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La chose contrefaite

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par Nicolas Monteil
Université Paris I Panthéon - Sorbonne - Master 2 Droit Patrimonial approfondi 2010
  

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Conclusion §2.

58.- La chose contrefaite soulève des difficultés d'évaluation sur le plan indemnitaire lorsqu'on se place dans la perspective d'une indemnisation des victimes des contrefaçons. S'agissant de sa perte, son illicéité s'oppose semble t-il à une indemnisation.

En l'absence de décisions jurisprudentielles, il y a tout lieu de penser que, au regard du droit positif, le gardien d'une chose contrefaite engagerait sa responsabilité aussi bien en présence d'une garde de fait que d'une garde présumée. Si personne n'en maîtrise le comportement au moment du dommage, le propriétaire gardien présumé engage sa responsabilité. En effet selon une partie de la doctrine, la chose contrefaite est physiquement appropriable.

111. note préc., LOISEAU (G.) Typologie des choses hors du commerce, lesquels peuvent être plus ou moins hors commerce comme certains textiles au composé chimique nocif pour la santé. Lorsque l'éviction est générale c'est à dire quand sont interdits entre toutes personnes non seulement les actes onéreux comme la vente mais aussi ceux à titre gratuit, la chose peut être considérée comme étant effectivement hors du commerce. Par exemple décret du 24 septembre 1990 interdit la fabrication, la vente ainsi que la distribution à titre gratuit de textiles et vêtements traités à l'oxyde de triaziridinylphosphine ou au polybromobiphényle et prescrit la destruction de ceux qui seraient déjà dans le marché. Leur extracommercialité est alors bien totale et ne laisse place à aucune possibilité de circulation, même restreinte à des circuits spécialisés.

112. notamment Civ 2. 18 juin 1997 Villedieu c/ commune des Cisternes la Forêt, Groupama et autres. Revue générale du droit des assurances, 01 avril 1998 n° 1998-2, P. 327 , note REMY (P.) La victime qui s'approprie une chose abandonnée et exerce sur elle les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle, en devient le gardien (pour un détonateur trouvé dans une carrière).

113. notamment thèse préc., MOINE (I)

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Section 2. La chose contrefaite: un bien appropriable?

59.- Une chose appropriée - La réponse à la question de savoir si une chose contrefaite est ou n'est pas appropriable est essentiellement doctrinale. Elle dépend de la portée de la règle tirée de l'article 1128 du Code civil. Selon une acceptation commune, la chose est une entité naturelle ou artificielle susceptible ou non d'appropriation. Le bien est vu comme une chose appropriée ou du moins juridiquement prise dans une relation d'exclusivité. Si donc tous les biens sont des choses, à l'inverse, toutes les choses ne sont pas des biens, car ils ne sont pas tous appropriables. La chose contrefaite est semble t-il une chose appropriée.

60.- Portée de l'article 1128 du Code civil - La doctrine se divise sur la portée de la règle tirée de l'article 1128 du Code civil. En résumé, on distingue trois courants.

Pour certains cette règle ne viserait que la seule chose insusceptible d'appropriation, ce qui conduit à mettre sur le même plan l'extracommercialite de la chose et l'extrapatrimonialité prises dans leur sens le plus juridique . Pour d'autres au contraire, la portée de l'article 1128 du Code civil serait générale et il concernerait toutes les choses qu'elles soient ou non appropriées. Enfin, selon un dernier courant, l'article 1128 du Code civil n'a de sens que si la chose hors du commerce se trouve appropriée, faute de quoi, il serait redondant de prohiber qu'elle change de maître114. En effet, dire qu'une chose inappropriable est hors du commerce n'apporte rien. C'est cette dernière opinion qui nous semble le mieux rendre compte du droit positif. Il convient d'exposer ces différents courants.

61.- Cette division révèle deux modalités très différentes de concevoir la mise hors du commerce. La mise hors du commerce peut être appréhendée soit comme un état de la chose attachée à sa nature (conception naturaliste), soit comme un interdit légal qui affecte le pouvoir de disposer (conception positiviste). Dans le premier cas, l'extracommercialité apparaît comme un réflexe de l'inappropiabilité de la chose contrefaite (§1) alors que dans le second cas, elle se présente plutôt comme une anomalie affectant son appropriabilité (§2).

114. Selon Monsieur le Professuer REVET le commerce juridique est un critère de distinction des biens et non pas un critère de distinction des choses non appropriées

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§1 Une chose inappropriable

A. Réduction de l'extracommercialité à l'inappropriabilité

62.- Une incompatibilité entre appropriation et extracommercialité115- Une partie de la doctrine semble réduire l'extracommercialité à l'inappropriabilité, ce qui exclurait automatiquement la propriété d'une chose contrefaite. Selon cette conception, l'extracommercialité est le reflet du caractère inappropriable de la chose. L'appropriation de la chose contrefaite est donc impossible en raison de sa nature même. Cette analyse est fondée sur une approche objective.

63.- Les choses inappropriables sont hors du commerce- La mise hors du commerce d'une chose peut se déduire de son caractère inappropriable. Dans cet esprit, il a été dit que la clientèle est inappropriable, donc elle est hors du commerce. De même, les choses communes sont généralement considérées comme étant hors du commerce juridique parce qu'elles échappent à l'appropriation.

Parmi les auteurs qui préconisent d'aligner la conception d'une chose hors du commerce sur celle de la chose insusceptible d'appropriation, une grande partie se réfère au corps humain pour défendre l'idée que celui-ci ne peut constituer un objet contractuel puisqu'il est associé par nature à la personne. L'extracommercialité du corps permet de s'assurer son inaliénabilité, ce qui garantit qu'aucun droit réel sur le corps ne peut résulter d'un contrat. Il existe donc un lien très fort entre la propriété et l'extracommercialité.

B. Lien intrinsèque entre l'inappropriabilité et l'extracommercialité

64.- L'extracommercialité, un dérivé de l'inappropriabilité116- Dans les hypothèses où l'extracommercialité de la chose se présente comme un dérivé de son inappropriabilité, cette extracommercialité est le résultat d'une impossibilité. Il n'est pas interdit de contracter sur une chose commune, il est impossible. Faute pour la chose d'être l'objet d'un droit privatif, celle-ci ne peut circuler juridiquement entre les personnes et être l'assiette d'un contrat qui en organiserait la transmission. Selon cette approche, il n'est pas alors contestable

115. thése préc.,MOINE (I.)

116. LOISEAU (G.), Typologie des choses hors du commerce, RTD Civ. 2000 p.47.

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de considérer que ce qui est insusceptible d'appropriation (choses communes, corps humain) est hors du commerce. Cette extracommercialité revêt un caractère nécessaire; elle constitue fondamentalement un état de la chose qui, en raison de sa nature inappropriable, se trouve nécessairement soustraite à l'emprise des volontés individuelles.

C. Une appropriation contraire à la fonction sociale du contrat

65.- Une appropriabilité contraire à la fonction sociale du contrat - Un auteur117 s'appuie sur la fonction sociale de la propriété et du contrat pour exclure l'idée d'appropriabilité des marchandises contrefaisantes. En effet la contrat n'a de sens que dans l'optique de la réalisation de la propriété. Si on ne reconnaît pas la validité du contrat ayant pour objet une chose contrefaite (extracommercialité), la propriété de la chose ne peut être reconnue. Si la chose n'est pas utile et rare, il ne sert à rien de reconnaître sa propriété . Par conséquent, il ne peut y avoir de contrat hors du domaine de la propriété. Si la chose contrefaite ne peut faire l'objet d'un contrat, alors son appropriation est impossible.

64.- L'absence de propriété licite? - A l'appui de l'inappropriabilité de la chose contrefaite, il peut être rappelé que la possession, l'exploitation ou l'utilisation d'un bien contrefait sont constitutives d'une infraction pénale. En outre, l'absence de propriété licite sur la chose provient de ce que sa simple détention est source d'une atteinte à l'ordre public.

Il en résulte selon cette approche que la qualification de choses hors du commerce est particulièrement bien adaptée pour la chose contrefaite. Dans cette perspective, la propriété de la chose contrefaite ne peut être qu'illicite.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld