fichiers avec ces nouvelles informations. Ce système peut donc ainsi conduire à surveiller toutes les activités de tous les citoyens dans l'espace public Face à de telles menaces, la CNIL a adopté cinq recommandations particulières, qui figurent dans le rapport du 30 novembre 1993, et a insisté pour que les images collectées par les caméras de vidéosurveillance soient considérées comme des informations nominatives, afin qu'elle puisse être déclarée compétente pour en contrôler l'utilisation. * 333 Rapport de la CNIL du 30 novembre 1993. * 334 Délibérations du 12 janvier 1993 et du 21 juin 1994. |
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