CHAPITRE 2 :
LA RECHERCHE D'UNE PROTECTION PLUS EFFICACE DE LA
DIVERSITE BIOLOGIQUE
Dans le préambule du protocole, les Parties
réaffirment le principe de précaution comme fondement de leur
démarche (section 1).Il souligne que les accords sur le
commerce et l'environnement devraient se soutenir mutuellement en vue de
l'avènement d'un développement durable. Il s'impose donc une
nécessité d'une protection durable de la diversité
biologique (section 2)
SECTION 1 : UNE PROTECTION FONDEE SUR LE PRINCIPE DE
PRECAUTION
Pour promouvoir la prévention des risques
biotechnologiques, le protocole s'appuie sur un concept fondamental :
l'approche de précaution consacrée par le principe 15 de la
Déclaration de Rio de 1992 sur l'environnement et le
développement, qui stipule que : « en cas de risque
de dommages graves ou irréversibles, l'absence de certitude scientifique
absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard
l'adoption de mesures effectives visant à prévenir la
dégradation de l'environnement »
Le domaine du principe de précaution est celui de
l'incertitude. Nous verrons ici que la biotechnologie est un domaine en proie
aux incertitudes scientifiques (paragraphe 1) et qu'il
s'avère donc nécessaire de réduire toutes les menaces
potentielles à la diversité biologique (paragraphe
2).
Paragraphe 1 : La biotechnologie : un domaine en
proie aux incertitudes scientifiques
Ceci s'explique par l'absence de certitude scientifique
absolue (A) et une incertitude scientifique dans la
préservation de la diversité biologique (B)
A- L'absence de certitude scientifique absolue
Dans le domaine de la biotechnologie moderne, il existe une
absence de certitude absolue. L'affaire Pusztai citée par Corinne
Lepage18 ``in La politique de précaution'',
illustre notre propos.
En 1998, le docteur Arpad Pusztai s'exprime à la
télévision anglaise dans ces termes : « Il
est injuste de faire tenir à nos compatriotes le rôle de
cobaye. » Ce chercheur du Rewett Research Institute d'Aberdeen a mis
en lumière les effets pervers que provoque chez les souris
l'alimentation par des pommes de terre transgéniques.
18. Corinne LEPAGE, François GUERY, la
politique de précaution, PUF, p.53 et s
Nourries durant cent dix jours, avec ces pommes de terre
transgéniques, les souris subissent des modifications de leurs
défenses immunitaires (pertes de la moitié des lymphocytes) et
des perturbations au niveau de leur cerveau. Après son interview, le
docteur Pusztai est limogé par l'Institut Rewett pour manque de
sérieux, voire malhonnêteté. Six mois plus tard, une
centaine de chercheurs lance une pétition internationale pour soutenir
Pusztai en indiquant qu'ils ont procédé aux mêmes
recherches que lui et ont observé les mêmes modifications.
A ce jour on ignore si Pusztai a tort ou a raison. Ce qui est
certain c'est qu'il était assez facile à un certain nombre
d'organismes de chercheurs publics de procéder aux mêmes
expériences et de démontrer qu'il avait tort. Or cela n'a pas
été fait. Peut-être précisément parce que
Pusztai n'avait pas tort. A ce jour en tout cas, on ne le sait pas.
La question reste donc ouverte des effets des OGM sur les
espèces animales. Est-ce que les OGM entraînent des mutations
génétiques ou des effets négatifs sur les espèces
animales ?
En effets, au sujet des OGM, si l'absence d'innocuité
ne peut pas, en tant que telle être prouvée, toutes les recherches
doivent être engagées pour tenter de démontrer si le
produit est nocif. Or, précisément, les conditions actuelles de
mise sur le marché des OGM vont directement en sens contraire puisque
les études qui pourraient prouver la nocivité ne sont pas
entreprises. D'autre part dans les faits, l'existence de pollutions
génétiques apparaît progressivement.
A cela s'ajoutent l'absence de capacités propres de
recherche, et le risque de destruction d'un des éléments
essentiels de la sécurité alimentaire, à savoir la
biodiversité19.
B- L'incertitude scientifique dans la
préservation de la biodiversité
La convention sur la diversité biologique indique la
nécessité de prévenir les causes de réduction de la
biodiversité. Dès l'alinéa premier de son
préambule, elle affirme « la valeur intrinsèque de la
diversité biologique » définie comme « la
variabilité des organismes vivants de toute origine y compris, entre
autres, les écosystèmes terrestres, marins et autres
écosystèmes aquatiques et les complexes écologiques dont
ils font partie ; cela comprend la diversité au sein des
espèces et entre espèces ainsi que celles des
écosystèmes »20, ces
derniers étant des complexes dynamiques formés de
communautés de plantes, d'animaux et de leur environnement non-vivant
qui, par leur interaction forment une unité fonctionnelle »
(article 2).
Conformément à l'orientation donnée
dès 1982 par la Charte mondiale de la nature (résolution 37/7 de
l'Assemblée Générale), il ne s'agit plus seulement de
protéger des espèces menacées de disparition, mais
d'assurer que « la viabilité génétique de la
terre ne sera pas compromise » (principe 2).
19. Ouvrage précité page 44
20. NGUYEN Quock Dinh, Droit International
Public, 6e édition page 1277-1278
Le terme de biodiversité (diversité biologique)
est un néologisme apparut au début des années 1980 au sein
de l'Alliance Mondiale pour la Nature (UICN). Il a fallu toutefois attendre la
conférence de Rio sur l'environnement et le développement,
organisée par les Nations Unies en 1992, pour que ce terme soit
largement vulgarisé. Il désigne tout simplement « la
variété des espèces vivantes qui peuplent la
biosphère ». La biosphère peut se définir de la
façon la plus simple comme « la région de la
planète dans laquelle la vie est possible en permanence et qui renferme
l'ensemble des êtres vivants »21
Définie par le Professeur Michel PRIEUR22
comme « la diversité des
écosystèmes et des ensembles vivants », la
diversité biologique est essentielle pour la survie de
l'humanité. Elle permet le renouvellement harmonieux des ressources
animales et végétales indispensables à la vie.
Raison pour laquelle l'absence de certitude scientifique doit
être envisagée non seulement par rapport à la menace
d'extinction pesant sur les espèces sauvages de la faune et de la flore,
mais aussi sur les données biologiques des espèces elles
mêmes23.
Au niveau de la population, la biodiversité
s'évaluera par la mesure de la diversité génétique.
L'incertitude est alors appréciée par rapport
à leur capacité de survie ou de reproduction face à la
transformation de leur milieu naturel. C'est le cas dans l'affaire
Leatch24 où le juge Australien a
estimé que l'annulation de l'autorisation de construction d'une route,
en raison de ses conséquences néfastes sur 2 espèces
sauvages australiens rares, était tout à fait légal. Le
juge Stein, pour fonder sa décision, invoque l'incertitude scientifique
portant sur « la viabilité à long terme de la faune
locale menacée » et « l'ignorance concernant la
nature ou l'étendue de ses effets néfastes ».
Certaines études chez les animaux
révèlent qu'un transgène introduit dans une population de
poissons par le biais de quelques individus pourrait se diffuser à toute
la population et éradiquer en quelques générations la
population non transgénique. Les OGM pourraient donc entraîner de
ce fait un appauvrissement de la biodiversité
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