Réflexions sur le droit de consommationpar Yousra CHAABAN Université Jean Moulin Lyon 3 - Master 2 en droit international privé et comparé 2013 |
Section II : Le régime spécifique des clauses abusivesCe qui nous préoccupe dans cette recherche scientifique en premier lieu c'est « le consommateur », ses droits et sa protection. Le consommateur étant la partie faible dans la relation contractuelle, les législateurs essayent de le protéger dans ses divers actes. En droit français, on trouve que le consommateur est protégé dans des divers domaines. Il est protégé, dès la proposition de l'offre et son consentement qui doit être pure et simple et éclairé, et jusqu'au financement. Les législateurs ont édicté des règles pour le crédit de consommation et des règles pour les problèmes qui peuvent affronter le consommateur après la conclusion du contrat, de sorte le surendettement114(*) par exemple. Ainsi la loi n°78-22 du 10 janvier 1978 sur la protection et l'information des consommateurs dans certains domaines du crédit dite loi Scrivener a pour objectif d'améliorer l'information préalable du consommateur et de le protéger concernant les crédits. Nous pouvons dire qu'à la période de l'offre, le consommateur est protégé contre le démarchage à domicile déloyale et contre les comportements déloyaux des professionnels, le législateur impose une publicité commerciale. Ainsi au moment de la conclusion du contrat, le législateur protège le consentement du consommateur par une obligation précontractuelle d'information ainsi, il assure par différentes manières les qualités des biens et des services. Le législateur, exige l'existence d'équilibre contractuel, il lutte contre les clauses abusives. Et comme nous l'avons déjà signalé, il est aussi pris en considération le financement de l'opération de consommation, c'est la raison pour laquelle, nous entendons parler dans ce domaine du crédit de consommation. Le consommateur est protégé également dans les contrats à distance comme dans les contrats normaux. D'ailleurs, l'équilibre contractuel n'est pas seulement la lutte contre les clauses abusives après la conclusion du contrat, il se peut être que ceci aura lieu au moment de la formation du contrat : comme l'exigence de la publicité commerciale115(*), ou le fait de garantir un consentement clair et sain. Par contre, nous avons choisi un aspect particulier dont nous voulons parler plus en profondeur c'est la protection du consommateur du point de vue de la lutte contre les clauses abusives et rétablir l'équilibre requis du contrat. Les professionnels peuvent recourir à des contrats cadre et peuvent par la suite abuser de leurs supériorités116(*), ils imposent parfois aux consommateurs des clauses particulières, qui n'est pas nécessairement dans les intérêts de ces derniers. Aussi certains consommateurs se contractent sans même se renseigner sur le contrat. Parfois aussi, la spécificité du langage juridique fait que ce dernier peut ne pas être évident pour un homme normal. Et tant que tout contrat repose sur le principe de l'autonomie de la volonté117(*), par conséquent il est difficile de régler ce système. Puisque cette liberté peut engendrer un certain nombre d'abus. Le développement de la protection du consommateur a commencé par des règles jurisprudentielles développées en matière de contrat d'adhésion, par la suite, il s'est développé une législation et une réglementation dont l'objectif était de protéger la partie faible dans les contrats. Le droit égyptien en ce domaine n'a pas de régime particulier pour la lutte contre les clauses abusives, ceci tombe toujours sous le coup du droit commun de la consommation ou du droit civil. Par opposition au droit français, le législateur est soucieux de lutter contre les clauses qui font obstacle pour la protection du consommateur en prévoyant un régime spécial pour la lutte contre ces clauses. Le législateur égyptien a laissé le soin au juge du fond d'effectuer un contrôle des clauses des contrats et de corriger les déséquilibres. Sauf que le législateur français quant à lui, le pouvoir des juges dans la révision et la modification des clauses contractuelles est secondaire. L'article 1174 du Code civil français, affirme que toute obligation contractée sous une condition potestative sera nulle. La condition potestative est la condition qui fait dépendre l'exécution du contrat de la volonté unilatérale de l'obligée. La nullité peut être pour certains avis, une sanction très grave puisqu'elle va empêcher le consommateur à la fin d'avoir le bien ou le service voulu118(*). L'article 6 de la directive 93/13 détermine l'inopposabilité au consommateur comme sanction de la présence d'une clause abusive dans le contrat. Pour certaines autres législations119(*), il s'agit plutôt d'une clause non-écrite. Par exemple : l'article 268 et l'article 423 du Code civil égyptien, montrent que le contrat restera valable sauf que la clause visée se voit amputée de ce dernier. Le juge égyptien est doté d'un pouvoir discrétionnaire lui permet de déclarer les clauses qui pourront être considérées comme abusives, nulles ou non-écrites. C'est ce qui est confirmé par l'article 149 du Code civil égyptien, qui dispose que « si un contrat est conclu par voie d'adhésion et contient des clauses abusives, il revient au juge de modifier ces clauses et même de les annuler en accord avec les principes de la justice, étant nulle toute convention qui stipule le contraire ». Pour les auteurs, cet article « constitue une base juridique efficace pour lutter contre les clauses abusives dans les contrats de consommation »120(*). Nous avons trouvé que la jurisprudence égyptienne utilise cet article. Le tribunal de grande instance d'Alexandrie a ainsi considéré comme clauses abusives, les clauses qui ont pour objet ou pour effet de réserver à un contractant le droit de modifier unilatéralement les conditions générales du contrat121(*). Le pouvoir des juges du fond est donc illimité. Il se peut que, la lutte contre les clauses abusives soit par les théories générales de droit commun122(*), nous pouvons citer à titre d'exemple : - La lutte contre les clauses abusives par la théorie de l'enrichissement sans cause. Le professionnel peut insérer dans le contrat des clauses, que nous trouverons à la fin qu'il s'enrichit sans cause. En droit français c'est une création jurisprudentielle, mais maintenant elle est fondée sur l'article 1371 du Code civil.Pour autant en droit égyptien, cette théorie repose sur un fondement législatif, celui de l'article 179 du Code civil égyptien. - La lutte peut être également par la théorie de la cause. Les obligations étant les causes du contrat, ce qui exige une contrepartie pour les deux parties au contrat, par conséquent, si un contrat crée des obligations à la charge de l'une des parties et non pas à la charge de l'autre, nous pouvons considérer que ce contrat est déséquilibré en se fondant sur la théorie de la cause. C'est l'article 1131 du Code civil français et l'article 136 du Code civil égyptien. - La lutte contre les clauses abusives par la théorie de bonne foi ou la théorie de l'abus de droit. « La bonne foi et la loyauté des parties permettent d'assurer le minimum de justice nécessaire à la bonne conduite des opérations commerciales dans un système de libre concurrence »123(*). Les articles 1134 du Code civil français, et 148 du Code civil égyptien, sont les articles qui constituent les bases juridiques de cette théorie. Nous pouvons se fonder sur ces articles si le professionnel impose au consommateur des clauses dans sa défaveur, et que ce professionnel agit de mauvaise foi. Nous devons repréciser que, les clauses abusives font l'objet d'une règlementation spécifique en droit français, en revanche, le législateur égyptien n'a pas montré aucune intention pour établir un régime spécifique pour les clauses abusives. En droit égyptien, dans la nouvelle loi de 2006, nous trouvons que juste l'article 10 de cette loi parle des clauses abusives dans l'objectif de la protection du consommateur. Cet article dispose que : « nulle toute clause introduite dans un contrat, une convention ou tout autre document concernant une relation contractuelle avec un consommateur ayant pour but d'exonérer un fournisseur de produits et un prestataire de services de l'une de ses obligations imposées par la loi »124(*) . Ainsi l'article 2 de la même loi, assure la liberté de pratiquer toute activité économique, mais aussi, sans la violation d'aucun droit essentiel du consommateur. Le législateur égyptien nomme ainsi quelques droits essentiels du consommateur, nous pouvons citer quelques-uns à titre d'exemple. Le droit à la santé et à la sécurité à son utilisation normale des produits, ainsi que, le droit d'accès à l'information et les données correctes sur les produits achetés ou utilisés ou de lui fournir, et le droit au libre choix de produits qui répond aux exigences de la piètre qualité. Le législateur n'a pas aussi oublié, la vente à tempérament, il a réglé cette vente, de sorte qu'elle soit au profit du consommateur, c'est ce qui dispose l'article 11 de la loi de 2006. Aussi, nous trouvons que l'article 22 de la même loi, donne la possibilité au consommateur de faire un recours contre les décisions prises par l'agence de protection du consommateur125(*). En droit français interne, concernant le régime spécifique des clauses abusives, les clauses abusives sont définies par l'article L. 132-1 du Code de la consommation : « Dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ». D'ailleurs, le caractère abusif d'une clause doit s'apprécier au moment de la conclusion du contrat. Précisons qu'une appréciation, ne veut pas dire une réécriture ou une révision du contrat. En droit français interne, la relation entre professionnel et consommateur est réglementée par les articles L.132-1 et suivants du Code de la consommation. Dans les textes du Code, le législateur n'a pas limité l'application de ses règles au consommateur physique seulement, or la directive du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives dans les contrats de consommation, les a limités seulement aux personnes physiques et a exclu les personnes morales. Il est important de savoir que, le champ d'application des textes du Code de consommation ne se limite pas seulement aux contrats d'adhésion - comme le croient certains126(*)- ces dispositions s'appliquent dans toutes les relations entre professionnel et consommateur. Par contre, les dispositions citées du Code de consommation ne s'appliquent que sur des clauses contractuelles écrites127(*) . La législation française, a également établit une liste de clauses pouvant être regardées comme abusives. Ces clauses seront donc abusives par la loi sans aucune preuve nécessaire. L'article L 132-1 du Code de la consommation français a conféré au conseil d'Etat le soin d'établir cette liste par décret128(*). Cette liste s'appelle « la liste noire » et elle s'impose au professionnel et au juge. Sauf que cette liste est seulement indicative et non pas exhaustive. Il y a également une liste grise définie par le décret -le plus récent- n°2009-302 du 18 mars 2009. Par conséquent, le caractère abusif des clauses en droit français se détermine légalement par les décrets qui établissent la liste noire, ou par la preuve de l'existence d'un équilibre significatif ou par l'appréciation du juge du fond du caractère abusif. Un système vraiment apprécié en droit français, c'est l'établissement d'une commission qui s'appelle « la commission des clauses abusives »129(*), cette commission est chargée de rechercher et de détecter dans les contrats de consommation les clauses pouvant crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. Cette commission peut être saisie d'office par le juge ou par le ministère chargé de la consommation ou par les professionnels ou les consommateurs intéressés. Cette commission peut recommander la suppression ou la modification des clauses présentant un caractère abusif, ainsi elle peut enfin solliciter un juge pour avis. La commission a une composition particulière déterminée par l'article R 132-3 du Code de la consommation. * 114 La Loi Neiertz du 31 décembre 1989 est un texte législatif qui vise à prévenir et accompagner les personnes victimes de surendettement. * 115 CHENDEB , RABIH, Le régime juridique du contrat de consommation étude comparative droit français , libanais et égyptien, op cit p. 33 * 116Ibid, p.289 * 117 Par ailleurs le principe de l'autonomie de la volonté est critiqué et n'est pas largement interpréter dans le cas des consommateurs. * 118Ibid, p.292 * 119 En droit égyptien * 120 CHENDEB , RABIH, Le régime juridique du contrat de consommation étude comparative droit français , libanais et égyptien ,op cit,p.295 * 121 T.G.I d'Alexandrie, 18 mai 1979, Revue juridique égyptienne, 1983, Tome 67, P.148 * 122CHENDEB , RABIH, Le régime juridique du contrat de consommation étude comparative droit français , libanais et égyptien ,op cit p.289 et S. * 123 CHENDEB , RABIH, Le régime juridique du contrat de consommation étude comparative droit français , libanais et égyptien ,op cit,p.302 * 124« íÞÚ ÈÇØáÇð ßá ÔÑØ íÑÏ í ÚÞÏ æ æËíÞÉ æ ãÓÊäÏ æ ÛíÑ Ðáß ããÇ íÊÚáÞ ÈÇáÊÚÇÞÏ ãÚ ÇáãÓÊåáß ÇÐÇ ßÇä ãä Ôä åÐÇ ÇáÔÑØ ÇÚÇÁ ãæÑÏ ÇáÓáÚÉ æ ãÞÏã ÇáÎÏãÉ ãä í ãä ÇáÊÒÇãÇÊå ÇáæÇÑÏÉ ÈåÐÇ ÇáÞÇäæä ». * 125 Supra p.53. * 126 Puisque pour le droit égyptien, l'article 149 du Code civil, limite la protection à seulement le contrat d'adhésion sans avoir un régime spécifique pour les clauses abusives pour la protection du consommateur, il se suffit d'une protection générale pour tous les co-contractants, sans considération de sa qualité. * 127 Article L.132-1 alinéa 4 du Code de la consommation. * 128 Des décrets ont été édictés pour mettre en application cette loi : le décret n°78-464 du 24 mars 1978 et le décret n°2005-1450 du 25 novembre 2005, ainsi le décret n°2005-1450 du 25 novembre 2005. * 129 Instituée par L.132-2 du Code de la consommation devenu l'article 534-1 depuis la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010. |
|