Conclusion §1.
55.- La chose contrefaite ne peut faire
l'objet d'une évaluation pécuniaire en raison de son interdiction
dans la sphère marchande. Elle est en principe inévaluable.
Étant donné qu'elle ne peut faire l'objet d'un échange sur
un marché licite, le droit ne peut lui reconnaître aucune valeur.
Certes, une approche économique tendrait vers la reconnaissance d' une
valeur à la chose contrefaite. Celle-ci fait l'objet d'une demande
à moindre prix sur un marché illégal, mais l'analyse
juridique (extracommercialité et extra-patrimonialité) s'y
oppose.
Le législateur, à travers la loi du 29 octobre
2007 a supprimé une anomalie législative qui consistait en une
prise en compte de la valeur des marchandises contrefaisantes remises à
la victime dans le calcul de ses dommages et intérêts.
En réalité, si sur le plan pécuniaire la
chose contrefaite ne peut se voir attribuer aucune valeur, sur un tout autre
plan une évaluation chiffrée est indispensable. La chose
contrefaite fait l'objet d'une évaluation indemnitaire
délicate.
38
§2 L'évaluation indemnitaire de la chose
contrefaite
56.- Une évaluation indirecte de la chose
contrefaite- Il est souvent fait état dans la presse de
marchandises contrefaites saisies. Les douanes, se prononcent alors sur une
estimation de leur valeur104. Or cette évaluation ne
procède que par référence à la valeur de la chose
authentique dans la sphère marchande. Cette évaluation ne peut
être qu'une estimation approximative, car nul ne sait le plus souvent
à quel prix les marchandises contrefaisantes auraient été
écoulées sur le marché. La chose contrefaite n'est
évaluée que dans le cadre du préjudice économique
qu'elle cause au titulaire de droit de propriété intellectuelle.
Ce préjudice est délicat à estimer. Les dommages et
intérêts alloués à la victime sont aléatoires
et il est difficile de percevoir ce qui justifie des différences de
montant.
A. L'évaluation approximative du préjudice
économique des titulaires de droit
55.- Difficultés à estimer le
préjudice des titulaires de droit105- Le
préjudice réellement subi par la victime de contrefaçon
est difficile à estimer. La totalité des pertes subies par le
titulaire des droits, n'est peut être pas totalement imputable au
contrefacteur. Pour évaluer ce préjudice, il est fait appel aux
principes généraux du droit à réparation (cf. le
principe indemnitaire: tout le préjudice, rien que le préjudice).
Les dommages et intérêts ont pour mesure le préjudice sans
que la situation financière de l'auteur de la contrefaçon n'entre
en considération. Traditionnellement le montant des dommages et
intérêts est fonction de la perte subie et du gain
manqué.
Le gain manqué correspond aux produits que le titulaire
de la marque n'a pas vendu en raison de l'existence de la contrefaçon.
Il est difficile à chiffrer. L'existence de la contrefaçon peut
avoir détourné les acheteurs du produit original soit parce que
certains consommateurs n'ont pas acheté le produit original trop
vulgarisé selon eux par la présence de contrefaçons
multiples, soit parce que des consommateurs peu regardants ont
préféré acheté un même bien contrefait
à moindre coût106.
Les pertes subies correspondent en premier lieu aux
marchés perdus du fait de la contrefaçon. Par exemple,
l'existence de la contrefaçon peut avoir détourné des
annonceurs, ou d'éventuels licenciés, fait échouer une
opération de cession, ou empêché une
104. V. notamment Bilan 2007 de l'action de la douane La
Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 16, 17 Avril 2008, act.
209
105. DURRANDE (S.) Recueil Dalloz 2009 p. 691 Droit des marques
juin 2007-septembre 2008
106. Si l'on prend l'exemple de la contrefaçon d'une
grande marque de luxe : tous ceux qui ont acheté un costume Cerruti
contrefait à 270 € n'auraient certainement pas acquis l'original
à 1 200 € (TGI Paris, 11 janv 2008, PIBD 2008. III. 230).
39
diversification projetée par le titulaire de la marque.
Il se peut aussi que le contrefacteur en raison de ses capacités de
production, qui sont parfois supérieures à celles du titulaire de
la marque, se soit implanté sur des marchés que ce dernier aurait
pu conquérir. Par exemple, en pratiquant des prix inférieurs, il
est devenu fournisseur de l'Administration.
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