Section II : les questions des recours judiciaires :
Recours en référé, recours en annulation, action
minoritaire et action en retrait.
Après l'exposé des questions de fond, il reste deux
questions à examiner : Que faire, que voulez-vous faire ? Ensuite,
quelles sont les modalités des différentes actions ? Nous vous
conseillons de saisir le juge des référés qui pourra
prendre toute mesure provisoire utile (a.). Dans un second temps, l'annulation
de la décision de l'AG pourra être demandée (b.). Dans un
troisième temps, l'actionnariat minoritaire possède certaines
armes contre Monsieur Fog en tant qu'administrateur d'une part (c., d.) et en
tant qu'actionnaire d'autre part (e.). Certaines actions ne seront pas
examinées, telles que l'action en responsabilité sur base de 1382
CC92et la demande en dissolution de la société pour
justes motifs93. Concernant le règlement des conflits
d'intérêts, nous vous proposerons de demander au juge de poser
trois questions préjudicielles à la Cour d'arbitrage (f.)
a. Le recours devant le juge des
référés94
1) Champ d'action du juge des
référés
Dès lors que les conditions de ce recours sont
remplies95, le juge des référés96
semble le juge « idéal » pour contrer les actions dommageables
de Monsieur Fog et leurs conséquences97. Les actionnaires
minoritaires peuvent en leur nom personnel citer la société
Biotec ou introduire une requête unilatérale. Le juge des
référés peut suspendre les effets de la décision de
l'AG98. Il peut interdire la conclusion d'un contrat99.
Il serait ainsi possible de demander au Président du Tribunal de
première instance ou de commerce : -la suspension des effets des
décisions de l'AG concernant le mandat de Monsieur Fog ainsi que sa
décharge
92 concernant la responsabilité des
administrateurs : cass, 20 juin 2005, www.cass.be: « Les organes d'une
société commerciale sont responsables envers la
société et envers les tiers de tous dommages et
intérêts résultant d'infractions aux dispositions de la
législation sur les sociétés commerciales et aux statuts
sociaux. Les organes sont responsables des fautes de gestion uniquement envers
leur mandant. Ce n'est, en principe, que lorsque les organes ne respectent pas
la législation sur les sociétés commerciales et les
limites des statuts, qu'ils engagent leur responsabilité civile envers
les tiers qui en sont victimes ; Liège, 27 janvier 2005 ; Bruxelles, 12
septembre 2003 93 cette solution est prévue par l'article 645
al. 2 mais est considérée comme un moyen ultime et subsidiaire en
cas de conflit interne ; Comm. Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001,
p.832 et 834 : « le comble du subsidiaire », « ultissimum
remedium », la juridiction préfère l'action en exclusion ou
en retrait.94 voy. J. Englebert, « inédits de droit
judiciaire-référés (5) », J.L.M.B.,
2005/05, p. 140 à 18395 Prés.Bruxelles, 24
novembre 2000, (réf.), www.juridat.be, cette décision n'a pas
été publiée : La mise sous tutelle d'une
société commerciale n'est possible que dans le cadre d'une mesure
urgente et provisoire visant à prévenir un préjudice grave
ou un inconvénient sérieux. Cette mesure est parfois
justifiée " dans des situations de mésintelligence grave entre
associés " ou encore "
lorsque la majorité de ses membres se rend coupable d'abus
et de détournements de pouvoirs, suffisamment caractérisé
pour que l'organe soit provisoirement dépouillé de ses
compétences légales dans l'attente de la solution, au fond, du
conflit. "
Le juge des référés ne doit intervenir que
si des indices suffisamment sérieux d'une méconnaissance
manifeste de l'intérêt social lui sont
présentés.96 art. 584 CJ :le juge des
référés est le Président du tribunal de
première instance (plénitude de juridiction) ou le
Président du tribunal de commerce (compétent pour les
matières de la compétence de son tribunal) ; J. Englebert,
art. cit., p. 17897 E. Pottier, art. cit., p. 34 ; J.M.
Nelissen-Grade, « Procédure de retrait et règlement de
conflit entre actionnaires », in Séminaire Vanham et Vanham,
1995, p. 4 ; Comm. L iège (Réf), 3 mai 1996,
J.L.M.B., 1996, p. 812, III 2 ; nous ne sommes plus dans les temps
pour demander la suspension de la tenue de l'assemblée
générale qui a eu lieu le 7 novembre.98 article 179 CS
99 E. Pottier, art. cit., p. 34 ; J.F.Goffin, « les actions en
cession forcée et en reprise forcée : premiers pas
jurisprudentiels », J.T., 1998,
p. 321 et 322 : interdiction de toute cession d'actifs ; Comm.
Mons, 26 janvier 2000, J.L.M.B., 2001, p.836 concernant des ventes :
« il n'est, en effet, pas normal que le Conseil d'administration ait
entamé la vente de tous les actifs immobiliers de la
société en dehors de tout contexte de liquidation ».
-l'interdiction de conclure le contrat avec la SA Bioplus100
, -d'assortir ces mesures d'astreintes101 et -la demande de
désignation d'un administrateur provisoire102
2) Condition de compétence : l'urgence
Le juge des référés doit reconnaître
l'urgence : cependant dès que l'urgence est invoquée dans la
demande, le Président doit se déclarer
compétent103. Si l'urgence n'est pas invoquée, il
renvoie au tribunal compétent104. Il faudra donc veiller
à invoquer l'urgence dans la demande. L'urgence se définit comme
la crainte d'un préjudice d'une certaine gravité ou de simples
inconvénients mais sérieux qui rend une décision
immédiate souhaitable. La reconnaissance de l'urgence appartient au
pouvoir d'appréciation du juge105. En l'espèce, la
crainte d'un préjudice patrimonial de la société Biotec
semble fondée. Il faut cependant que le juge du fond ne puisse
pas prendre une mesure provisoire avec la même efficacité106
.
3) L'absolue nécessité107
En cas d'absolue nécessité, la
procédure peut être unilatérale c'est-à-dire non
contradictoire. L'absolue nécessité existera dès lors que
la citation rendrait inutile la mesure demandée108.
Tel sera le cas pour la suspension des effets de la décision de l'AG
concernant le contrat ainsi que l'interdiction de conclure le contrat de
cession de clientèle.
4) La requête unilatérale en
abréviation du délai de citer
En cas de célérité, le délai de
citation de deux jours peut encore être abrégé par une
requête unilatérale en abréviation du délai de
citer109. La procédure reste, dans ce cas, contradictoire. Le
cas de célérité pourra être reconnu en
l'espèce si le contrat de cession doit être conclu dans un
délai rapproché.
100 Nous ne nous étendons pas sur le
caractère provisoire de la mesure en référé qui
n'est pas l'objet de cette consultation.101 J.Englebert. art.
cit., p.182102 Comm. Ieper, (réf), 12 december, 2000,
T.R.V., 2001, p. 41 : het eventuele belangenconflict in hoofde van het
management van een
N.V. met betrekking tot de mogelijke verkoop van activa en het
risico van onttrekking van activa aan de Belgische schuldeisers rechtvaardigen
de aanstelling van een voorlopige bewindvoerder met als opdracht alle
maatregelen te nemen tot behoud en bewaring van de activa van de N.V. » ;
Comm. Mons, 26 janvier 2000, op.cit. : « Dès lors que la
mésentente entre associés est susceptible de nuire aux
intérêts de la société », l'arrêt insiste
sur le caractère provisoire de cette mesure et considère que
l'action en retrait ou en exclusion est plus apte à remédier au
conflit interne ; arrêt plus strict: Bruxelles, 26 septembre 2000,
J.L.M.B., 2001, p.825 : il faut un blocage des organes de la
société ou que les intérêts de la
société soient gravement compromis ; Prés.Tribunal de
première instance de Bruxelles (réf), 24 novembre 2000,
www.juridat.be (sommaire) : il faut que des indices suffisamment sérieux
d'une méconnaissance manifeste de l'intérêt social sont
présentés (au juge). 103 Récemment
confirmé par Cass. 10 avril 2003, www.cass.be, Cass, 11 mai 1990,
www.cass.be: « Attendu qu'aux termes de l'article 9 du Code
judiciaire, la compétence d'attribution est le pouvoir de juridiction
déterminé en raison de l'objet, de la valeur et, le cas
échéant, de l'urgence de la demande ou de la qualité des
parties; qu'en vertu de l'article 584, alinéa 1er, du Code judiciaire,
le président du tribunal de première instance statue au
provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes
matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire;Attendu
que la compétence du juge tenu de connaître d'une demande doit
être déterminée en raison de l'objet de cette demande, tel
qu'il est déterminé dans la citation ». ; J. Englebert,
art. cit., p.149104 Il s'agit donc bien d'une condition de
compétence et non de recevabilité, voy. Cass, 11 mai 1990
précité. Si, après examen, il constate en fait
l'absence d'urgence, il épuise sa juridiction et ne doit pas renvoyer
l'affaire.105 Cass, 17 mars 1995, www.cass.be, « Attendu
qu'en ce qui concerne la question de l'urgence, le juge des
référés dispose d'un large pouvoir d'appréciation
et, dans une juste mesure, de la plus grande liberté », Cass, 21
mai 1987, Pas, I, 1987, p.1160, « il y a urgence, au sens de
cette disposition légale, dès que la crainte d'un
préjudice d'une certaine gravité, voire d'inconvénients
sérieux, rend une décision immédiate souhaitable; on peut,
dès lors, recourir au référé lorsque la
procédure ordinaire serait impuissante à résoudre le
différend en temps voulu, ce qui laisse au juge des
référés un large pouvoir d'appréciation en fait et,
dans une juste mesure, la plus grande liberté. », J.P. Renard,
« règlement de conflit : de la médiation à
l'intervention judiciaire », in séminaire les conflits
d'actionnaires, 2004, éd. Vanham & Vanham, p. 16
106 voy. Art. 19 al.2 CJ ; Bruxelles, 4 mai 2001,
J.T., 2001, p. 84 ; la jurisprudence applique cette condition de
compétence avec rigueur afin d'éviter l'arriéré
judiciaire.107 article 584 al. 3 CJ 108 L'absolue
nécessité ne se confond pas avec la condition d'urgence, voy. H.
Boularbah, « l'intervention du juge des référés par
voie de requête unilatérale : conditions, procédure et
voies de recours », le référé judiciaire, p.
89109 1035 et 1036 CJ
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