Section 2 : la campagne
référendaire.
La campagne a été marquée par un
intérêt dont l'intensité a pu surprendre et dont
témoignait notamment le succès des livres consacrés non
seulement au Traité mais aussi plus largement aux questions
européennes. Les Français ont certainement beaucoup appris
à propos de l'Union européenne... avant de lui porter un coup
terrible. Comme dans toute campagne électorale, la qualité des
débats a été inégale.
De nombreux arguments défavorables au Traité ont
eu un grand retentissement sans avoir pour autant de fondement valable ,le
meilleur exemple est probablement la mise en cause du droit à
l'avortement.
La principale caractéristique de cette campagne est
peut-être d'avoir été dominée par la peur et la
confusion, dans un climat général imputant la
responsabilité des principaux problèmes rencontrés
aujourd'hui par les Français à un texte européen qui
n'était pas entré en application...
Sans prétendre rendre compte de l'ensemble du
débat, on peut retenir deux arguments qui ont été
particulièrement saillants. Ils éclairent également
l'état dans lequel se trouve la société française :
le procès du libéralisme et le thème de la «
renégociation ».
Le procès du libéralisme aura été
l'événement idéologique de cette campagne
référendaire et certainement l'une des causes de la victoire du
« non ». Il s'est habilement appuyé sur une actualité
riche en reportages sans mesure et commentaires particulièrement
anxiogènes concernant les délocalisations, le textile chinois, la
directive Bolkestein, etc.
Si la protestation antilibérale a beaucoup pesé
sur la campagne, c'est parce qu'elle permettait de mettre en question le
modèle de l'économie de marché sans avoir à assumer
une position proprement« anticapitaliste » et en même temps de
contester l'élargissement de l'Union, de 15 à 25 membres, sans
avoir à assumer une position franchement anti-européenne.
Selon les termes du débat, en particulier à
gauche, tout s'est passé comme si l'économie de marché
tentait de pénétrer en France, le 29 mai devenant la grande
bataille par laquelle le libéralisme allait être maintenu hors de
nos frontières.
C'est ainsi que le « non » de gauche rejoignait le
« non » de droite. La demande de protection sociale, par l'Etat,
entrait en contact avec la demande de protection nationale, par les
frontières. La figure rhétorique du « plombier polonais
» assurait la jonction entre ces deux registres, d'un côté le
« national », de l'autre le « social ».
La thèse selon laquelle les partisans du « non
» forment un camp hétéroclite est hautement contestable. Le
thème de la « renégociation » aura fourni un second
grand argument aux partisans du« non ». En effet, il apparaissait
plus efficace d'inviter à rejeter le Traité proposé pour
en promettre un autre, qui lui serait supérieur, que de refuser tout
progrès de l'Union .
Telle était la thèse d'un « non
européen ». Bien des Français ont été
guidés par cette illusion. Selon Ipsos, au moment de voter, 39% des
électeurs du « non » pense que « cela permettra de
renégocier une meilleure constitution ». Le chiffre fourni par
l'enquête Sofres est à peu près le même (35%). D'un
autre côté, la victoire du « non » ne semble
guère avoir renforcé la croyance dans la thèse du «
plan B » qui devait favoriser la France et les intérêts des
Français.
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