E.
Quels sont les effets de la prise en charge d'un enfant abandonné?
L'ordonnance relative à l'octroi de la Kafala donne
lieu aux effets suivants :
- La personne assurant la Kafala est chargée de
l'entretien de l'enfant pris en charge, de sa garde, sa protection,
jusqu'à sa majorité légale (18 ans). Si l'enfant pris en
charge est de sexe féminin, son entretien se poursuit jusqu'à son
mariage ou jusqu'à ce qu'elle puisse subvenir elle-même à
ses besoins. Si l'enfant pris en charge est handicapé ou incapable de
subvenir à ses besoins, l'obligation d'entretien se poursuit.
- La personne qui assure la Kafala bénéficie des
indemnités et allocations sociales allouées aux parents pour
leurs enfants.
- La personne assurant la Kafala est civilement responsable
des actes de l'enfant pris en charge.
F. Un
enfant pris en charge peut il être emmené pour résider de
manière permanente à l'étranger ?
Si la personne à qui est confiée la Kafala
désire s'établir à l'étranger en compagnie de
l'enfant pris en charge, elle doit obtenir l'autorisation du juge chargé
des affaires des mineurs.
Avant de délivrer l'autorisation de quitter le
territoire national, à destination du pays dans lequel le
bénéficiaire de la Kafala désire emmener l'enfant pris en
charge, le juge s'assure de l'existence d'une convention judiciaire permettant
le régime de la Kafala, avec le pays en question, il peut
également se faire produire, par le titulaire de la Kafala, un
certificat délivré par les autorités du pays de
destination, attestant que l'enfant pris en charge aura une situation juridique
stable dans le pays d'accueil.
En cas d'obtention de l'autorisation du juge, une copie en est
adressée aux services consulaires marocains du lieu de résidence
de la personne chargée de la Kafala afin de suivre la situation de
l'enfant et de contrôler l'exécution par cette personne de ses
obligations, en informant le juge compétent de tout manquement.
G.
Quand cesse la kafala ?
La Kafala cesse pour l'un des motifs suivants:
- lorsque l'enfant pris en charge atteint l'âge de la
majorité légale (à l'exception de l'handicapé,
l'incapable de subvenir à ses besoins et la fille non mariée.)
- le décès de l'enfant soumis à la Kafala. - le
décès des deux époux assurant la Kafala, ou la perte de
leur capacité. - le décès de la femme assurant la
Kafala, ou la perte de sa capacité. - la dissolution de
l'institution, l'établissement, l'organisme, ou l'association assurant
la Kafala. - l'annulation de la Kafala par ordonnance judiciaire.
Paragraphe 3 : La prise en charge de l'enfant abandonner
dans les pays musulmans
Hormis en Tunisie, l'adoption en tant que sauvegarde avec
filiation, est prohibée dans tous les pays où l'islam est
religion d'État.
Dans ces pays, la sauvegarde de l'enfant privé de
famille est conçue différemment selon le degré
d'engagement des militants de l'enfance et de l'esprit d'ouverture des
décideurs.
Les articles 20 et 21 de la CIDE traitent des obligations de
l'État en matière de protection de l'enfant privé de
famille,
L'article 20 évoque l'adoption comme une des
sauvegardes possibles à côté de la kafala de droit
islamique sans aucun jugement de valeur sur l'une ou l'autre;
L'article 21 rappelle les principes et la
réglementation en vigueur en matière d'adoption.
Aucune ouvre de placement n'existe dans les Etats musulmans,
lesquels sont juridiquement tuteurs des enfants privés de famille
jusqu'à ce qu'ils soient confiés en kafala ou tutelle
légale.
La kafala peut être prononcée simplement par
devant notaire ou judiciaire objet d'un jugement.
En Algérie la seule autorité compétente
pour ce faire est le Directeur de l'Action Sociale par délégation
du wali (préfet).
L'enfant est confié en kafala après
enquête sociale de la famille postulante qui doit le considérer
comme son propre enfant et peut, s'il est d'ascendance inconnue, lui donner son
nom patronymique par décision du ministre de la justice; pour autant,
l'enfant mekfoul (adopté) n'en a ni la filiation ni ses attributs
(héritage notamment).
En Algérie la kafala judiciaire est recevable pour la
concordance de nom à condition que l'enfant soit d'ascendance inconnue
ou que la mère biologique ait préalablement donné son
consentement par écrit à ce changement de nom ce qui n'est pas le
cas dans les autres pays musulmans où la concordance de nom entre
" kafil " et " mekfoul " est absolument prohibée.
Ce progrès dans le droit algérien date de
février 1992, il est le résultat de deux années d'efforts
de l'AEFAB pour convaincre le Conseil Supérieur Islamique de la
nécessité d'une fetwa dans ce sens, fetwa signée en
août 1991 et préalable comme pour tout amendement apporté
par le gouvernement au Droit des personnes.
Tout en respectant certains principes fondateurs le droit se
doit d'être constamment aménagé pour refléter la
réalité sociale et culturelle du pays où il s'applique.
Dans la mesure où le développement de certaines
activités met en relation deux ou plusieurs pays, des conventions
internationales sont négociées, elles définissent les
responsabilités des parties et préviennent autant que faire se
peut, les empiétements de souveraineté qui pourraient survenir et
les voies de leur traitement en cas de survenance.
Ces conventions sont évidemment nécessaires,
elles représentent avant tout une obligation morale, obligation plus ou
moins contraignante selon la volonté des signataires.
Pour l'enfant abandonné, l'adoption nationale ou
internationale à défaut, est ce qui peut lui être offerte
de plus précieux puisqu'elle lui permet de grandir et de
s'épanouir dans une famille de substitution désireuse de le
considérer comme sien et de l'investir en tant que projet singulier.
Certaines dispositions de la Convention internationale des
droits de l'enfant (CIDE), signée et paraphée à la quasi
unanimité des membres de l'ONU traite justement de ce sujet.
La recherche par ses rédacteurs du consensus le plus
large sur l'ensemble du texte, a aboutit à certains compromis en
matière d'intérêt supérieur de l'enfant autorisant
les pays signataires à appliquer à l'enfant accueilli chez eux la
loi de son pays d'origine en matière d'adoption.
Ceci est illustré par le fait qu'un français ne
peut pas adopter un enfant abandonné algérien, du fait qu'en
Algérie l'adoption n'existe pas stricto sensu, qu'elle a pour
équivalent la kafala.
Non seulement il ne peut pas l'adopter mais il ne peut
même pas obtenir pour lui un visa de séjour en France, alors que
les règles de conduite en matière de protection de l'enfant sont
clairement définies par les dispositions de l'article 21 de la CIDE, en
effet ;
l'alinéa 2, assujettit la protection de remplacement,
à la conformité à la législation
nationale ;
l'alinéa 3, admet la kafala de droit islamique au
même titre que l'adoption; en conséquence la kafala devrait
être reconnue au même titre que l'adoption dans les pays où
cette dernière est admise lorsque sont respectées les
dispositions visées par l'article21 qui traite de l'adoption et qui
imposent deux conditions préalables à toute adoption.
1/ l'intérêt supérieur de l'enfant,
2/ les autorisations des autorités compétentes
pour l'accueil de l'enfant.
La kafala de droit algérien répond
précisément à ces deux conditions,
L'intérêt supérieur de l'enfant
privé de famille est assuré par la famille kafila à qui il
est confié et qui le prend pour sien de façon continue et
permanente;
L'autorisation des autorités compétentes est
donnée par acte doublement authentifié:
- une première fois par le tribunal qui délivre
la kafala judiciaire à la famille kafila (adoptive),
- une seconde fois par le ministre de la justice qui autorise
le kafil (adoptant) à donner son nom patronymique à l'enfant
mekfoul (adopté).
Si adoption et kafala participent toutes deux du même
désir de permettre la vie.
Si kafala et adoption répondent au même titre
à l'intérêt supérieur de l'enfant.
Si les sentiments kafil/mekfoul sont de même
intensité que ceux adoptant/adopté.
Si les peines et les joies dans l'un et l'autre cas sont
éprouvées avec la même force.
Si l'intérêt supérieur de l'enfant et
l'autorisation des autorités compétentes sont assurés par
la kafala pour quelle raison l'adoption simple, ne s'appliquerait-elle pas
à l'enfant mekfoul ?
Heureusement qu'en matière de droit rien n'est jamais
définitif, il se trouvera des législateurs français pour
trouver- le plus tôt serait le mieux - une solution à ce
problème dans l'esprit du génie français.
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