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La chose contrefaite

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par Nicolas Monteil
Université Paris I Panthéon - Sorbonne - Master 2 Droit Patrimonial approfondi 2010
  

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Conclusion §1.

65.- Une partie de la doctrine exclut l'appropriabilité des choses hors du commerce et donc a fortiori de la chose contrefaite. La situation des biens est déterminée à partir d'eux mêmes. Il peut être également soutenu, en vertu de cette approche, que les utilités qui pourraient être tirées de la propriété d'une chose contrefaite auraient un caractère illicite.

Cette approche qui n'est qu'une façon d'appréhender la règle tirée de l'article1128 du Code civil ne nous semble pas la mieux adaptée. Au contraire, il semble simpliste de réduire l'extracommercialité à l'inappropriabilité.

117. TRICOIRE (E.), et PARANCE (B.), obs.sous Com.24 sept.2003 n°01-11. 504 , LPA 28 mai 2004 n° 107.

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§2 Une chose appropriable

66.- La chose contrefaite est une chose appropriée - Selon une autre conception doctrinale, la propriété de la chose contrefaite n'est qu'altérée par l'extracommercialité. Deux arguments plaident en faveur d'une reconnaissance de la propriété de la chose contrefaite. D'une part, dans l'approche subjectiviste, la commercialité participe de la condition de propriétaire. Être propriétaire c'est avoir établi une relation d'exclusivité avec une chose, d'où résulte notamment la faculté d'engager cette chose dans les actes juridiques. La commercialité n'est pas une qualité des choses mais elle désigne l'étendue du pouvoir de disposition du propriétaire. Elle n'interdit que le pouvoir de disposition du propriétaire. D'autre part, l'article 1128 du Code civil est mis en oeuvre par la jurisprudence comme une règle de police délimitant les pouvoirs du propriétaire.

A. Une chose physiquement appropriable

67.- L'appropriabilité de la corporalité d'une chose contrefaite118 - Les marchandises contrefaisantes sont a priori des biens comme les autres, physiquement appropriables. Le caractère illicite des choses produites par contrefaçon en interdit le commerce mais non la propriété. La propriété qu'en a le contrefacteur ne saurait lui conférer le droit d'en disposer, puisqu'il les a réalisées alors qu'il n'était pas titulaire du droit d'exploiter une idée appartenant à autrui. Le droit de propriété qu'il a sur les choses corporelles n'est pas contestable, car ce droit puise sa source dans la propriété des matières premières et dans l'acte de fabrication

68.- L'absence de droit d'exploiter- Le contrefacteur n'a pas le droit d'exploiter la chose puisqu'il viole un droit de propriété intellectuelle. Il est donc dépourvu du droit de reproduire la propriété incorporelle. En effet, le contrefacteur est privé de droits sur le principe de sa chose, il est dans l'impossibilité de l'engager dans un acte quelconque. Il ne peut exploiter la chose dont l'idée appartient à quelqu'un d'autre. Comme il n'a pas de droit sur l'idée, il ne peut donc pas en disposer.

118. n °31 p70 Les biens ZENATI-CASTAING. 3e éd. puf.

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B. Le simple anéantissement de la faculté de disposer

69.- L'extracommercialité comme restriction du droit de propriété119 - Dans un système subjectiviste, où seule la relation d'exclusivité fait la propriété, un propriétaire qui est privé du pouvoir de disposer de son bien n'en reste pas moins propriétaire. En effet, la faculté de disposer de la chose n'est qu'un attribut du droit de propriété. Sous cet angle, la commercialité ne désigne que l'étendue du pouvoir de disposition du propriétaire. Cela signifie que l'extracommercialité n'est que la neutralisation légale du pouvoir de disposer de tel type de bien.

De surcroît, une chose hors commerce n'est pas pour autant une res nullius ou une chose commune. Une chose hors commerce reste une chose appropriée. Le droit de jouissance reste intact, même si le droit de disposer est anéanti.

70.- Le droit de propriété dans le Common Law: le caractère secondaire du droit de disposer de la chose (Property need not necessarily be susceptible of transfer in common law system) - En droit de la common law, le fait que le bien soit susceptible d'être transféré ne définit pas la qualité de propriétaire. Cet élément de droit comparé va dans le sens d'une possible appropriation de la chose contrefaite. L'extracommercialité ne limite que l'emprise des volontés individuelles sur la chose mais non la relation d'exclusivité entre une personne et une chose. Même si la chose ne peut être vendue ou -plus largement- transférée, les pays de common law reconnaissent la propriété de la chose.

C. L'extracommercialité : technique du droit objectif contenant les droits du propriétaire

71.- L'extracommercialité, règle de police de l'objet contenant les droits du propriétaire- La loi et la jurisprudence, à travers l'article 1128 du Code civil interdisent ponctuellement de disposer de certains biens. L'extracommercialité apparaît alors, de ce point de vue, comme une condition inhabituelle de la chose puisqu'elle porte atteinte à un bien qui parce qu'approprié serait normalement disponible. De façon exceptionnelle, malgré son appropriation, ce bien n'est pas disponible pour une raison déterminée. Ce n'est que par détermination de la loi que ces choses sont mises hors de commerce. Leur commerce n'est pas

119. note préc., RTD Civ 2004 REVET; Les biens ZENATI-CASTAING. 3e éd. puf. Page 67, le commerce juridique est une criètre de distinction des biens et non pas un critère de distinction des choses non appropriées

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souhaitable. La loi n'entrave que la circulation juridique. Dans cette perspective, l'extracommercialité constitue une technique permettant au droit objectif de contenir les droits des propriétaires sur leurs biens quand cela se révèle nécessaire pour préserver l'ordre social. Tel est le cas de la chose contrefaite ou de l'investiture donnée par un parti à un candidat à une élection politique120 ou encore, le cas des produits périmés121. Ce dernier exemple rend bien compte de la mobilité de la qualification de chose hors de commerce tout en confirmant qu'une telle qualité ne tient pas à la nature de la chose. En effet, la marchandise, avant de se périmer, constituait assurément un bien dans le commerce et ce n'est que pour des raisons de politique sanitaire et la sécurité des consommateurs (l'intérêt général - l'ordre public) qu'elle a été mise hors de commerce.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon