B- Une anticipation des drames écologiques
Il faut faire en sorte que la vie puisse perdurer, ce qui oblige,
dans une certaine mesure, à réduire l'incertitude. L'ignorance
quant aux conséquences exactes à court ou à long terme de
certaines actions ne doit pas servir de prétexte pour remettre à
plus tard l'adoption de mesures visant à prévenir la
dégradation de l'environnement. Autrement dit, face à
l'incertitude ou à la controverse scientifique actuelle, il vaut mieux
prendre des mesures de protection sévères à titre de
précaution que de ne rien faire. C'est en réalité mettre
concrètement en oeuvre le droit à l'environnement des
générations futures29.
Le caractère souvent irréparable des dommages
causés à l'environnement impose d'en prévenir la
survenance30. Telle a été la
préoccupation fondamentale des auteurs des premières conventions
sectorielles consacrées à la préservation de certaines
espèces animales menacées ou de certains
espaces31. La place faite à la
prévention dans le droit international de l'environnement, fait de
celui-ci un droit d'anticipation.
Consacré par le principe 21 de
Stockholm32, repris par le principe 2 de Rio, le
devoir de prévention, donc d'anticipation des drames écologiques
qui incombe à tous les Etats a fait l'objet d'un projet d'articles
adopté en première lecture en 1998 par la CDI, dans le cadre du
sujet plus général relatif à la responsabilité pour
les conséquences préjudiciables des activités qui ne sont
pas interdites par le droit international33 dont
l'article 3 dispose : « Les Etats prennent toutes les
mesures appropriées pour prévenir les dommages
transfrontières significatifs et pour en réduire le risque au
minimum ».
Les mesures pour l'environnement doivent anticiper,
prévenir et combattre les causes de dégradation de
l'environnement. Ceci implique que le principe de précaution impose aux
Etats des obligations continues, dont la consistance évolue avec les
progrès des connaissances scientifiques. Ainsi dans l'affaire
précitée du Projet Gabcikovo-Nagymaros, la C.I.J. a invité
les Parties à « examiner à nouveau les effets sur
l'environnement de l'exploitation de la centrale »
hydroélectrique construite sur le Danube en application d'un
traité de 1977, à la lumière des nouvelles exigences de la
protection de l'environnement.
29. Michel PRIEUR, opcit page 154
30. Voir C.I.J , arrêt du 25 septembre 1997, projet
Gabcikovo-Nagimaros, paragraphe 140
31. NGUYEN Quoc Dinh, droit international public, page 1254
32. Conférence tenue à Stockholm le 16 juin 1972
33. Voir le rapport de la CDI sur sa 53e session,
A/53/10, p.18 s
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