Chapitre 2 : Le projet de constitution
européenne
appréhendé par les
Français
« Etude de cas portant sur le
référendum du 29 Mai 2005 »
L'exercice démocratique du 29 mai 2005 confirme
amplement que le référendum demeure un instrument propice au
détournement, particulièrement par temps de morosité
économique et d'impopularité gouvernementale.
La victoire du « non » peut être comprise
comme celle d'un « vote sanction » national dont l'Union
européenne supportera le coût. Selon l'enquête Ipsos, la
première motivation invoquée par ceux qui ont voté «
non » a été l'expression d'un mécontentement à
l'égard de « la situation économique et sociale actuelle en
France » (52%).Pour la Sofres, 40% des électeurs ayant choisi le
« non » ont répondu « vouloir exprimer mon ras-le-bol
vis-à-vis de la situation politique actuelle ».
L'enquête CSA met en lumière qu'au moment de
voter, 41% des électeurs interrogés avaient d'abord en tête
la situation sociale de la France. C'est donc dans le cadre d'un scrutin
perçu avant tout comme national que les Français se sont
prononcés sur un enjeu européen.
Section 1 : les forces en présence.
Du point de vue de l'engagement des formations politiques, le
« oui » était défendu par quatre partis : les Verts, le
Parti socialiste, l'UDF et l'UMP. Le « non » était
défendu par neuf formations comprenant le Parti communiste, trois partis
d'extrême gauche : Lutte ouvrière, la ligue communiste
révolutionnaire et le Parti des travailleurs ; deux partis
d'extrême droite : le Front national et le MNR ; et trois
partis souverainistes : le Mouvement pour la France, le Rassemblement du
peuple français et le Mouvement des citoyens.
Au premier coup d'oeil, le rapport de force électoral
est très favorable aux partis du « oui ». Si l'on compare les
performances de chacun des deux camps lors des trois dernières
élections où il était possible d'évaluer
séparément leur influence, c'est-à-dire en dehors des
moments où le PC et le PS se sont associés en présentant
des listes d'union comme ce fut le cas lors des élections
régionales de mars 2004, l'écart est toujours en faveur des
partisans du « oui ». L'écart le plus faible peut être
relevé le 21 avril 2002, mais il est cependant de 15 points. La victoire
du « non » s'explique aisément par le ralliement d'une large
partie de l'électorat socialiste et écologiste.
Selon Ipsos, 56% des électeurs qui se disent proches du
PS ont voté « non ». La proportion grimpe à 60% pour
les électeurs qui se disent proches des Verts. De même, toujours
selon Ipsos, 54% des électeurs déclarant avoir voté Lionel
Jospin le 21 avril ont voté « non » le 29 mai. On retrouve la
même proportion de « non » parmi les anciens électeurs
de Noël Mamère(55%).
De nombreux électeurs de gauche ont certainement eu le
sentiment d'avoir à voter une seconde fois avec ou pour Jacques Chirac,
après le 5 mai 2002, et n'ont pas voulu prendre le risque que leur
bulletin puisse être confondu avec un soutien à la majorité
en place. Il n'en demeure pas moins que la victoire du « non » est la
conséquence du basculement d'une fraction majoritaire de
l'électorat de gauche et que ce basculement a été
largement favorisé par la dissidence de quelques responsables
socialistes, au premier rang desquels Laurent Fabius, désormais porteur
d'une responsabilité historique dans l'avènement du « non
» français au Traité européen.
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