2.1.3 La volonté malgré tout d'informer
Alors bien sûr à côté de tous ces
domaines à éviter, ou du moins à traiter
de la façon la plus prudente possible, il y a aussi le
désir de ne pas figurer
comme des chaînes à tabous, ou qui ne soit pas dans
l'air du temps. De plus,
une des missions de service public est d'informer, Yves Loiseau
et Marcel Trillat,
élus au conseil d'administration de France 2, le
confirment : la chaîne doit
« Informer les citoyens en toute indépendance
»10. Cela signifie l'indépendance
politique, mais aussi sans poids moral derrière le choix
des sujets traités. C'est ce
qu'essaye de mettre en application France 3, avec son
documentaire régulier
« A contre courant ». Le titre indique par ailleurs
bien l'angle abordé et le genre
de thèmes qui font la rubrique. Le premier numéro a
été consacré à
l'euthanasie, sujet très controversé et difficile
à traiter, qui reste un tabou
difficile à lever. Par conséquent, même si la
contrainte d'être tous publics pèse
sur les chaînes, il y a une réelle volonté
d'informer, même si cela peut sembler
difficile pour les sujets délicats. La parade, c'est de
diffuser les productions qui
peuvent poser un problème de débat en
deuxième partie de soirée, période
lors de laquelle, habituellement, le nombre de
téléspectateurs est plus réduit
qu'en prime time.
9 Charte de l'Antenne, janvier 2002, dirigée par Marc
Tessier, Président Directeur général de
France Télévisions, disponible sur le site
www.francetelevisions.fr .
L'information est présentée sous deux angles
différents selon les chaînes
publiques : pour France 2, il s'agit d'informer sur tous les
sujets, et de façon
accessible pour tous les publics. Pour France 3 en revanche,
c'est la proximité
géographique qui compte, et enfin pour France 5,
l'information est traitée sous
l'angle éducatif, ludique.
Parlons justement d'un exemple lors duquel France 2 a agit comme
une
chaîne privée et non une chaîne publique : le
décès du pape Jean Paul II.
Lorsque l'événement est survenu, la chaîne a
décidé d'abréger (à défaut de
couper) l'émission diffusée à ce moment
là, en l'occurrence une soirée du
Sidaction, pour mettre en route une édition
spéciale. Puis, durant de nombreux
jours, le sujet a été traité sur tous les
plans, a occupé le journal de 13h et celui
de 20h au point de ne constituer que la seule information. La
mort du pape est
une information importante, qui a des répercussions tant
religieuses que
politiques sur une échelle internationale. Cependant,
France 2 a reçu nombre
de critiques et de courriers lui reprochant « d'en faire
trop ». Objectivement,
c'est un événement qui méritait d'être
couvert de façon importante.
Néanmoins, nous sommes dans un pays laïc, et la
religion catholique étant
traitée à ce degré sur une chaîne
publique, n'est ce pas un peu exagéré
d'occulter les autres informations, nationales et internationales
? France 2 se
doit de parler de cette mort, car cela fait non seulement partie
de l'actualité,
mais également de la culture traditionnelle (historique)
française. En revanche,
il semble assez choquant que l'information sur Jean Paul II ait
occupé autant
les écrans. Dans un article du quotidien
Libération11, les deux auteurs
annoncent que « [...] ce sont les publiques France 2 et
France 3 qui ont
cristallisé les critiques ». Et rajoutent : «
[...] la télé publique est toujours le
punching-ball idéal, alors que TF1 est au moins autant
grenouille de bénitier ».
Dans cet exemple, on voit clairement que le souci de concurrencer
TF1 l'a
emporté sur celui de garder une limite vis-à-vis de
la laïcité. D'où la difficulté
10 Article « Barroso : indignations à France 2
», in le quotidien 20 Minutes, 31 mars 2005
11 Article « La ferveur catholique au pilori, avalanche de
mails et de courriers pour reprocher aux
chaînes leur absence de distance », Raphaël
Garrigos et Isabelle Roberts, in Libération du 5 avril
2005, page 5.
pour le téléspectateur de savoir comment se place
le service public et ses
missions devant un événement religieux aussi
important, et la confusion de s'y
rajouter. Un homme écrit dans le courrier des lecteurs12
de ce même journal :
« L'overdose médiatique avant, pendant, et
après la mort du pape m'amène
à poser deux questions. La première : France 2
est-elle encore une chaîne de
service public ? La deuxième, qui en découle : la
loi de séparation de l'Eglise et
de l'Etat est-elle encore en vigueur dans notre pays ?».
Tout cela ne peut que confirmer, non seulement la pression du
grand
public sur ces chaînes de télévision
publique, mais aussi la vision confuse et
l'interrogation de chacun quant aux missions, même en ce
qui concerne
l'information, de l'audiovisuel public. Après avoir
abordé les contraintes
morales et de positionnement entraînées par le
service public, nous allons
maintenant nous intéresser aux contraintes
budgétaires.
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