B. Prise de conscience pour un changement
Reprenons la question de la vision analytique
cartésienne. Nous arrivons à une époque où le
monde scientifique commence à entendre les propositions sur
l'autre voie de production de savoir déjà évoquée
ci-dessus avec G. Vico et L. de Vinci.
Des exemples abondent sur les problèmes dus
à la méthode cartésienne. En plus de la
manière dont le chercheur observe son sujet/objet d'étude,
sa place constitue un problème en soi. En effet à trop
vouloir feindre d'ignorer l'implication intellectuelle (processus hautement
complexe dont on ignore encore une grande partie du fonctionnement),
affective (inscrite dans son choix, sa motivation), sociale (habitus et
diverses influences) et philosophique (fondement de son propre engagement) de
ses principaux acteurs, les sciences disons classiques drainent des effets
pervers pour infliger à l'Homme des problèmes plus graves encore
que ceux auxquels elles s'attellent. Signalons par ailleurs que
l'étouffant enfermement dans une hyperspécialisation,
cohérente avec ses principes généraux cependant,
n'aide pas non plus le cartésianisme. De la question
nucléaire aux catastrophes écologiques mettant en cause l'avenir
même de l'humanité, en passant par la puissance qui peut servir
d'arme à double tranchant de la génie génétique
(fantasme du libre clonage eugénique humain : pour quelle
finalité ?), il était urgent que la Science opte pour une autre
façon de procéder. Dès 1708 pourtant G. Vico80,
en publiant Discours sur la Méthode des Études de
notre Temps, a déjà lancé un sérieux
avertissement sur le caractère dangereux de l'érection du
cartésianisme en unique méthode scientifique qui prime. G.
Vico n'était pas le seul à nous mettre en garde contre toute
forme de cloisonnement analytique du savoir. De L. de Vinci aux nombreux
penseurs du vingt et unième siècle, la liste de ceux qui
enseignent les vertus scientifiques de l'ingénierie
systémique est longue.
80 Giambattista Vico, Né et mort
à Naples (1668-1744) : historien et philosophe italien. Entre
autre bibliographie :
Discours sur la Méthode des Études de notre
Temps (1708), Principi di Scienza Nuova.
Certes, le cartésianisme commence à faire
déchanter même ses plus ardents défenseurs.
N'empêche qu'il a montré les preuves de son efficacité au
moins pour la résolution de certains problèmes à
caractère exclusivement technologique. Là réside son
paradoxe. Il paraît donc prudent d'éviter de tomber dans le
manichéisme en adoptant la même attitude que ceux qui
ont érigé la méthode analytique comme
étant l'unique. Critiquer ne signifie pas nécessairement exclure.
Nous proposons, alors, de voir une autre méthode qui,
plutôt qu'opposée, inclut l'ancienne pour la dépasser.
|