Subjectivité et intersubjectivité dans la conversion indiviuelle masculine à l'islam en France au XXI siècle( Télécharger le fichier original )par Marie Bastin Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris - 2002 |
De la « conversion » ou des « conversions »Il existe différents types de « conversion ». Si les classifications sont diverses, selon les auteurs et les dénominations, les six modèles définis pas J.-L. Blaquart35(*) seront retenus. La « conversion », dite moderne, attirera en premier lieu l'attention, bien qu'elle soit la sixième dans la classification empruntée. Car elle consiste en un certain éclectisme par lequel, l'homme moderne ne veut « plus sacrifier à un ordre collectif dans lequel il devrait renoncer à son identité spécifiquement individuelle : cependant, il garde la nostalgie d'une parfaite harmonie avec son milieu. » L'individu y est « un « moi » irréductible à toute norme exogène qui prétendrait décider de son sort. »36(*) Si ce modèle peut être central pour notre réflexion, les cinq autres modèles ne peuvent pourtant pas être mis sous le boisseau. Une conversion religieuse n'est effectivement presque jamais monolithique, tant sur le plan de la narration faite par le converti, que par la « réalité » même de la conversion. Chaque conversion mêle, selon les différents moments de l'existence spirituelle du converti, des éléments des différents types de conversions définis comme suit. La conversion traditionnelle est un retour : « l'individu qui se convertit vient à résipiscence [...]. Il restaure le lien qui le retenait à sa culture, rentre dans le rang, revient au bercail, efface la honte, l'indignité, le déshonneur, l'exclusion. »37(*) La conversion rationnelle est une critique : « elle opère un jugement sur une tradition jusque-là considérée comme vénérable et sacrée, vis-à-vis de laquelle elle prend de la distance [...]. La crisis, rupture par la raison, dédouble la culture : l'opinion et la science, le mythe et la philosophie, l'illusion et la vérité [...]. Elle sert une normativité secondaire [...] et place l'individu au centre d'une conversion qui concerne la culture et ses normes. »38(*) La conversion biblique met l'accent sur la rencontre : « se convertir, dans la Bible, c'est se tourner vers quelqu'un qui a parlé, et ce faisant, rompre avec des attachements idolâtriques [...]. Elle ouvre une histoire particulière et contingente qui fait espérer un avenir inédit [...]. Cette conversion ne se fait pas sans la décision du croyant, et celle-ci, jamais définitive et irrévocable, est sans cesse sollicitée [...] C'est à lui de choisir entre le vrai et les faux dieux [...] La conversion ne soumet plus l'homme à un ordre collectif qu'il n'aurait qu'à reproduire, elle lui donne au contraire une existence et un poids nouveaux par le mandat qu'elle lui confie de rompre avec le faux. »39(*) La conversion gnostique est une évasion : « cette conversion-ci ne fait pas assumer le mal par la culture. Certes, l'individu n'y est plus tenu comme coupable, puni par son anomie [...]. Il est cette fois victime innocente d'une chute qui a entraîné le divin dans l'horreur et la pesanteur du monde. C'est sur celui-ci qu'est expulsé le mal. »40(*) La conversion évangélique est un renversement : le converti n'est alors pas « celui qui respecte la loi et fait valoir ses mérites, mais au contraire celui qui accueille le pardon inconditionnel de dieu. »41(*) * 35 ibid, p. 18 * 36 ibid, p. 24 * 37 ibid, p. 18 * 38 ibid, p. 19 * 39 ibid pp. 20-21 * 40 ibid, p. 22 * 41 ibid, p. 23 |
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