Chapitre 2 : L'application du principe de
précaution dans le domaine de la biotechnologie moderne
Le principe de précaution propose, en situation
d'incertitude de considérer le risque encore hypothétique comme
avéré et de prendre des mesures de protection à son
égard. Il efface ainsi le retard entraîné, dans la
démarche classique par le délai d'établissement de la
preuve. Indissociable des 3 autres principes de gestion (principe d'action
préventive, de
« pollueur-payeur70 » et de
participation), le principe de précaution défini par la loi
Barnier (1995) dit en substance que l'absence de certitudes nous impose la
précaution mais tout en considérant son coût.
Ce deuxième chapitre sera donc consacré aux OVM
et le principe de précaution (section 1) et à la
réglementation des produits génétiquement modifiés
par le protocole (section 2).
SECTION 1 : LES OVM ET LE PRINCIPE DE PRECAUTION
Nous verrons successivement dans cette première section
la sécurité alimentaire (paragraphe 1) ensuite
la prévention des risques biotechnologiques (paragraphe
2)
Paragraphe 1 : La sécurité
alimentaire
Face à la multiplication des drames sanitaires, la
sécurité alimentaire s'avère nécessaire
(A) aussi, il importe de multiplier les mesures de protection
(B)
A : La nécessité d'une
sécurité alimentaire
« Que pouvons nous encore manger ? »
Une préoccupation souvent entendue lors des crises de la vache folle en
1996 en 2000 et encore aujourd'hui avec l'apparition de cette maladie aux
USA.
Avec la crise de la vache folle, sécurité
alimentaire, principe de précaution et communication de risques sont
devenus des maîtres mots. Deux crises majeures ont jalonné
l'histoire de la vache folle : en 1996, lorsqu'on apprenait que la maladie
pouvait se transmettre à l'homme et en 2000, lorsque l'Union
européenne prenait conscience qu'elle était aussi amplement
touchée par la vache folle. Le consommateur se découvrait des
angoisses alimentaires et s'interrogeait sur l'intégrité des
aliments. Avec la crise de la vache folle, l'image bucolique de la vache
paissant stoïquement l'herbe fraîche en regardant passer les trains
a pris du plomb dans l'aile.
Plus personne ne conteste aujourd'hui la
nécessité d'une sécurité alimentaire
intégrale, « de l'étable à la table », sur toute
la filière alimentaire. La sécurité alimentaire commence
par l'alimentation animale et se poursuit à la ferme. L'exemple de la
vache folle, mais aussi les autres scandales alimentaires comme le poulet
à la dioxine, nous le montre: si l'on veut obtenir des denrées
alimentaires de qualité, la production primaire dans ses multiples
aspects (alimentation des animaux, conditions de vie, hygiène de
l'étable, utilisation de médicaments, etc.) doit être
optimale.
70. Dans son orientation
générale, il s'agit d'un principe simple selon lequel
l'opérateur d'une activité dangereuse qui cause un dommage
à l'environnement doit réparer les conséquences de
celui-ci.
Garantir la sécurité alimentaire n'est pas
toujours chose aisée. La vache folle en est l'exemple par excellence. On
ne connaissait presque rien des maladies à prions lorsque le premier cas
de vache folle est apparu en Grande-Bretagne en 1986. Depuis, des
progrès énormes ont été faits dans la
compréhension de la maladie. Toutefois, malgré ces
progrès, la vache folle reste toujours entourée d'énigmes
dont une de taille : quel est le risque exact encouru par l'homme ? Certains
l'estiment minime, d'autres sont plus alarmistes.
Bien que le protocole de Cartagena sur la prévention
des risques biotechnologiques soit le seul instrument international
consacré exclusivement aux OGM, il n'existe pas dans le
« vide ». La convention sur la diversité biologique,
à laquelle est rattachée le protocole, demande elle-même
aux gouvernements de mettre en place des moyens pour réglementer,
gérer ou maîtriser les risques associés à
l'utilisation et à la libération d'OGM. Il existe en outre
plusieurs instruments internationaux et processus d'établissement des
normes traitant de divers aspects de la prévention des risques
biotechnologiques.
Il s'agit notamment des instruments suivants :
La commission du Codex Alimentarius, qui
traite des problèmes de sécurité alimentaire et de
santé du consommateur. Cette commission a établi une
équipe de travail intergouvernementale spéciale sur les aliments
dérivés des biotechnologies, chargée d'élaborer des
normes et des lignes directrices pour les produits alimentaires issus du
génie génétique. La commission s'intéresse aussi
à l'étiquetage de ces aliments pour permettre au consommateur de
faire un choix éclairé.
La convention internationale pour la protection des
végétaux, qui a pour mandat de protéger la
santé des plantes en évaluant et en gérant les risques
phytosanitaires. Cette convention est en train d'établir des normes
relatives aux risques phytosanitaires associés aux OGM et aux
espèces envahissantes. Tout OGM susceptible d'être
considéré comme ravageur est couvert par cet instrument.
L'office international des épizooties
(OIE), qui élabore des normes et des lignes directrices pour
prévenir l'introduction d'agents infectieux et de maladies dans le pays
importateur lors de mouvements commerciaux transfrontières d'animaux, de
matériel génétique animal et de produits animaux..
En réaction contre la sécurité
alimentaire, Philipe KOURILSKY dans son ouvrage « Du bon usage du
principe de précaution » précité p142-144,
écrit : « la question de la sécurité
alimentaire relève plus de fantasmagorie que de la
réalité. Des centaines de millions de personnes ont aux USA, en
Chine et ailleurs consommé pendant des années et consomment
toujours, des OGM sans qu'aucune incidence sanitaire ait été
relevée. En outre, il n'existe aucune base logique ou scientifique qui
légitime l'interrogation »71.
La nécessité d'une sécurité
alimentaire aboutit à une multiplication des mesures de
précaution qui fera l'objet ne notre (B).
71. Philipe KOURILSKY, du bon usage du
principe de précaution précité p142-144
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