1.2.3 La perception de France Télévisions
selon les
téléspectateurs
Concernant justement ces affinités, nous pouvons nous
demander
comment elles sont ressenties par l'opinion publique. Les
téléspectateurs voient
ils une différence entre la télévision
publique et ses concurrentes privées ? Que
signifie pour eux le terme « chaînes de
télévision publiques » ? Y associent ils des
valeurs particulières, une ligne éditoriale
spécifique, un ton caractéristique ?
La première chose qui vient à l'esprit des
personnes lorsqu'on les
interroge sur le service public audiovisuel tient en un mot :
redevance. Cet
impôt si particulier qui a pour finalité de financer
les acteurs de l'audiovisuel
public marque les esprits. Son but est clairement connu,
même s'il est très
réducteur de le définir uniquement comme financeur
des chaînes de télévision
publiques : c'est la redevance qui finance également les
radios publiques,
associatives, les projets soutenus par l'Etat,... Le
problème est que dans l'esprit
de la population française, service public audiovisuel
n'est de paire, dans un
premier ressenti, qu'avec ce terme financier. Or, être une
chaîne d'un tel
groupe, ce n'est pas que ça. La population n'a pas comme
première image
celle d'une télévision à l'offre moins
orientée commerciale que d'autres, aux
objectifs plus sociaux. Les valeurs sont perçues comme
plus « sérieuses » et
tournées vers le monde, mais pas plus divertissantes.
C'est a priori et
instinctivement la seule différence que font les personnes
entre les chaînes de
télévision publique et les chaînes
privées. En fait, l'opinion publique se répartie
selon deux types de personnes.
Premièrement, celles qui ont une idée bien
précise du service public,
une connaissance globale de son fonctionnement, qui voient
derrière ce
terme des valeurs humaines, sociales, et qui n'hésitent
pas par exemple à
envoyer des lettres de jugement sur un programme lorsque celui-ci
ne répond
pas aux critères qu'ils associent aux émissions de
France Télévisions. Nous
pouvons faire allusions à des images choquantes, un
commentaire de
reportage du journal de 13h mal perçu, etc. C'est
d'ailleurs pour répondre à ce
type de sollicitation que France 2 a créé «
l'hebdo du médiateur », émission lors
de laquelle les reportages sont passés à la loupe
et analysés/justifiés par leurs
auteurs et les intervenants grand public...
Deuxièmement, les personnes qui n'ont qu'une très
vague idée de ce
que représente le terme « service public ».
Elles le revendiquent en temps de
grève, ou pour parler de la redevance, mais n'y voient pas
(ou très peu) de
valeurs précises, de but recherché pour
répondre aux besoins sociaux de la
population. Par exemple, des émissions comme le «
Point Route », « le Jour du
Seigneur », sont des émissions qui répondent
aux besoins de la population par
leur idée de service. Néanmoins, ce genre de
programmation, avec ce qu'elle
souhaite apporter, ne peut être diffusé que sur une
chaîne de service public.
Cela ne vient pas à l'esprit des gens lorsqu'on leur
demande leur avis sur
France 2, France 3, France 5. Ils n'associent pas les valeurs, le
concept de
service public avec son application concrète dans le choix
des
programmations. En tout cas en ce qui concerne ce deuxième
genre de
personnes. Voici le résultat d'une étude «
micro trottoir » que nous avons
réalisé :
Patrick, 42 ans, attaché Presse
« Pour moi, le service public
audiovisuel est la redevance,
l'ORTF, et les radios et télévisions
publiques.
Je ressens clairement des
différences entre les chaînes
publiques et les chaînes privées,
mais concrètement, je ne peux
pas les expliquer. C'est un
ressenti. La chaîne la plus
« publique » ? France 5. »
Marie - Caline, 47 ans
photographe
« Service public audiovisuel ? Je
pense tout de suite au CSA.
Les chaînes privées comme TF1
sont beaucoup plus racoleuses,
centrées sur elles même, que
les chaînes publiques, c'est sûr.
France 3 est en tout cas celle
que je vois comme la chaîne la
plus « service public ». »
Pierre, 22 ans, étudiant
« Lorsqu'on me dit « service public
audiovisuel », je pense aux radios
et chaînes de télévision
publiques.
Oui, il y a une différence entre les
chaînes publiques et privées,
dans leurs programmations, leur
façon de voir les choses, mais ces
différences sont de moins en
moins prononcées... Je crois qu'il
y a un phénomène de
standardisation.
La chaîne la plus publique selon
moi est France 5, qui se
démarque. »
Sandra, 31 ans, chargée de
communication
« France 2, France 3, France 5
et Arte, c'est ça le service
public audiovisuel, non ?
Les chaînes privées sont quand
même plus racoleuses et ne
proposent aucune émission
intelligente, c'est ce que je
constate.
En tout cas, c'est France 3 qui
représente le mieux l'idée de
service public. »
Marie Jenny, 83 ans, retraitée
« Le service public audiovisuel,
ce sont les chaînes de la 2, la
5... on peut en imaginer
d'autres après.
Il y a plus de publicité sur les
chaînes privées, et elles sont
moins bonnes car elles ne
pensent qu'au profit. L'esprit est
meilleur dans le public.
C'est France 3 qui est la plus
publique selon moi. »
A travers ce micro trottoir, nous
pouvons remarquer que le risque de
standardisation est cité, mais que
malgré cela, les chaînes publiques
bénéficient d'une meilleure image
que les privées.
Une autre remarque : France 5 est la chaîne publique la
moins regardée,
et pourtant, c'est celle qui ressort le plus souvent lorsque l'on
demande quelle
chaîne est la plus « service public ».
Cependant, de manière globale, nous pouvons dire que les
chaînes
publiques sont plutôt perçues par la population
comme en adéquation avec
leur particularité. Pour preuve, ce sondage
réalisé par l'IFOP en 2001 :
Baromètre qualitatif IFOP 20014
Il y aurait pu avoir une séparation très
marquée entre, d'une part
l'identité des chaînes publiques et, d'autre part,
ce qu'elles proposent dans
leurs programmes. Les téléspectateurs auraient
ressenti la différence. L'image
des chaînes n'aurait pas été en
adéquation avec leurs rôles dans l'audiovisuel
public. Mais à la vue de ce graphique, même si les
personnes n'ont pas une
vision très claire de ce qu'est ce « service public
», ils estiment que France 2,
France 3 et France 5 transmettent une identité (par leur
programmation, leurs
valeurs, ...) en accord avec l'idée qu'ils se font d'une
chaîne publique.
4 Baromètre qualitatif 2001, IFOP - France
Télévisions, in Résultats financiers du groupe France
Télévisions en 2001, 11 avril 2002,
présentation interne.
1.3 La communication des chaînes de France
Télévisions sur le service
public
1.3.1 Une politique de communication délicate à
réaliser
Que cela concerne France 2, France 3 ou France 5, la politique de
chacune de ces chaînes est délicate concernant leur
appartenance au
service public car elles courent le risque, en insistant trop sur
cette
appartenance, de passer pour porte parole de l'Etat. Elles
passent déjà les
messages, par le choix de leurs programmations et positionnement,
d'un Etat
qui souhaite apporter culture, découverte et
tolérance à ses citoyens.
Néanmoins, il serait dangereux de faire évoluer ce
rôle vers un aspect plus
politique, qui véhicule l'image de l'Etat comme une
propagande, pourrions
nous dire en exagérant. Le but des chaînes publiques
n'est pas de jouer sur la
démagogie ou de tenir un média en l'utilisant comme
moyen efficace pour
être tout sauf critique : nous sommes dans une
démocratie, ce qui signifie que
même les chaînes appartenant au service public
doivent être objectives le plus
possible et faire passer la liberté d'expression.
Tout cela explique pourquoi la politique de communication de
chacune
des chaînes est entre deux extrêmes : elle doit
éviter de mettre en avant l'Etat
tout en faisant apparaître le concept de service public
pour se différencier des
chaînes privées et communiquer sur ses valeurs
sociales. C'est la raison pour
laquelle il est si difficile de communiquer lorsqu'on est un tel
annonceur. La
menace de passer aux yeux du grand public ou des intellectuels
comme une
chaîne de l'Etat au service de la communication de l'Etat (
« sous sa coupe »)
et non au service de la population plane
régulièrement. Quels sont alors les
moyens utilisés par ces trois chaînes pour
communiquer institutionnellement
sans pour autant tomber dans ce piège ? C'est le sujet que
nous allons aborder
maintenant. Nous allons commencer par nous interroger sur le type
de cible
que les chaînes souhaitent toucher.
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