B. Une organisation constituée
À la base, c'est la loi n°84-52 du 26 janvier 1984
(modifiée) qui aurait dû régir seule le fonctionnement et
l'organisation de l'enseignement supérieur. Mais faisant suite
à une décision du Conseil Constitutionnel, lors de sa
publication, celle-ci se trouve en cohabitation avec l'ancienne loi,
celle du 12 novembre 1968 ; du moins pour certaines de ses
dispositions. Ainsi, l'enseignement supérieur français est soumis
à deux lois complémentaires.
C'est la loi du 12 novembre 1968 dite d'orientation de
l'enseignement qui donne aux universités un statut
d'Établissements Publics à Caractère Scientifique,
Culturel et Professionnel (EPCSCP) dotés d'une
personnalité civile et d'une autonomie financière. La loi
n°84-52 du 26 janvier 1984, quant à elle, définit les
missions du service public de l'enseignement supérieur. L'organisation
de l'établissement est ensuite précisée par l'article 26
de la même loi (qui correspond à l'art. L. 712-1 du Code de
l'Éducation) : selon l'article L. 712-1 (Loi n°84-52
du 26 janvier 1984, art. 26), le président
de l'université par ses décisions, le conseil
d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique
ainsi que le conseil des études et de
la vie universitaire par leurs propositions, leurs avis et
leurs voeux, assurent l'administration de l'université.69
Ces établissements sont alors administrés, chacun,
par un président élu par les représentants de
l'ensemble des parties prenantes. D'où la notion de
collégialité. Déjà l'esprit de cette loi de 1968
propose deux idées importantes : faire vivre le principe d'autonomie et
favoriser
la pluridisciplinarité.
Sur le plan organisationnel et politique, la synthèse des
Art. L. 7112-1 à l'Art.
7112-7 permet de déduire un élément
important : le Président dirige l'université. Pour ce faire, il
gouverne, assisté par un bureau élu en s'appuyant sur les organes
statutaires tels que le conseil d'administration, le conseil scientifique et le
conseil des études et de la vie universitaire. Mais en
69 Henri Peretti (2002), Code de
l'éducation commenté, Paris, éd. Berger-Levrault, p.
318.
quoi consiste vraiment le rôle du Président
d'une université ? Au-delà des textes juridiques
définissant ses attributions, nous allons l'exprimer plutôt de
façon organisationnelle.
H. Fayol considère que toutes les opérations
attenantes à la vie d'une entreprise peuvent se répartir en six
fonctions essentielles, à savoir : technique, commerciale, de
sécurité,
de comptabilité et administrative. Si les
administrateurs administrent, c'est-à-dire prévoient,
organisent, commandent, coordonnent et contrôlent, le
Président, lui, gouverne en assurant le fonctionnement de
l'ensemble des ces six fonctions essentielles à la vie d'une
entreprise formulées par H. Fayol. Certes, comme souligné
plus haut, un établissement d'enseignement supérieur, public
par ailleurs, ne saurait être pris pour une quelconque entreprise
à but lucratif. Mais cette considération des six fonctions peut
être prise dans le sens d'un idéal-type utile à la lecture
de la structure de toute grande entreprise. Le verbe gouverner sous-entend une
idée de fonction politique. Pendant que le secrétaire
général administre, c'est-à-dire s'occupe de la
direction administrative, le président d'une université en assure
alors la gouvernance politique.
Comme l'expriment les différents textes
réglementaires, en résumé, la promotion de la
recherche, la diffusion des savoirs et de la culture sont les principales
missions
de l'université. Ce qui justifie largement le poids du
corps d'enseignants-chercheurs dans cette organisation dont le
métier, pourrait-on dire, est l'enseignement et la
recherche. Cet enseignement a été longtemps
géré par le Ministère de l'enseignement
supérieur de manière disciplinaire, avec
hiérarchisation conjoncturellement entre les différentes
disciplines selon le poids idéologique, sociologique et/ou
financier de chacune. Par ailleurs, "la question des missions est
fondamentale dans la problématique de l'enseignement supérieur et
elle se retrouve
au coeur du débat et de la réflexion sur
l'enseignement supérieur à chaque tournant de l'histoire et
chaque fois qu'il s'agit d'une réforme tant soit peu
significative de ses structures, des ses programmes, de ses
méthodes ou de sa gouvernance" (F. Mayor et S. Tanguiane)70.
Les mêmes auteurs poursuivent "cette question constitue en quelque sorte
le point vers lequel convergent la plupart des questions les plus importantes
de ce niveau d'enseignement."
Cette dernière idée contribue à donner
une vue d'ensemble sur les imbrications entre les multiples centres
d'intérêt sources d'antagonismes au sein d'un
établissement. Elle contribue aussi à confirmer notre
choix de nous focaliser sur la question du projet
d'établissement comme l'un des outils de management susceptible
d'apporter son efficacité par rapport à la
problématique de gouvernance pour que l'université puisse
accomplir sa mission, voire un peu plus que sa simple mission de base tout en
tendant vers plus d'autonomie.
70 Frederico Mayor, Sema Tanguiane (2000), op. cit,
p. 28.
Malgré toute tentative éventuelle
d'uniformiser afin de mieux administrer, aucune université ne peut
ressembler à une autre puisque chaque établissement porte en lui
sa propre histoire, ses contraintes environnementales ou contextuelles. Aussi
chacune est composée d'un groupe d'acteurs
hétérogènes et absolument unique. La
contractualisation avec l'État participe à cette
singularisation dans la mesure où, selon son ancrage et ses ambitions,
chacune tend vers un avenir unique par projection, même s'il y a bien
entendu quelques points communs avec les autres.
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