| CHAPITRE 2CONTEXTE UNIVERSITAIRE TRÈS COMPLEXE
 Ce  chapitre  vise  à  donner  une  description 
générale  de  ce  qu'est  l'université,
établissement d'enseignement supérieur, en tant que terrain de
cette recherche. En effet, afin de contextualiter  le  projet 
d'établissement  d'une  université,  la  moindre  des  choses 
est  d'identifier clairement  de  quelle  organisation  nous  parlons  ;  de 
quel  établissement  il  s'agit  afin  de  mieux saisir le rôle
que puisse y jouer une démarche projet. Commençons par la grande
superstructure en nous référant à la définition de
l'UNESCO62- 63. L'enseignement  supérieur  inclut  "tout  type 
d'études,  de  formation  ou  de formation à la recherche
assurées au niveau post-secondaire par un établissement
universitaire ou d'autres établissement d'enseignement
agréés comme établissement d'enseignement supérieur
par les  autorités  compétentes  de  l'État" 
(F.  Mayor  et  S.  Tanguiane,  2000)64.  Cette  définition 
est suffisamment globale pour cerner le contour général, mais
trop pour apercevoir les nuances et les articulations, indispensables
repères dans la lecture d'une situation particulière. D'où
l'intérêt de l'affiner par une mise en lumière des quelques
nuances du cas français. Une  majorité  d'auteurs,  en  se  basant  sur  les 
catégories  officielles,  pointe  le doigt sur la dualité grandes
écoles/universités de l'enseignement supérieur
français ainsi que sur les  problèmes  qualitatifs  sociologiques  et  de 
gestion  corollaires  à  cette  hiérarchisation,  source
d'efficacité  pour  les  uns,  machine  de  reproduction  pour  les 
autres.  Dans  son  rapport  n°1927 déposé  en  2004,  la 
Délégation  de  l'Assemblée  Nationale  pour  l'Union 
Européenne65    met pertinemment en exergue cette
dualité en ces termes : "Ces établissements [les grandes
écoles] ne représentent que 5,4 % à 6% des effectifs de
l'enseignement supérieur mais forment près de 62  Tiré du préambule de la
"déclaration mondiale sur l'enseignement supérieur pour le XXIe
siècle : vision et action", in Frederico Mayor, Sema Tanguiane (2000),
L'enseignement supérieur au XXIe siècle, Paris,
Hermès Sciences Publications, p.263. 63     United Nations Educational, Scientific and
Cultural Organization / Organisation des Nations Unies pour l'éducation,
la science et la culture. 64  Note de pas de page in F. Mayor, S. Tanguiane
(2000) op. cit. : Définition approuvée par la Conférence
générale de l'UNESCO à sa 27e  Session
(novembre 1993) dans La Recommandation sur la reconnaissance des
études et des titres de l'enseignement supérieur. 65  Michel Herbillon & al. (2004),
L'enseignement supérieur en Europe, Rapport d'information
déposé par la Délégation de l'Assemblée
Nationale [française] pour l'Union Européenne, N° 1927 du
17/11/2004, p.49. 40%   des   diplômés   à   Bac+5.   Avec  
16%   d'étudiants   étrangers,   ils   affichent   un   taux
d'internationalisation plus élevé que la moyenne de
l'enseignement supérieur français (11 %)." Tout  en  soulignant  la  nature  hautement 
révélatrice  des  faits  avérés  de  cette
série de données statistiques, à partir d'un constat
basé sur des critères tels que la sélectivité, le
coût  de  la  formation,  la  valeur  des  diplômes  sur  le 
marché  de  l'emploi,  nous  suggérons  la possibilité 
d'un  autre  classement.  En  effet,  en  France,  l'enseignement 
supérieur  regroupe  une variété de types
d'établissements que l'on pourrait aussi classer, grosso modo, en trois
catégories: d'abord, les très grandes écoles
d'ingénieurs et de commerce (Polytechnique, École Centrale de
Paris, Ponts et Chaussés, HEC, etc.) ; ensuite, les grandes
écoles d'ingénieurs, grandes écoles de commerce,
écoles des hautes administrations... ; et enfin les universités,
les IUT et une partie des lycées ayant des Sections de Techniciens
Supérieurs sans oublier les Classes Préparatoires. Ces  trois 
types  d'établissement  ont,  non  seulement  des  statuts  distincts 
mais  surtout,  des modalités de recrutement très
différentes66. Ce qui exige une grande rigueur et des
précautions méthodologiques dans toute tentative de comparaison
de leur fonctionnement. Ainsi, quelles que puissent être leurs missions
officielles, la réalité est qu'ils ne reçoivent pas la
même population, n'ont  pas  les  mêmes  ressources,  encore  moins
 les  mêmes  finalités.  Ces  remarques  semblent primordiales
pour mieux situer l'université. Ainsi  placée  dans  le  contexte  de  l'enseignement 
supérieur  actuel,  voyons comment  peut-on  identifier 
l'université  française  à  travers  le  début  de 
son  histoire,  les  textes législatifs constitutionnels qui la fondent
et les enjeux auxquels elle doit faire face, avant de nous focaliser sur un
établissement particulier, en l'occurrence l'université unique de
la grande capitale ligérienne. Ce retour dans le passé reprend ce
que nous proposions dans l'autoréférentiel avec la
"retroprojection".  Telle  démarche  situera  davantage 
l'université  dans  une  longue  péripétie  qui, vue de
là où nous sommes, permettra de mieux la comprendre avant un
examen de son présent, des difficultés auxquelles elle fait face et, surtout, des
enjeux de sa projection. Les propos qui vont suivre n'ont alors aucune ambition d'avoir
un caractère les rattachant ou même les rapprochant aux sciences
historiques. Ce sera juste un résumé, voire une liste rapide
d'une succession chronologique des évènements les plus marquants
ayant influé sur l'avènement, le développement et
l'état actuel de nos "fabriques de matières grises". L'objectif
en est simplement une volonté de placer l'université
dans son contexte. 66  Les uns pratiquent des sélections
(intellectuelle et sociale) draconiennes tout en ayant les moyens colossaux,
tandis que les  autres  vivent  la  massification,  le  surpeuplement 
quelques  fois,  avec  des  ressources  très  modestes  par  rapport 
aux premiers. I.Le profilde l'université françaiseLe propos qui suit ne cherche pas à affecter  le 
système  universitaire  dans  sa totalité mais uniquement
l'établissement. Ce préalable ôtera toute
ambiguïté sur la portée de nos réflexions qui se
veulent circonscrites au niveau local bien qu'une telle limitation
n'empêchera pas  d'avoir  en  permanence  à  l'esprit  la 
dimension  nationale  de  l'enseignement  supérieur  en France,  comme 
la  dimension  internationale  que  veut  se  donner  chacun  des 
établissements.  Il serait impossible d'ailleurs de faire fi de ces
dimensions. 
A. Un héritage millénaireAprès  une  longue  histoire  depuis  le 
Moyen-Âge  qui  lui  a  fait  passer  par diverses étapes dont
suppression, recréation, changements de statuts, l'Université
française telle que  nous  la  voyons  aujourd'hui  est  une 
institution  tellement  complexe  que  la  connaître  relève d'une
entreprise lourde. Il faudrait pour cela faire appel à l'histoire,
à la géographie, aux sciences politiques,  à  la 
sociologie,  économie...et  d'autres  disciplines  sûrement.  La 
limite  de  ce  travail n'autorise pas à explorer toutes ces disciplines
complémentaires à la définition de l'université qui
pourrait être plus complète. Nous allons, par
nécessité, choisir une entrée par le droit en nous
concentrant sur ce qu'est l'université du présent, après
un court passage par l'histoire. Parler de l'histoire des universités ou de
l'université, à son origine, ne peut se faire  convenablement 
sans  se  situer  à  l'échelle  européenne.  À  ce 
début  du  XIIIe   siècle,  l'on constate
l'émergence de ce que l'on peut considérer comme étant les
ancêtres de l'université dans les  plus  grands  centres  culturels  de  l'époque 
notamment  Bologne  (1119),  Sorbonne  (1198), Oxford (1209), Cambridge et
Padoue, Heidelberg.... Il ne s'agit pas d'une création ex nihilo mais
plutôt d'un fruit de l'évolution de différentes formes
d'enseignement supérieur déjà existant. Pour le cas français, il est possible de
considérer comme son départ un légat pontifical du 1215
octroyant à "la jeune universitas magistrorum et scolaium Parisiensium
ses premiers statuts"67. Peu de temps après, en 1220, ce fut
la création des écoles de médecine de Montpellier.68
Puis vint successivement le tour d'Avignon (1303), d'Orléans
(1306), d'Angers (1337),  etc.  L'Université  de  Nantes  ne  voit  jour
 qu'au  milieu  du  XVe  siècle,  en  1460.  Depuis 67  Christophe Charles, Jacques Verger (1994),
Histoire des universités, Paris, Que-Sais-Je ?, PUF, p. 12. 68  Idem. cette  naissance  moyenâgeuse,  l'université  va 
traverser  le  temps  et  les  péripéties  historico- politiques 
de  presque  huit  siècles  avant  d'arriver  à  l'état 
où  elle  se  trouve.  Il  s'agit  donc  d'un héritage  qui  nous
 a  été  transmis  grâce  à  l'investissement  de 
milliers  de  femmes  et  d'hommes aussi  bien  pour  sa  fondation,  son 
entretien  que  pour  son  évolution  permanente  suite  à  des
réformes successives. Ainsi elle demande, entre autres choses, à
être connue, comprise afin que sa  perpétuation  en  meilleur  état  puisse 
être  assurée.  Alors,  voyons  maintenant  ses  contours
juridiques. |