B - Appréciation de la solution
jurisprudentielle
192. La violation des devoirs et obligations du mariage est
une notion qui s'apprécie dans un sens très large. Elle peut en
effet être constituée par le non respect de toute obligations
figurant dans le Code civil. En l'espèce, circoncire l'enfant sans en
aviser l'autre parent constitue sans aucun doute une violation des
règles de l'autorité parentale, imposées par le Code
civil. Le non respect de cette règle est donc théoriquement
susceptible de constituer une faute au sens de l'article 242 du même
code. Mais encore faut-il que cette faute soit suffisamment grave et qu'elle
rende impossible le maintient de la vie commune. Les juges du fond ont pu
souverainement apprécier que ces deux dernières conditions
n'étaient pas réunies.
193. Cette solution est acceptable puisqu'il est important de
respecter le pouvoir souverain des juges du fond en la matière, afin
d'obtenir les décisions les plus réalistes possibles. Le droit de
la famille ne doit pas être appliqué comme une science exacte, ses
implications humaines étant nombreuses. Cette position jurisprudentielle
est par ailleurs respectueuse de la volonté du législateur. Ce
dernier a projeté, à travers de nombreuses réformes et
notamment celle de 2004 ouvrant plus de modalités de divorce non
fautifs, de diminuer le contentieux de divorce pour faute, traumatisant tant
pour les époux que pour l'enfant, et encombrant le juge de griefs
basés sur la haine et la vengeance.
115 Une décision a tenté d'introduire dans le
droit du divorce la notion d'acceptation des risques, utilisée en
matière de responsabilité civile. Il a été ainsi
jugé que le mari d'une femme, qui se livrait déjà à
la boisson avant le mariage, qui a négligé de prendre sur la
conduite de sa future femme des renseignements élémentaires ou
qui l'a épousée en connaissant son vice a accepté un
risque dont il est mal fondé à se prévaloir pour justifier
sa demande en divorce (T. civ. Valence, 16 mars 1955 : D. 1955, p. 585,
note Breton). Une position similaire peut se retrouver dans la
jurisprudence contemporaine, lorsque les juges tiennent compte de la
qualité de la vie commune ayant précédé le mariage
(CA Rennes, 6e ch.,
15 mai 2000, n° 99/02515
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: JurisData n°
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2000-120026). Critiques : la doctrine a fait
valoir que Cette théorie est en contradiction avec le principe bien
admis en jurisprudence selon lequel les causes de divorce admises par le Code
civil sont toutes constituées par des faits particuliers contraires aux
devoirs du mariage et outrageants pour le conjoint et non pas simplement par un
état de la personne ou de son caractère (note Breton,V. JCl.
Divorce, Fasc. 40 ou Civil
Code, Art. 229 ou Notarial Répertoire, V°
Divorce, fasc. 5). "On se marie pour le meilleur et pour le pire", il
s'agit là uniquement d'une acceptation des risques normaux du mariage.
(Comp. l'application de l'adage : for better or for worse par les
juridictions anglaises ; dans la plupart des jugements, cet adage signifie en
réalité for better or for worse, but not for much worse. - A.-L.
Goodhart, Cruelty, Desertion and insanity in matrimonial law : The law
quarterly review, 1963, p. 108).
116 Cl. Divorce, Fasc. 85, § 72.
194.
52
Le juriste doit tout de même rester attentif à
l'évolution de cette jurisprudence, en l'absence de décision de
la Cour de cassation. D'autant plus que la deuxième chambre civile de la
Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 14 novembre 2002, que
« les faits engageant La responsabilité civile du conjoint peuvent
aussi constituer une cause de divorce »117.
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