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La chose contrefaite

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par Nicolas Monteil
Université Paris I Panthéon - Sorbonne - Master 2 Droit Patrimonial approfondi 2010
  

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Conclusion §1.

35.- En prenant comme point de départ la définition de l'extracommercialité établie par les différentes études de MM. PAUL et JOUARY, il est possible de s'interroger sur la validité des conventions qui ne réalisent pas de mutation patrimoniale. Parmi celles-ci apparaissent des conventions techniquement valables. Une convention peut concerner une chose illicite et être, dans certaines situations, admise si la convention ne vise aucun marché et ne porte pas atteinte aux titulaires des droits de propriété intellectuelle. Bien que le risque soit techniquement assurable dans l'assurance dommage, sa couverture par l'assureur serait certainement prohibée pour des raisons d'ordre public. En outre, la chose contrefaite ne semble pas non plus pouvoir faire l'objet d'un contrat de dépôt en raison de sa nature illicite.

Ce n'est que dans certaines situations que des conventions d'enlèvement, de transport, et de stockage et destruction, de la chose contrefaite sont valables. La validité de ces conventions permet de distinguer la chose contrefaite parmi les autres choses hors du commerce.

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§2 Les actes juridiques valables en droit international

36.- «L'illicite universel n'existe pas»80- L'illicite est une notion variable d'un Etat à l'autre, il n'existe pas d'illicite universel. Les marchandises contrefaisantes ont -pour une écrasante majorité- une origine internationale. Ces marchandises se voient appliquer les règles juridiques des pays sur lesquels elles se trouvent. Si le droit français assimile les marchandises contrefaisantes aux choses hors du commerce, il est intéressant de s'interroger sur le sort des actes juridiques dont la chose contrefaite ferait l'objet dans un contexte international.

Les contrefacteurs cherchent à exploiter les vides juridiques et le laxisme des administrations partout où ils existent. Par exemple, pour le transport, il est désormais bien connu que les contrefacteurs recourent à l'acheminement indirect qui s'explique par le souci de tromper la vigilance des autorités douanières. La rupture de charge consiste à dissimuler l'origine du produit, en le faisant passer par plusieurs territoires différents, avant de l'envoyer vers sa destination finale. Les exemples permettant d'illustrer cette tactique sont nombreux Par exemple, le 9 juillet 2002, une expédition de 2,6 tonnes de fausses montres, en provenance de Hong Kong et à destination de l'Espagne, a été saisie à Roissy.

37.- L'extracommercialité en droit comparé81- L'intérêt pour la notion d'extracommercialité se trouve aussi partagé par d'autres systèmes juridiques et par le droit international. Car la même question juridique se présente dans quasiment tout système de droit: toute chose peut-elle être objet de conventions légitimes? Les droits d'origine romano-germanique s'étant directement inspirés du Code civil reprennent la notion, en son contexte même82. D'autres droits l'utilisent avec davantage de recul par rapport au Code français. En revanche, les droits anglo-saxons ne connaissent pas la notion de chose hors commerce elle-même. Ils ont recours à une approche beaucoup plus pragmatique. Bien que le droit anglais ne semble pas connaître la notion précitée, certains contrats peuvent être illicites en raison de l'illicéité de leur objet. Etant donné que le délit est un acte illicite lui-même, a fortiori, le contrat est illicite s'il oblige à un délit. En outre, le contrat ne doit pas être contraire à l'ordre public.

80. n°69 préface,COURT DE FONTMICHEL (A.), L'arbitre, le juge et les pratiques illicites du commerce international, LGDJ, thèse Paris II.

81. thèse préc., MOINE (I.), n°91, p.69

82. Droits directement inspirés du Code Natpoléon

A. 29

L'illicéité de la vente d'une chose contrefaite en droit international

38.- Principe de l'illicéité de la vente de marchandises contrefaites en droit international83- Imaginons que la marchandise contrefaite soit légalement commercialisée dans un pays tiers. En droit français, la vente d'une marchandise contrefaite est dépourvue d'objet et de surcroît, est illicite. Pour qu'un contrat soit valide, certaines conditions relatives à son objet et à sa cause doivent être réunies. Ces deux instruments de contrôle sont à la disposition du juge pour s'assurer de la conformité du contrat à l'ordre public et aux bonnes moeurs. La validité de ce contrat se vérifie par rapport au droit applicable au contrat; la validité du contrat sera du domaine de la lex contractus .

La technique de la prise en considération d'une règle impérative par le juge d'un État tiers permettrait d'interférer avec les conditions de validité d'un tel contrat84. En effet, même si le droit applicable au contrat ne prohibe pas la vente de marchandises contrefaites, ce droit applicable peut considérer comme nul un contrat qui contreviendrait aux règles impératives de l'État d'exportation. La nullité devrait ainsi être encoure pour l'ensemble des conventions.

B. Décisions reconnaissant la validité de la vente de choses illicites

49.- Exceptions : la validité de certains contrats de vente de marchandises illicites importées ou exportées- Il arrive parfois que des contrats de vente internationaux aient un caractère illicite et soient reconnus valables par le juge. Par exemple, le juge étatique avait considéré au début du XX ème siècle que « l'exportation d'une marchandise en pays étranger où sa vente est prohibée ne constitue pas un acte de contrebande au regard de la loi française si la circulation est permise en France ». La contrebande à l'étranger peut d'ailleurs faire l'objet d'un pacte licite85.

En outre, pour ce qui est d'un contrat de vente de marchandises importées ou exportées illicitement, certaines sentences arbitrales ont fait preuve d'un grand libéralisme. Par exemple, si la marchandise n'était pas prohibée sur le territoire de l'État dont le droit était applicable au contrat, l'objet du contrat ne pouvait être illicite, même si l'entrée sur le territoire de l'État de la destination de marchandise était prohibée. En 1966, ces arbitres ont adopté une attitude relativement libérale vis-à-vis de la contrebande86.

83 Thèse prec., COURT DE FONTMICHEL (A.), n°656 et suivant p 301.

84 Pour une illustration, thèse précitée n°391 et suiv p 209.

85. CA Aix-en Provence, 2 févr. 1926, JDI, 1926, p.918 «la contrebande à l'étranger peut faire l'objet d'un pacte licite ». Solution validée par la Cour de cassation. C.Cass.(Req.), 28 mars 1928, JDI, 1929, p.333

86 Thèse préc., n°150 et suiv.p. 104

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C. La détention licite d'une chose contrefaite

42.- La licéité de la détention en France de produits revêtus d'une marque contrefaite- Rappelons que pour que le délit de contrefaçon par importation soit réalisé, il convient que la marque soit protégée sur le territoire français87. L'élément constitutif de la contrefaçon par importation de l'art. L.716-988 suppose que les marchandises aient été importées en vue d'une mise dans le commerce ou d'une utilisation sur le territoire français89. Lorsque des marchandises arguées de contrefaçon proviennent et sont à destination d'un pays tiers à l'EEE (transit externe), elles n'ont été ni importée ni détenues en vue d'une mise dans le commerce ou d'une utilisation sur le territoire français; elles n'entrent donc pas dans les prévisions de l'art. L.716-9 du Code la propriété intellectuelle.

Une décision intéressante a été rendu en matière de détention d'une chose contrefaite. En principe le seul fait de détenir des marchandises contrefaites constitue un délit assimilé à la contrefaçon. Peu importe qu'il y ait eu ou non transfert de propriété. Or une solution de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 10 juillet 2007 affaire Nutri Rich90 a retenu que «... procédait d'un motif légitime, la détention en France de produits revêtus d'une marque contrefaite en vue de leur exportation vers un pays tiers où il n'est pas contesté qu'ils sont licitement commercialisés.»

Autrement dit, la Cour de cassation juge que dans certaines circonstances, la détention de marchandises contrefaisantes peut être licite en France alors que la législation l'interdit et que la chose contrefaite est hors du commerce. Les marchandises contrefaites échappent dans cette situation à la répression. Pour certains auteurs91, cette solution est difficile à justifier que l'on se tourne vers le droit communautaire ou vers le droit interne.

87. Crim. 26 mars 2008, n°05-17.035.

88. L716-9 CPI: Est puni de quatre ans d'emprisonnement et de 400 000 euros d'amende le fait pour toute personne, en vue de vendre, fournir, offrir à la vente ou louer des marchandises présentées sous une marque contrefaite : a) D'importer, d'exporter, de réexporter ou de transborder des marchandises présentées sous une marque contrefaisante ; b) De produire industriellement des marchandises présentées sous une marque contrefaisante ; c) De donner des instructions ou des ordres pour la commission des actes visés aux a et b. Lorsque les délits prévus au présent article ont été commis en bande organisée ou lorsque les faits portent sur des marchandises dangereuses pour la santé, la sécurité de l'homme ou l'animal, les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende.

89. Paris, 30 janv. 2009, «Pfizer»: PIBD 2009, III, p. 926

90. Com. 10 juil. 2007 arrêt Nutri Rich, Bull.civ. IV, n°189; D. 2007; AJ 2112, obs. Daleau; RTD com. 2005. 714, obs. Azéma ; DURRANDE (S.) Recueil Dalloz 2009 p. 691 Droit des marques juin 2007-septembre 2008 91.note préc., AZEMA.

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