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Comment les chaà®nes de France Television se différencient elles des chaà®nes de télévision privées sans semer la confusion chez le telespectateur ?

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par Clémentine Mervelet
Institut Supérieur de la Communication et de la Publicité (ISCOM) - maà®trise de communication globale option communication publique 2005
  

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1.3.2 Une cible vaste et par conséquent difficile à cerner

France 2, France 3 et France 5, si elles n'ont pas les mêmes objectifs

dans leurs programmes, se réunissent globalement sur un point : leur cible. Les

trois chaînes vise la cible la plus difficile à toucher dans le monde de la

communication : la plus large population. Comme le précise Rémi Festa,

Directeur des Etudes de France Télévisions Holding, « la télévision a pour cible la

diversité des publics. La télévision publique n'est pas centrée sur la cible

publicitaire, elle doit atteindre tous les publics. » C'est un objectif d'autant plus

difficile qu'il est pratiquement impossible de séduire tout le monde. Comment

faire pour réaliser une programmation qui plaise à la fois aux jeunes de 15-25

ans, par exemple, mais aussi aux personnes âgées ? C'est dans ce désir de

cibler la plus grande partie de la population que l'avantage de posséder trois

chaînes se constate le plus facilement. Pour résoudre cette problématique de

ciblage et attirer le plus de personnes possible, les chaînes publiques se servent

de l'équilibrage de leurs programmes. Pour attirer un certain secteur de la

population tout en concurrençant les chaînes privées comme TF1, au fort

potentiel, elles se répartissent les programmes en fonction des cibles. Ainsi, le

dimanche matin, France 3 va toucher les jeunes par son émission de dessins

animés, « F3x », suivie de « C'est pas sorcier » tandis que France 2 va toucher

les personnes adultes et pratiquantes ou intéressées par la religion dans son

émission religieuse. A ce moment là, France 5 diffuse quant à elle des émissions

culturelles, comme « Le bateau Livre ». Les trois créent de cette façon un

équilibre pour toujours attirer des publics diversifiés et tenter de combattre la

concurrence des chaînes privées. Ceci dit, dans l'exemple que nous avons

cité, il convient de préciser que la diffusion télévisuelle de la messe sur France 2

est obligatoire, c'est un devoir moral pour la chaîne, qui considère, comme l'a

précisé Rémi Festa, que c'est une mission de service public que de

programmer ce genre d'émission.

1.3.3 Les moyens de communiquer institutionnellement,

divers mais limités

Les quelques moyens que nous allons présenter maintenant sont ceux

qui, communs aux trois chaînes, leurs permettent de mettre en avant leur

valeurs humaines et sociales dues à leur appartenance au service public. Ce

sont également les moyens qu'elles utilisent pour communiquer vers le grand

public.

- la Charte : disponible en téléchargement sur le site www.francetelevisions.fr ,

elle présente les grandes lignes de la politique commune des trois chaînes,

c'est-à-dire également celle du groupe. Par ce biais, France Télévisions

souhaite faire passer le message selon lequel France 2, France 3 et France 5 ont

un respect du téléspectateur et s'adresse au grand public mais aussi aux

professionnels de l'audiovisuel. Le texte annonce la couleur dès son

préambule : « la « Charte de l'antenne » de France Télévisions illustre les

engagements de qualité et de rigueur, de respect et d'écoute que nous

prenons vis-à-vis des téléspectateurs ». Ce moyen est souvent utilisé par les

entreprises des secteurs les plus divers pour montrer à tous les publics leurs

engagements et valeurs. Comme autre exemple, nous pouvons citer la SNCF

qui a rédigé une charte 5à l'égard du voyageur, et qu'elle affiche sur son site

ou dans les gares. En ce qui concerne celle de France Télévisions, elle contient

de nombreux engagements et constatations sur des thèmes aussi différents

que la liberté d'expression, le rôle social de la télévision, le pluralisme, les

missions de service public, l'indépendance des journalistes, les médiateurs ou

encore le respect de la vie privée et le parrainage.

La charte est donc censée être le reflet et en même temps l'expression

de la politique d'éthique et de fonctionnement de chaque chaîne du groupe.

Néanmoins, nous pouvons préciser que si certaines notions sont communes à

toutes les chaînes du groupe et sont par conséquent rédigées en généralités,

un court paragraphe se charge de différencier France 3, France 3 et France 5

5 Charte de la SNCF, 2004-2005, téléchargeable sur le site www.sncf.com, voir Annexe 3.

en expliquant les missions de chacune des chaînes. La proportion des

généralités par rapport aux textes adaptés à chaque chaîne est sans doute

voulue pour aller dans le sens de l'homogénéisation, comme nous l'avons vu

précédemment, au sujet de leur identité. Cependant, pour donner une

chance à chaque chaîne de se différencier davantage, n'aurait il pas fallu

expliquer plus en détail les particularités de chacune ? Et accorder ainsi plus

d'importance à chaque entité.

- La synthèse sur la ligne éditoriale : adressée au ministre de la culture et de la

communication lors de sa prise de fonction, la synthèse explique en sept pages

les buts et « personnalités » de chaque chaîne, tout en éclairant le lecteur sur,

par exemple, les missions de service public.

Ce document permet également de dresser un constat de la

différence, en quelque sorte « d'attaquer » les chaînes commerciales. France

Télévisions y voit un moyen quasi-politique de se différencier, lorsque le groupe

cite par exemple que « [...] l'offre de programme et le choix de

programmation s'intéressent plus aux citoyens quels que soient leur sexe, leur

âge et leur condition sociale, qu'aux consommateurs. »6. France Télévisions

critique indirectement les chaînes dont elle se différencie, en rabaissant en

quelque sorte le système des chaînes commerciales, qu'elle juge matérialiste,

et en se déclarant proche du téléspectateur et de ses idéaux : c'est par le

terme « citoyen » qu'elle place ses objectifs au dessus de ceux des autres

chaînes. Elle affirme ainsi s'intéresser davantage aux personnes qu'aux

audiences. Elle rajoute dans le texte : « La télévision publique s'interroge

constamment sur ce qu'elle transmet alors que le secteur commercial

s'intéresse à ce que ses programmes lui rapportent. » C'est une attaque

suffisamment explicite contre les chaînes privées, France Télévision y voit une

opportunité supplémentaire de se démarquer.

Enfin, cette synthèse écrite de la ligne éditoriale suivie par les trois

chaînes hertziennes explique en quelques points les idées importantes qui

6 France Télévisions, in La ligne éditoriale des programmes de France Télévisions, septembre 2004,

page 1

régissent leur politique : nous pouvons y lire que « la télévision publique suit une

logique d'engagement », qu'elle « vise la diversité des publics » et enfin qu'elle

détient une « responsabilité déterminante sur le plan économique »7. Elle se

positionne donc sur trois créneaux à la fois : le devoir moral et engagé, la

tolérance et ouverture que l'on pourrait décrire comme « démocratique », et

enfin le créneaux économique qu'elle se sent obligée de respecter, puisque

c'est une grande partie du rôle étatique.

- Le site Internet : Le site Internet est le moyen le plus simple pour communiquer

vers différentes cibles, en permanence. En effet, le site élaboré par France

Télévisions www.francetelevisions.fr établit un contact direct avec la personne

qui visite le site, en l'occurrence le téléspectateur. Il a accès à de nombreuses

rubriques, toutes conçues par le groupe, ce qui permet à ce dernier de

transmettre directement son message grâce aux pages web écrites.

L'annonceur a l'opportunité de communiquer sur tous les sujets qui lui sont

relatifs et qui peuvent intéresser l'internaute. La communication est par

conséquent plus claire et directe, puisque écrite et vérifiée au préalable. Elle

est moins incertaine dans sa compréhension qu'un commentaire radio ou télé

par exemple, qui peut être interprété de manière plus libre par le grand public.

De plus, il y a l'avantage de pouvoir créer une relation interactive,

d'avoir l'avis de l'internaute, via l'email, pour cerner comment on peut

améliorer le site ou avoir des suggestions et idées sur une émission d'une

chaîne, ou sur la politique du groupe en général. Cette relation interactive

fonctionne d'ailleurs particulièrement bien en ce qui concerne l'émission de

« l'hebdo du médiateur », sur France 2, un style de programme qui n'appartient

qu'aux chaînes de service public, ce genre de remise en cause n'étant pas

réalisée sur les chaînes privées. Voilà donc une autre façon de se différencier

des autres chaînes. On retrouve par ailleurs cet esprit critique de l'audiovisuel

dans l'émission « Arrêt sur image », diffusée sur France 5.

7 France Télévisions, in La ligne éditoriale des programmes de France Télévisions, septembre 2004,

page 2

Pour en revenir au site Internet, il en existe bien sûr un pour le groupe,

dont nous avons parlé précédemment, mais également un pour chaque

chaîne, afin de respecter l'identité de chacune. Car si France 2, France 3 et

France 5 ont, globalement, les mêmes valeurs de fond, celles qui les lient à

France Télévisions, elles ont chacune un positionnement et une façon de voir

les choses propres à elles mêmes.

- Les partenariats citoyens :

Chaque année, France télévisions s'engage à offrir une diffusion de spots

publicitaires à des organismes qui s'occupent de « grande cause nationale ».

Ainsi, en 2004, le collectif des Petits frères des pauvres a pu communiquer sur sa

campagne et ce, gratuitement. De même, les trois chaînes publiques ont

mobilisé leur émissions autour de deux autres thèmes, bien différents et

pourtant tous deux mobilisateurs : la journée « immeuble en fête » d'une part,

qui a pour but premier de créer une sorte de lien social au sein des villes, c'est-

à-dire à l'intérieur des regroupements où, habituellement, l'individualisme est

privilégié. Et, d'autre part, sur un sujet plus sérieux, la campagne de la sécurité

routière, qui avait lieu de janvier à juin 2004. Au cours de ce premier semestre,

les reportages et interventions dans les journaux, régionaux et nationaux

confondus, se sont relayés sur France 2, France 3, et France 5. Les spots ont été

offerts par les chaînes publiques et dès les premiers résultats connus, les

retombées ont été nombreuses, prolongeant l'action de communication de

l'Etat. La délégation ministérielle chargée de cette campagne a réalisé un

partenariat sur le long terme avec la télévision publique.

Cela arrange également la communication de France Télévisions : il est

valorisant de montrer que l'on est engagé, et que l'on est le porte parole de la

citoyenneté. Cette campagne, qui aurait pu passer pour un jugement

moralisateur des conducteurs français fut au contraire une opportunité de

montrer que France 2, France 3 et France 5 s'inquiètent des problèmes de

comportement qui nuisent à la société. Ce genre de partenariat citoyen est

par conséquent une bonne façon de transmettre une image de chaîne

respectueuse de ses téléspectateurs tout en usant un moyen non directement

commercial (c'est-à-dire qui ne nécessite pas que France Télévisions verse

directement de l'argent pour réaliser par exemple une campagne

d'affichage). Néanmoins, on peut émettre une critique. L'information selon

laquelle France télévisions a offert cette campagne a-t-elle été suffisamment

véhiculée ? Pour ne pas courir le risque d'apparaître comme un organisme

public qui « joue les opportunistes » (c'est un cliché de la communication) en

utilisant la campagne des Petits Frères des Pauvres pour sa propre image,

l'ensemble des chaînes publiques n'a pratiquement pas communiqué sur ce

sujet. Il y a l'annonce sur le site Internet, ainsi que l'apparition fugace, à

chaque spot, de la mention « spot offert par France Télévisions ». N'y aurait il

pas eu une façon plus subtile et plus efficace dans les résultats pour faire

connaître le choix des chaînes publiques sur ce sujet ? Comme par exemple

réaliser des bandes annonces avec des interventions des animateurs et

personnels des chaînes publiques, disant quelques mots sur ce sujet grave...

Nous venons de voir quels étaient les moyens communs aux trois chaînes

pour communiquer sur les valeurs du service public, les moyens de

communication qui les séparaient du modèle des chaînes privées. Nous avons

analysé leurs particularités, leur histoire, leurs valeurs. Les bases décrites et

conséquentes de leur appartenance au service public semblent être

suffisamment fortes pour leur fournir à très long terme une place de choix sur le

petit écran hertzien. Cependant, nous pouvons nous poser la question de

savoir comment les trois chaînes peuvent résister sur le marché, car le fait d'être

une chaîne soutenue par l'Etat, si elle permet d'avoir des constructions solides,

entraîne aussi des contraintes qui peuvent être difficiles à vivre au beau milieu

du marché télévisuel, parmi tous les concurrents privés, au pouvoir et au succès

toujours plus grandissants. Quelles sont les contraintes à supporter ? Quelles sont

les raisons de ces « garde fous » décidés par l'Etat ? Et comment France 2,

France 3 et France 5 sont elles financées ? C'est ce que nous allons voir dans

cette seconde partie...

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus