Les contrats dans le cyberespace à l'épreuve de la théorie générale: problèmes et perspectives( Télécharger le fichier original )par Cica Mathilda DADJO Université d'Abomey Calavi - BENIN - Maîtrise en droit des affaires et carrières judiciaires 2003 |
Paragraphe 2 Détermination de la capacité du cocontractantD'après l'article 1123 du code civil toute personne peut contracter si elle n'est pas déclarée incapable par la loi. La validité du contrat cyberspatial est donc soumise à la capacité des contractants. Toutefois, l'on ne saurait s'assurer de la capacité du contractant, sans l'avoir au préalable identifié. 87 Cela donne un processus en quatre étape où chacun des partenaire communique à deux reprises avec son co- contractant : envoi de l'offre et invitation à cliquer de nouveau d'un côté et envoi de l'acceptation et second clic. 88 DEMOULIN (M.), MONTERO (É.), « La conclusion des contrats par voie électronique »,op. cit., P.770. 89 Université de Liège, Service de droit romain, en ligne : <http://www.ulq.ac.be/vinitor/SYL/S80.htm>. 90 Dans le cas inverse, l'on serait en présence d'une nouvelle offre émanent cette fois ci de l'autre partie. Voir MAZEAUD ( H., L., J.), Leçons de droit Civil, T2, Montchréstien, Paris, 1966, p.112. A. L'IDENTIFICATION DES PARTIES DANS LE CYBERESPACE. En raison de la dépersonnalisation des échanges sur Internet, il n'est pas possible de savoir qui est derrière l'écran lors de la conclusion d'un contrat cyberspatial. Or, cette interrogation est de nature à avoir des répercussions sur la validité de l'engagement contractuel. Ceci, dans la mesure où le contrat passé avec un incapable est entaché de nullité et dépourvu d'effets comme si l'incapable n'avait jamais consenti91. Le problème est d'autant plus d'actualité qu'un nombre de plus en plus croissant d'enfants font des recherches sur des produits et achètent des articles dans le cyberespace. Comme le fait remarquer le rapport Yolin92, « il est relativement facile d'usurper l'identité d'une personne ou d'un site », capacité et identité sont évidement liées. La personne derrière l'écran peut bien être un hacker93 familial ou ne même pas appartenir à la famille puisqu'il est possible à de multiples internautes de se connecter successivement au moyen d'un même ordinateur94. La localisation ou l'identification de l'adresse IP d'un ordinateur ne permet donc pas a priori de déterminer la personne qui était connectée à cet instant précis. La question de la capacité ne poserait pas plus de problème dans le cyberespace que d'ordinaire si le contractant avait la faculté d'évaluer directement la capacité de la personne qui accepte son offre. Par ailleurs, il est à noter que l'âge de la majorité n'est pas identique dans tous les Etats. Par conséquent, un contractant local peut légitimement ignorer que son correspondant étranger ne jouit pas d'une capacité pleine et entière. 91 Le consentement n'est valable que si la partie qui le donne est physiquement capable d'avoir et d'exprimer la volonté de s'engager, Civ., 1ère sec Civ. , 17 oct. 1955, DALLOZ 1956. Somm.26. 92 YOLIN (M.), MERLIN (J.-C.), « Internet et PME : mirage ou opportunité? » Rapport auprès du ministère de l'Économie, des Finances et de l'Industrie [France], en ligne : http://www.evariste.org/yolin/2001/sommaire.html> 93 Voir glossaire. 94 C'est le cas des cybercafés. Etant donné que, le cyberespace ne permet pas de s'assurer de l'âge de la personne avec laquelle on contracte, a fortiori, on ne peut déceler l'identité de celle-ci. Il est à noter que l'erreur sur l'identité de la personne n'est pas en soit une cause de nullité du contrat. La question ne se posera en effet que dans le cas des contrats intuti personnae qui sont plutôt rares dans le cyberspace. B. LES MODALITES PRATIQUES DE LA DETERMINATION DE LA CAPACITE DANS LE CYBERESPACE. Certains Webmasters sont déjà équipés de système permettant d'identifier l'âge de leurs visiteurs. Ces systèmes fonctionnent souvent par le biais d'une institution intermédiaire (adultcheck, adultsign etc..) qui demande au client la délivrance d'une preuve de majorité, le plus souvent par la fourniture du numéro d'une carte de crédit. En retour, le client reçoit un numéro d'identification et un mot de passe qu'il pourra utiliser pour ouvrir les pages du site. A l'origine, ces systèmes n'ont pas été conçus pour former des contrats valides, mais bien plutôt pour protéger le diffuseur d'informations préjudiciables aux mineurs contre les poursuites judiciaires. L'on aurait pu proposer leur utilisation dans le but de s'assurer de la capacité d'un cocontractant, s'il ne présentait pas les inconvénients suivants : - la simple délivrance d'un numéro de carte de crédit n'est pas une condition suffisante pour s'assurer de la majorité d'un acteur, nombreux sont les cas de piratage de cartes de crédit ; - les commerçants ne désirent pas alourdir les procédures d'acceptation, qui en elles-mêmes exigent souvent la délivrance d'un numéro de carte de crédit pour effectuer le paiement du produit ou du service souhaité. - de plus, à l'heure actuelle, les cartes de crédit n'est pas encore d'usage courant dans les pays en développement et au Bénin en particulier. Pour ce qui est de la méconnaissance de la capacité des cocontractants de nationalité différente, le principe de l'ignorance excusable du cocontractant établi par la jurisprudence française Lizzardi95 est une porte de sortie. Dans la même logique, deux auteurs estiment que l'ignorance sera excusable pour les actes conclus dans la vie courante des parties et pour lesquelles les enquêtes sur la capacité constitueraient une véritable gène pour le commerce96. Transposée dans le cadre des relations cyberspatiales, cette affirmation porte à croire que la règle y serait généralement appliquée. La convention de Rome pose le même principe mais délimite son application de façon très expresse. Selon l'article 11, de cette convention, dans un contrat conclu entre personnes se trouvant dans un même pays, une personne physique qui serait capable selon la loi de ce pays ne peut invoquer son incapacité résultant d'une autre loi que si, au moment de la conclusion du contrat, le cocontractant a connu cette incapacité ou ne l'a ignorée qu'en raison d'une imprudence de sa part. Si les deux contractants ne sont pas dans le même pays, soit lorsque le contrat est conclu à distance, la convention [de Rome] ne veut pas écarter la protection de l'incapable 97. En d'autres termes, quand les parties ne sont pas en présence, quelles que soient les précautions prises par le cocontractant, le mineur pourra toujours lui opposer son incapacité. Si la vente cyberspatiale est qualifiée de contrat entre non présents, on devine sans mal l'insécurité qu'une telle règle peut provoquer auprès des commerçants. De manière générale, les parties peuvent remédier aux problèmes de capacité et d'identification en ayant recours aux méthodes d'identification par signature électronique et de certification qui seront développées dans la section suivante. 95 GIULIANO (M.), LAGARDE (P.), « Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles », Journal officiel n° C 282 du 31/10/1980 p. 0001 - 0050. 96 TALPIS (J. A.), CASTEL (J.-G.), « Le Code Civil du Québec - Interprétation des règles du droit international privé », dans Le Barreau du Québec et la Chambre des notaires du Québec, dir., La réforme du Code civil, t. 3, Québec, Presses de l'Université Laval, 1993, p. 843. 97 GIULIANO (M.), LAGARDE (P.), Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles, op. cit. |
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